C'était pas bon non, pas bon du tout, pourtant quand Elena sembla le comprendre, Addison lui offrit un clin d'oeil, parce que ça servait à rien de l'alarmer plus qu'elle l'était déjà. Parce que sombrer là, c'était la pire des choses à faire. La voix faiblarde de Jesse lui parvint, la forçant à redresser le nez vers lui, histoire de voir ses traits. Il était blême, le visage perlé et rien que le voir s'avachir, comme il pouvait contre un mur, fit poindre davantage de stress dans les veines de la rouquine. De nouveau ses billes claires vinrent considérer la jeune femme qui serrait sa main, puis les gestes de Erika. Les conseils que cette dernière filait au Juif. Damian gérait, ça allait, il devait être passé en pilotage automatique, il stressait moins, ou s'il angoissait, il en montrait rien et tout passait dans la concentration.

Elle l'appréciait vraiment ce type, plus que ça mais elle réprimait le reste finalement. Confiance aveugle, c'était juste ce qu'il lui avait fallu pour lui dire qu'il jouerait son rôle là, ce qu'elle pouvait pas faire à cause d'un sale enfoiré qui, comme ses leaders, avait jugé bon de leur castagner la gueule parce qu'ils refusaient de se soumettre. Bref, Elena cherchait à agripper la bouteille, Addison en émit un rictus chevrotant avant de la lui tendre puis de chopper un truc à la va vite pour lui redresser doucement le corps.

- S'tu veux picoler, fais le bien, manquerait plus que t'étouffes. C'était pas suffisant, même la plaisanterie suffisait pas à la sortir de cette horreur qui voguait lourdement dans ses veines. Ça n'allait pas, Ashley était mourante, Elena encore consciente mais l'espoir de les sauver s'amenuisait au grès des secondes. Sere, désinfectes la plaie de Jesse, recouds le si c'est pas profond, et panses. Le bouclé aussi allait morfler, mais pas autant que la jeune femme que sa nièce s'apprêtait à recoudre après avoir viré les derniers lambeaux de jeans. Tu vas tenir, tu vas tenir parce que tu l'as fait jusqu'ici, parce que toi, Ashley, vous réunissez les gens, vous soulevez la solidarité. Regardes autour d'toi Elena, regardes c'que vous avez construit toutes les deux, ce que vous avez fait de tous ces gens. Addison serra sa main et se pencha vers elle pour ramener leurs membres contre sa poitrine, les yeux brillants d'imaginer les perdre toutes les deux. Rien est vain, y a rien de c'que vous avez fait qui payera pas, j'te l'promets, mais bats toi encore, lâches pas. Erika termina de demander ce qu'il fallait pour attaquer le pire moment de l'ouvrage. Recoudre, à vif, sans anesthésie.

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Elle se hissa tant bien que mal avec l'aide de Addison, se redressant pour porter le goulot à ses lèvres. L'alcool glissant sur ses lèvres gercées semblait bien doucereux après l'épreuve passée. Elle avala deux bonnes gorgées, plissant les yeux alors que le liquide lui brûlait la trachée à son passage. Elle reposa lourdement la bouteille, en relevant les yeux plus loin, vers son amie, mal en point. Elle s'en voulait presque d'être là, encore consciente alors que Ash semblait se battre sur une corde raide. Elle laissa sa tête cogner contre le mur derrière elle, les paupières lourdes. Elle rouvrit doucement les yeux en écoutant Addi. Sérieusement ? La rouquine était-elle sûre d'avoir regardé autour d'elles ? Elena ne voyait que mort et échec.

Rien n'est vain, disait la rouquine. Se battre. La jeune femme n'avait pas cessé de le faire depuis le début de cette merde. La course avait été longue, et elle se sentait fatiguée. La lutte perpétuelle demandait des efforts, et elle craignait d'avoir vidé ses réserves d'énergie. Physiquement, mentalement. Il y avait quelque chose de brisé entre ses tempes. Quelque chose d'irréversible. Pour autant, la grecque savait qu'elle devait continuer. Même alors que tout laissait présager que c'était la fin, que tous les signes étaient au rouge, que son corps l'abandonnait à son tour. Elle le devait. Parce que ces yeux brillants tournés vers elle ne pourraient supporter la perte des deux capitaines de ce navire au naufrage. Parce qu'ils devaient garder l'espoir, le porter dans leur cœur comme une flamme éternelle, et qu'importe qui survivrait ou non, ce flambeau devait persister. Relève toi, allez. Ces hommes et ces femmes te regardent. Les laisse pas croire que leur liberté et leur vie s'envolent avec toi aujourd'hui. Putain Elena, c'est pas fini. Pas encore.

Un grognement s'échappa de la bouche de la brune lorsque l'aiguille creusa sa peau pour se fendre un chemin dans ses chairs à vif, la ramenant brutalement à la réalité. Elle pouvait sentir le fil coulisser entre ses nerfs écorchés. Ses dents s'entrechoquèrent violemment, crissèrent, alors que son supplice irradiait sa jambe, lançait des signaux de détresse à son cerveau. Et l'aiguille déchirait de nouveau sa peau. Quand l'aiguille perça une troisième fois son épiderme, les perles salées avaient depuis longtemps dévalé le visage de la jeune femme, et elle dut étouffer un cri dans la manche de son propre bras. C'était douloureux, ça oui. C'est le grabuge de la pièce voisine qui la détourna de sa propre souffrance. Dans ses yeux, la peur. La vraie. Elle songea immédiatement aux enfants, réfugiés à l'étage avec quelques uns des leurs, avec Khan. Non, pas ça... « Faut renforcer les barricades. Faut... » Elle grimaça de douleur. « S'ils essaient de rentrer, ils sont à portée de projectile...» Cette bouteille qu'elle fixait près d'elle lui donnait de sombres idées...

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