Un carnage s'imposait à elle, et si sa première réaction venait de lui sauver la mise, celle de ses partenaires n'avait guère eu le même effet. Evelyn fixait les actes dans la pénombre, sursautait aux grognements et aux couinements signifiant la blessure ou la mort d'un des chiens, idem aux hurlements de deux d'entre eux. Sa torche balayait la zone, ses yeux suivaient sans que son corps puisse agir, jusqu'à capturer l'état du Husky, sonné par Will plus tôt, et braquer les yeux sur May dont la cuisse était prisonnière des crocs du Doberman. Elle ne pouvait pas tirer, elle en était incapable... Certes ces bêtes étaient hostiles, mais fatalement elles se défendaient simplement. Leur maigreur lui faisait mal, autant que l'état de Lucas et de May lui déchirait le cœur. Elle devait choisir, elle devait agir. Subitement, Evy se décolla du mur et avança vers May, la torche braquée dans les yeux du Doberman pour tenter de l'aveugler tandis que son arme braquait encore le Husky pour prévoir une éventuelle nouvelle attaque, une réaction.

- STOPPPPPPPPPP !!!!!!!! Hurla-t-elle si fort que sa voix lui sembla plus rauque, plus forte, sous les échos qui se réverbéraient dans le domaine.

Aucune idée de s'ils avaient eu la peau de l'alpha du groupe, mais si les bêtes attaquaient encore c'était peut-être qu'il était encore debout.... Tout s'emmêlait dans son crâne. La soumission avait peut-être marché pour elle, mais peu importait désormais, elle devait agir quitte à manger pour les épargner eux. Lucas était blessé, même s'ils n'étaient plus d'accord elle n'allait pas le laissé mourir. Et May, même si elles ne se connaissaient pas depuis longtemps, elle pouvait entrevoir une amie derrière les petites piques et répliques de cette blonde.

- Ça suffit !!!!! Reprit-elle plus fort.

Ce serait peut-être suffisant, si elle faisait preuve d'aplomb, si elle était plus impressionnante que les deux bêtes restantes, peut-être qu'un lâcherait prise et l'autre n'attaquerait plus. Sans quoi, il faudrait tirer. Tirer sur le Husky et espérer avoir le temps d'envoyer le manche de la torche dans le museau de l'autre bête. Peut-être que leur attention serait suffisamment détournée, peut-être que Lucas, May ou Will ne donnerait aucun crédit à son action inespérée et en profiterait pour les achever, tous deux, sans plus de cérémonie.

Ça n'avait rien changé, May se débattant ne fit qu'intensifier la hargne du Doberman qui se fichait bien de la torche et de son feulement, de chaton sans griffe, lui rapporta sa saleté de conscience en pleine panique. Et l'un des chiens n'était pas mort, il couinait encore, ses pleurs lui déchiraient le cœur autant que l'état de ses deux camarades, autant que l'état de son "frère"... Merde, Lucas ne bougeait plus des masses et subitement, May volait au sol sous l'assaut plus violent du canidé. Son cœur battait à tout rompre, le sang voguait dans ses veines comme un mauvais mélange de stress et d'adrénaline.

Elle ne pouvait pas tirer, ces bêtes n'avaient strictement rien fait à part protéger le lieu qui leur permettait de survivre, tout comme eux..... Dans sa tête mille choses filèrent à une vitesse ahurissante. Elle ne pouvait pas laisser mourir May, elle ne pouvait pas la laisser se faire déchiqueter sous les crocs d'une bête n'ayant plus conscience d'avoir été éduquée et aimée un jour. C'était ces chiens ou eux, par sa propre faute parce qu'elle n'aurait peut-être pas dû supposer à Lucas que c'était ce qu'il aurait fait. Non, finalement personne n'était foncièrement fautif, la vie n'était plus celle d'autrefois, c'était tuer ou être tué, chacun avait agi selon son instinct rien de plus. Elle le savait, il lui avait répété des tonnes et des tonnes de fois, elle ou la mort qui gagnait.....

Ce ne fut que lorsqu'elle dévia les yeux vers le Husky, qu'elle sentit son palpitant bondir de plus belle. Cette fois non, plus le choix... Elle ou lui, May ou lui qui déjà se redressait en zieutant la blonde étendue au sol. Pas le choix, Collins ramena rapidement la torche sous le canon de son Glock, inspira puis tira. L'écho l'obligea à fermer les yeux comme le jappement, pire encore en entendant encore les couinements d'un des malinois touché qu'elle ne discernait pas, agonisant sans encore trouver la mort que l'un d'eux lui avait promise... Horrible, tout bonnement horrible, comme les cris de May, sa détresse... Simplement quelques secondes venaient de s'égrainer, pourtant l'assistante avait l’impression d'avoir tergiverser une heure avant de prendre une décision qui, malgré tout, lui retournait le cœur.

Ça faisait vraiment un mal de chien, putain. La mâchoire puissante du doberman se refermait toujours plus fort sur sa cuisse comme si elle était un vulgaire morceau de viande. Si la blonde était restée debout jusque là, le putain d'idiot de canidé redoubla d'ardeur avant de la virer par terre dans un choc violent. Il avait encore plus de facilité à la grignoter de cette façon, aussi la douleur était décuplée. Elle ne pouvait s'empêcher d'entendre Morgan dans son crâne lui souhaiter bienvenue en enfer à répétition, et cette idée ne l'aidait pas du tout à garder son calme, bien au contraire. Si May serrait les dents pour ne pas hurler plus tôt, elle avait bien de la difficulté à rester silencieuse et des éclats de sa voix traduisaient sa souffrance et accompagnaient parfois le toutou en train d'agoniser plus loin. Merde elle croyait bien que ce foutu chien allait partir avec sa patte au complet si quelqu'un ne faisait pas quelque chose maintenant.

La petite essayait de se défendre sans succès, n'ayant pas conscience de ce qui se passait autour. Le premier bruit d'une balle fila ses oreilles. Rien, aucun changement. Une deuxième balle se fit entendre ensuite, bien plus près celle-là. Son calvaire s'achevait enfin. Le soulagement fut de courte durée, par contre. Elle avait reculé en rampant sur le dos, s'aidant de la jambe qui était en bonne état. Paniquée comme si la chose était encore en train de la bouffer, épuisée de s'être débattue comme une déjantée et complètement sous le choc d'être encore et toujours une saloperie de proie, ici aussi.

Ses yeux se posaient aléatoirement sur le carnage, un lourd silence emplissant l'endroit. Will demandait si ça irait, elle hocha machinalement la tête que oui. Oui, tout irait bien maintenant, non? "Merci." hasarda-t-elle alors qu'elle ne savait même pas qui avait finalement fait feu pour la libérer. La scène était lugubre et elle se disait qu'il faudrait bien qu'elle bouge son cul, mais voilà, aussitôt qu'elle voulu essayer de réaliser cette idée, elle comprit à quel point ce chien ne l'avait pas épargné. Elle se tortillait pour essayer de se relever, particulièrement entêtée, mais elle n'y arrivait pas ou pas très bien, planquant une de ses mains sur sa blessure qui saignait davantage maintenant qu'elle se remuait.  "J'ai une trousse dans mon sac."  dit-elle en regardant Evy, à bout de souffle, fermant les yeux en plissant le nez pour résister à l'envie d'hurler de douleur.

Un autre coup de feu résonna, l'obligeant à réaliser son geste, la forçant à revenir braquer la torche du côté de May malgré les autres lampes perdues - ayant roulé plus loin - qui éclairaient sommairement la scène. Will venait de tirer, arrachant son dernier souffle au Doberman qui relâchait enfin May. Cette dernière au sol, la jambe ensanglantée, tentait déjà de se réfugier à hauteur des forces qui lui restaient. Will était déjà auprès d'elle, quant à Evy, elle sentait encore les élans trop durs de son coeur, pire encore alors que le dernier canidé, aux portes de la mort, criait qu'on l'achève. Rengainant son Glock, elle retira la lame de l'étui à sa ceinture et s'en approcha, les mains tremblantes de stress, mais aussi d'angoisse qu'il puisse encore la chopper. Sa main gauche glissa sur la fourrure rêche de l'animal, il était maigre, en souffrance.... Le coeur de la jeune fille se serra, pire encore lorsqu'elle le fixa dans les yeux avant de loger la lame dans sa jugulaire pour l'achever. Ses propres prunelles remplies de larmes, Collins se releva rapidement pour s'enquérir de l'état de Lucas avant d'observer Will qui parlait de les bouger pour tenter quelques soins de fortune, et Goldenberg qui précisait avoir une trousse dans son sac.

- Okay..... okay, Souffla-t-elle, encore en état de choc, avant de fixer Lucas et de l'aider à se remettre sur ses jambes. Son bras était entamé par les crocs, une horreur. Faut t'mettre debout, bois un peu s'il te plaît..... ça va aller d'accord ? Will avait raison, Dieu seul savait ce qui traînait ou pas dans le coin, davantage encore que l'endroit n'était pas des plus sains pour prodiguer les premiers soins aux deux blessés. Il fallait désinfecter et bander au minimum pour éviter aux cochonneries de se lover dans les plaies. T'as raison, on peut retourner dans le précédent couloir et refermer la double portes pour être plus en sécurité le temps de s'occuper d'eux ? Mieux valait ça que dehors à son humble avis, la porte passée plus tôt et la double empêcheraient quiconque de passer le temps que May et Lucas reprennent leurs esprits. Ça va aller?