« tu le vois, tu tires ». L’arme à feu bien en main, Kaycee inspira fortement et acquiesça aux recommandations de sa copine. Est-ce qu’elle en serait capable ? La jeune fille voulait y croire, même si elle n’avait encore jamais fait feu contre un vivant. La situation s’y prêtait en tout cas. Pour sortir de ce guet-apens et pour venir en aide à Rory au dehors.

- Nous sommes dans le même camp, essayait d’ailleurs d’expliquer le garçon aux trois femmes. Elles étaient ultra tendues, mais il devait leur faire comprendre que ce n’était qu’un malentendu !

Les deux amies échangèrent ainsi un regard, avant d’aviser l’escalier qui descendait. La petite blonde éclaira ce dernier de sa lampe, devinant les râles des monstres qui les attendait en contre-bas. Elle pinça les lèvres, mais ne manquant pas de courage – et encourager par Roxanne – elle commença à descendre les marches une à une. Elles rejoignirent alors une série de cellules, dans lesquelles s’agitaient quelques morts. Elle éclaira chaque cellule, essayant de voir au-delà des rôdeurs, s’il s’y trouvait quoi que ce soit d’intéressant. Mais ces dernières étaient pour la plupart complètement nues. Elle acquiesça donc au propos de la bouclée qui désiraient aller de l’avant. Clairement ! Elles n’avaient pas de temps à perdre inutilement.

Deux portes étaient closes. Alors que Roxanne essaya celle fermée de l’intérieur, Kaycee tenta la seconde.

- Celle-là aussi, soupira l’adolescente dans un murmure. Elle avisa alors les clés qui pendaient contre un mur. Elle pointa son index dans cette direction. L’une d’elles ouvrait-elle une de ces issues ? C’était possible, mais le mystérieux type en uniforme rôdait aussi certainement et la supercherie que proposait la brunette se tentait. Kaycee hocha la tête, alors que Roxanne parlait fort. Ouais, répondit-elle simplement.

Elle suivit ainsi sa copine, monta bruyamment quelques marches et en redescendit tout autant. Elle éteignit sa lampe de poche. Ensuite ? Le temps se figea l’espace d’un instant. Si le gars s’était planqué, il pourrait effectivement être tenté de sortir, pour se rapprocher du rez-de-chaussée et suivre davantage ce qui s’y passait. Car aucun son ne parvenait de là-bas… pas avec les grognements de tous ces macchabées autour. Sinon… et bien elles aviseraient ! En attendant, Kaycee sentait son cœur battre intensément dans sa poitrine. Elle avait armé son bras, prête à tirer à la première occasion. Elle se retint même de respirer.

Les minutes semblaient durer une éternité, et les râles des rôdeurs, quant à eux, ne cessaient de répondre présent. La touche d'ambiance semblait alors suffire à l'homme (dont les pas s'étaient fait entendre plus tôt) pour rester caché. Agacée, la bouclée désigna du doigt les gloutons à son amie et claqua des dents à deux reprises avant de lever son majeur vers les affamés. Mimant ainsi son l'agacement, elle continua en agitant son couteau, comme si elle plantait une tête imaginaire. Ce n'était pas la première fois qu'elles échangeaient de la sorte, Kaycee devrait comprendre où elle voulait en venir.

Avec précaution et une extrême lenteur, elle attrapa les clés au mur pour les glisser le plus silencieusement possible dans la poche de sa veste. Avant d'ouvrir, il fallait qu'elle se débarrasse des monstres et ce intelligemment : profiter de la présence des barreaux pour éviter toute morsure semblait être une bonne option.

Sa cadette se dirigea vers une des cellules proche des escaliers et donc la plus éloignée de la porte. Elle agrippa à deux mains le tissu restant sur les épaules d'un rôdeur pour l'écraser contre la grille. Roxanne passa sur le côté pour le gratifier d'un coup de lame en plein crâne. La jeune blonde usa de la force de ses bras pour accompagner doucement la descente au sol du mort (bien mort) afin d'éviter de faire le moindre bruit trop suspect. Et elles recommencèrent la même magouille avec le second occupant des lieux, jouant toujours la carte de la discrétion. La cellule vidée de toute menace, Roxanne désigna celle d'en face à sa copine afin qu'elles recommencent le même manège.

"On vide les deux cellules, et on se cache chacune dans l'une, les autres ne devraient plus nous voir et se calmeront." Lui chuchota t'elle tout bas au creux de l'oreille, il faudrait également qu'elle pense à remettre les clés avant de se planquer, sans quoi, tout le plan pour prendre le fou par surprise tombait à l'eau.

Lee aurait bien voulu apporter ce fameux dessin à ses camarades mais en se relevant, sa tête se mise à tourner violemment et celui-ci d'effondra contre la fenêtre avant de rejoindre le sol. La gamine quitta sa place pour venir avec le bébé vers la source du bruit, elle découvrit le garçon et sembla se décider à rester à ses côtés.

C’était un duel de patience. Entre les filles et le type qui s’était de nouveau retranché. Kaycee sentit sa main tenant le pistolet trembler, et elle fut obligée de le relâcher un instant pour ne pas finir simplement avec une crampe. Est-ce qu’elles avaient tout leur temps ? La situation dans laquelle il leur semblait avoir laissé Rory ne le laissait pas croire. Mais l’homme n’était pas curieux également de ce qui se déroulait au-dessus de lui ? Ne les espionnait-il pas au préalable ? L’attente devait être pour lui tout aussi insupportable !

Roxanne fit alors une série de gestes à l’attention de son amie, pour lui expliquer que l’agitation des rôdeurs ne les aidait pas. Elle proposa sans le dire, de les éliminer. Tous ? La petite blonde fit une moue. Cela ne leur apporterait rien de faire le ménage ici. Leur supercherie serait forcément grillée ! Après tout, un infecté ne devenait jamais parfaitement silencieux ! Mais la brunette avait plus d’un tour dans son sac ! Elles éliminèrent ainsi deux macchabées dans une première cellule, avant de s’attaquer à celle qui se positionnait juste en face. Celle-ci en présentait trois. Avec des gestes assurés, elles effectuèrent le même manège, éliminant les deux premiers monstres avec méthode et dans un silence quasi-parfait. Le dernier rôdeur gisait lui au sol, elles devraient entrer dans la cellule pour l’achever. D’un mouvement de main, Kaycee invita ainsi Roxanne à ouvrir la cellule doucement. Ce serait sa cellule, elle se chargerait du mort. La brune prendrait la seconde. Elle posa sa main sur son bras valide au passage et murmura si bas, que l’exercice relevait presque de la lecture sur les lèvres.

- S’il se présente - ce qui n’était bien entendu pas encore assuré - attire son attention et couche toi immédiatement. Elle montra l’arme. Elle utiliserait cette diversion pour faire feu dans son dos sans attendre.

Dehors, Rory avait attendu un moment que les trois femmes discutent entre elles, essayant de comprendre les sous-entendus. Son regard partait vers la fenêtre qu’il avait dégagée, il se sentait inquiet. Une seule planche restait.

- Il doit bien y avoir une solution, déclara-t-il, alors que ses interlocutrices s’étaient enfin décidées à lui en dire davantage. Qui est-ce que vous avez vu tout à l’heure ? Votre fille, vous avez dit. Il était avec elle ? « Il » : le Grand Vilain Méchant !

Accompagnant cette tirade, il fit un pas sur le côté, afin de s’approcher de la fenêtre, entrainant dans son mouvement les étrangères. Il plaça les mains autour de son visage pour y voir au travers. Il mit alors une seconde à comprendre ce qu’il y voyait : Lee, inconscient, avec une petite fille et un bambin à son chevet. La fillette avait posé une main sur son front. Le cœur de Rory manqua un battement.

- Lee ?! Lee !! Il tapa sur la vitre avec force pour attirer l’attention, comme si cela réveillerait le garçon, en proie à une certaine panique. Non non non, pas lui ! Pas lui ! Il se retourna alors vers les femmes, qui devaient crever d’envie de comprendre. Il se décala pour les laisser regarder à leur tour. Les enfants sont là ! Mon ami a l’air inconscient !! On doit les sortir de là, s’exclama-t-il tout en se baissant pour retourner chercher son pied-de-biche sur le sol. Tout-de-suite !!

Avec une bonne dose d'huile de coude, le ménage silencieux pour les deux cellules les plus éloignées de la porte fut enfin réalisé. À l'exception d'un rôdeur - en piteux état - que Kaycee semblait vouloir achever elle même. Grand bien lui fasse, la bouclée à l'épaule blessée n'y voyait aucune objection et celui-ci ne réussirait pas à faire tomber son amie dans cet état. Ça devrait aller.

Pour ouvrir la dite cellule, elle pressa à l'intérieur de sa poche les clés entres elles pour ne pas les faire tinter en les extirpant de leur cachette. Son geste fut d'une lenteur extrême pour s'assurer d'effectuer l'extraction avec prudence. Elle extirpa ensuite entre ses doigts chaque clé avec cette même délicatesse pour les tester dans la serrure. La deuxième fut la bonne, elle retira la clé et laissa le soin à sa copine d'ouvrir la porte quand elle serait prête à effectuer son office.

"Ça marche ! Plombe le bien." Drôle de souhait pour une première.

Chacune se sépara donc, Roxanne retourna à la première cellule pendant que Kaycee s'occupait du dernier rôdeur. La canadienne fit de nouveau très attention à ne pas trop agiter les clés pour s'occuper de cette nouvelle serrure. Faire preuve d'autant de patience pour une hyperactive comme elle, ça tenait presque du miracle.

Une fois sa cellule ouverte, c'était le cœur battant qu'elle se faufilait d'une démarche féline dans le sombre couloir. Aussi silencieuse que possible, elle s'efforça de poursuivre ses efforts pour reposer les clés à leur place. Retournant ensuite à l'entrée, elle en profita pour grimper lourdement les marches et redescendre aussi silencieusement que possible avant de s'engouffrer dans la petite pièce où trônaient maintenant deux cadavres. Un petit coup d’œil en face lui confirma que son amie allait bien, elle s'agitait même dans son coin. Avant de se cacher, elle en profita pour fouiller la petite pièce à son tour, comme sa copine semblait faire en face.

Kaycee hocha la tête et inspira de nouveau un bon coup. Elle se sentait prête. Elle espérait néanmoins que tout serait rapidement terminé. Cette attente, ce flou, était tout bonnement insupportable. Elle ne voulait même pas penser à ce qui pouvait se passer au rez-de-chaussée !

Elle fit ainsi coulisser la porte de la cellule, et grimaça légèrement quand cette dernière couina un tout petit peu. Elle lâcha un juron muet. Les grognements des rôdeurs toujours debout avaient pourtant cacher le bruit. Elle referma la grille puis avança dans la cellule, enjambant l'une des dépouilles et le faisceau de sa lampe torche éclaira plus précisément le dernier macchabée. Une partie de son corps était coincé sous le lit. Le seul meuble de l'espace avec un chiotte sans fixation. Le tout était dans un état lamentable. L'odeur de mort et de chairs putréfiées vous prenaient aux narines, mais la blondinette n'y était plus sensible depuis longtemps. C'était comme si son nez était anesthésié ! La créature leva un bras décharné vers elle, mais elle ne pouvait pas bouger. Sa mâchoire claquait, l'os à nue, comme si la bouche et toute une partie de la joue du monstre avaient disparu depuis longtemps. L'adolescente resta le regarder trois longues secondes, toujours aussi fascinée, puis elle sortit le couteau qu'elle gardait toujours à la ceinture et enfonça la lame sans soucis dans le crâne du rôdeur.

Elle fit circuler une nouvelle fois sa lampe autour d'elle, pinça ses lèvres, puis s'accroupit à côté du  corps. Quitte à se cacher, elle jouerait la parade jusqu'au bout ! Elle enfonça alors le tranchant de son couteau dans le ventre du cadavre et recouvrit son visage de sang, comme elle avait l'habitude de le faire. Ce camouflage était pour elle une seconde peau. Une peinture de guerre. Il lui donnait confiance, comme si elle puisait ainsi un peu de la force des morts. Elle releva ses yeux clairs pour croiser le regard de Roxanne, qui venait d'entrer dans sa cellule. Elle lui fit un simple hochement de tête, entendu, avant que son regard ne soit attiré par quelque chose sous le lit. Comme un reflet ou un éclat qui l'interpela. Ainsi, avant de se mettre en position au fond de sa cellule, elle dut presque s'allonger pour réussir à sortir sa trouvaille de là. Utile ?

L'instant d'après, elle avait rééteint sa lampe, plongeant le fond de sa cellule dans l'obscurité et arme au poing, elle attendit impatiemment que les rôdeurs à côté finissent par se calmer...