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Aidé par Daniella – et quelques autres volontaires venu se joindre à nous – je m’étais attelé à débarrasser tous ces cadavres qui jonchaient les terres du Ranch. Des corps éparpillés un peu partout, appartenant à ceux qui avaient sonnés le coup d'envois de cette journée d’hostilités. Ceux qui étaient venus nous assaillir avant qu’on leur rende la pareil.

Nous avions ainsi fouillé chaque corps, afin de récupérer tout ce qui pouvait être utile. Les transportant ensuite dans l’un de nos véhicule, pour aller les empiler plus loin, à l’écart, avant d’y mettre le feu. J’étais resté quelques secondes à contempler les flemmes qui se rependaient sur ces nombreuses dépouilles. Jusqu'à ce que l'odeur de la chaire brulée ne devienne trop insupportable. Me retirant dans le camion, le nez enfoui dans le pli de mon coude, je n’avais pu me résoudre à détourner le regard. Ça avait beau être nos ennemi, ça n’en demeurait pas moins des être humain… Le poids de leur mort pesait lourd sur ma conscience. Si bien que j’avais vigoureusement essuyé mes mains sur mon pantalon. Tentant de les laver – autant au sens propre que figuré – du sang de toutes ces victimes. Je n'avais pas tué aujourd'hui, pas physiquement du moins, mais j'y avais contribué et je l'avais même souhaité par moment. Étions-nous si différent d’eux, au final ? Je devais croire que oui. Après tout, on l’avait fait pour se défendre et eux pour nous soumettre… Ça faisait toute la différence, pas vrai ?

* * *
Depuis que l’on avait mis nos morts en terre, deux jours s’étaient écoulés. Deux jours à m’occuper comme je le pouvais. Apportant mon aide là où on en avait de besoin. Dormant peu, terrassé par les cauchemars et la crainte omniprésente de les voir revenir… Incapable de rester sans rien faire, cherchant par tous les moyens à m’occuper l’esprit pour m’empêcher de trop penser, de trop ressentir. Défoulant un trop plein de colère et de tristesse dans les tâches les plus physiques.

Puis, arriva ce matin là. J’avais rejoint les autres dans la salle commune – où j’écoutais les échanges sans vraiment y participer. Il était question de fuir. Quitter le Ranch et cette promesse d’y construire un avenir meilleur. Si ma première impulsion fut de ne pas leur montrer qu’on avait peur en les fuyant la queue entre les jambes, ma seconde pensée plus rationnelle me rappela qu’on avait ni l’armement, ni l’emplacement pour leur résister bien longtemps. Il fallait donc prendre ce nouveau départ pendant qu'on le pouvait encore. Un fort à Tacoma ? Une reconstitution de village post-médiéval, avec des murs, des terres cultivables, une forge, des maisons… À entendre Selene le décrire, ça en donnais presque envie de partir dès maintenant. Et pourtant, si certains allaient dans ce sens, d’autres – comme Ashley – se montraient beaucoup plus réticents. Il était pourtant hors de question d’abandonner Hope et sa mère ici ! Autrement, ça reviendrait au même que d’accepter leurs morts et ça, je ne pouvais pas m'y résoudre.

J’avais préféré me taire pour l’instant, balayant l’assemblé d'un regard attentif. Cherchant des réponses dans les prunelles de mes amis.

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La musicienne pâlit à vue d’œil. Ça, c’était un coup bas. Elle aurait pu tout accepté de la part de son amie d’enfance, excuser bien des affronts parce qu’elle savait à quel point la souffrance pouvait rendre mauvais. La pianiste se savait ni plus sage, ni plus exemplaire, sauf qu’Ashley venait de frapper une zone sensible directement à travers son armure. Experte en deuil, hein ? Quoiqu’ait bien pu vouloir insinuer ou railler son aînée, Selene ne voyait que le lien avec sa mère. Une perte qui l’affectait encore quand elles s’étaient rencontrées et qui avait façonné indirectement sa personnalité.

- Ah oui, j’avais oublié que c’était ton truc ça, cingla-t-elle froidement à l’attention de la jeune femme qui quittait la pièce avec sa fille, dès que quelque chose devient trop dur, tu tournes le dos à tout le monde en prétendant pouvoir te débrouiller seule.

Sa pique fut ponctuée d’un bref ricanement jaune étranglé dans l’émotion de sa voix. Inutile d’en rajouter, parce que la blondibrune savait comment ça avait fini : elle s’était réfugiée dans les jupes de sa mère. Elle n’en dit pas plus ni ne courut après Ashley, car elle ne souhaitait pas se donner plus en spectacle et aurait sans doute à répondre aux interrogations des autres ; mais elle la détestait quand elle était comme ça. C’était une régression, jusqu’à cette adolescente de 16 ans qui avait abandonné sa meilleure amie au moment où elle avait le plus besoin d’elle.

Etouffant ses larmes dans ses mâchoires crispées, Selene écrasa pudiquement l’une des perles qui faisaient briller ses yeux froids et croisa les bras. Une partie d’elle voulait rattraper son amie d’enfance mais l’autre devait finir ce qu’elle avait commencé. C’était cette facette qu’elle écoutait.

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Avec des amis comme ça, pas besoin d’ennemis. Andrea poussa un soupir, en jetant un regard à Selene pour lui donner du courage. Ces choses-là, elle aurait le temps de les régler plus tard avec Ashley, une fois vraiment à l’abri. Aussi prit-elle le partie de concentrer également la conversation sur ce qui comptait pour eux pour détourner la conversation de cette œillade inamicale :

« Si ça peut vous rassurer, nous avons encore des proches qui sont aux côtés de Deaglan. Des enfants, nos enfants. Le fils d’Isaac, la fille de Selene, Wyatt également, et Ruben mon neveu. Eli est avec eux pour veiller à ce qu’il n’arrive rien en notre absence. Et il y a aussi les chevaux. » Précisa-t-elle pour Isaac. « C’est compréhensible que vous vouliez voir d’abord où c’est, et le voir lui surtout. Je crois que Deaglan ne dirait pas non à l’idée de savoir qui il a à faire également. »

Elle poussa un soupir. Il fallait entendre toutes les voix, et très peu avaient la force de s’exprimer malheureusement. Surmonter son chagrin pour annoncer qu’on avait la force de continuer, ça n’avait rien de facile visiblement.

« Nous n’avons plus d’abri non plus, et là où nous vivons est totalement provisoire. Je crois, sans trop m’avancer, que c’est chez lui que nous allons finir dans tous les cas. Si Selene lui fait confiance, j’en ferais autant. » Ajouta-t-elle avant de chercher l’approbation de la pianiste.

Elle n'avait encore rien dit suite à ce que Selene avait avancé plus tôt, mais c'était pas pour autant que Harper ne réfléchissait pas. Elle les entendait – pour certains – accabler Ashley vers laquelle son regard fuyait de temps à autres, mais là où le bas blessait à son regard clair, c'était cet espèce de manque de confiance que la leader des Messiah avait eu envers eux. C'était peut-être pas le cas, mais ici, en cet instant et suite à ce qu'ils avaient fait, suite à ceux qu'ils avaient perdu pour, c'était de cette manière désagréable que filait l'information dans son crâne. Comme si, en un sens, les membres du ranch n'avaient été que des armes, l'instrument d'une réussite et que, puisqu'ils y étaient parvenus, on leur offrait une récompense. C'était sans doute pas ça, pas vraiment, mais à l'instant T, alors que Shawna et Elena venaient de hausser le ton à propos du manque de respect envers Grant, Addison ne pouvait s'empêcher de toiser Selene pour obtenir des réponses.

Et bordel que craignaient-ils tous si Ash désirait rester là au juste, qu'elle les vende ? Qu'elle désigne cette fameuse nouvelle position dont elle ignorait tout, comme eux tous, quelques minutes plus tôt ? Mâchoires serrées, contenant mal cette déception et la colère qui bouillait dans ses veines, elle fixa Selene, puis la dénommée Andrea qui tentait de calmer le jeu, avant de voir Ashley quitter l'assemblée suite aux mots tranchants échangés avec son amie.

- Pourquoi n'pas  en avoir parlé avant au juste ? Elle était froide mais tentait de maîtriser encore cet élan d'incompréhension furieux. Vous manquiez d'confiance en nous ? Tu manquais d'confiance Selene ? Si c'est l'cas t'avais pourtant confiance pour l'reste non ? Pourquoi avancer ça maint'nant quand on a plus d'autres choix, quand y a plus rien d'autre à faire ? Pour qu'on plie ? Elle était en colère oui, en colère d'imaginer que cette jeune femme, pour laquelle elle avait autant de respect que pour Elena et Ashley, n'ait pas trouvé judicieux d'en parler plus tôt au minimum à leurs deux leaders. Ses propres mots faisaient écho à ceux que Serena avait lâché plus tôt, tout autant à ceux de Ashley. Ce type avait-il conscience qu'il n'accepterait pas dix personnes chez lui mais un groupe plus gros encore ? Accepterait-il ? Savait-il qu'ils existaient ? Quant à ce qu'avançait Daniella, même si elle avait désir de reconstruire encore le ranch, il fallait se rendre à l'évidence que ce n'était pas possible. Décidez, faites bien c'que vous voulez ….. Choisissez, mais il est évident qu'personne peut rester ici, pourtant mesurez vos putains d'mots à l'encontre d'Ashley pour certains, c'serait d'jà un pas en avant. Connor qu'elle connaissait peu était visé, Roza qu'elle appréciait beaucoup tout autant. C'était juste la colère, l'incompréhension, elle n'en tiendrait pas rigueur plus que ça à Votiakova même si là, sur le vif, la cohésion n'était plus si forte entre eux tous.

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J'me sens bouillir, j'ai juste envie de leur brailler de fermer leurs gueules et d'arrêter tout leur foin sur Ashley. Elle est en deuil pas en concours de beauté ! Alors putain de merde foutait lui la paix ! Ca me donne l'impression qu'ils ne sont assoiffés que par l'envie de fuir et d'aller dans ce camp de vacances, mais aussi d'être assoiffés par une vengeance contenu.
Puis v'la qu'Elena et Shawna s'y mette, en même temps elles sont bien ces filles là, à dire les choses. Ashley parle de nouveau taclant allègrement Selene. Allé et ça se rembarre encore. On est dans une basse cours ou bien !?

Je soupire et croise les bras, essayant de ne pas sortir de mon coin et de leur fermer leur putain de gueule, et d'exiger des explications sur ce lieu dont cause Selene, et pourquoi ne pas l'avoir dit plus tôt !? Ne pas avoir dis de transférer les blessés là bas directement !? C'était sûrement plus amusant de voir tout les monde souffrir et crever. J'inspire et expire avant d'entendre Addison, dire aussi tout haut ce qu'on se demande tout bas. Mais étant donné que j'suis pas là depuis des lustres et qu'ils ont pas eu l'air d'apprécié que je ris parce que c'est comme ça que les nerfs craquent chez moi, bah je ferme ma bouche. C'est rare que je sois aussi silencieux d'ailleurs. Je mériterait même des applaudissements.

Mais bon, aller c'pas le moment Ashley est montée, et j'en ai un peu rien à secouer de ce qu'il se dit, je fais le tour de la pièce et monte à l'étage discrètement avant d'aller toquer à la porte d'Ashley. Elle me fait vraiment de la peine... Hope me fait de la peine aussi. "C'est Damian, je viens pas ter sermonner. Juste... Juste te dire que je comprends. Et... Hope, je sais ce que c'est de vivre sans son père. C'est pas facile, c'est jamais simple la vie, mais ça l'est encore plus quand il manque quelque chose ici." Doucement je pointe de l'index le coeur de la petite et esquisse un doux sourire. "Mais c'est pas de ta faute tout ça, les enfants n'y sont jamais pour rien, ta maman non plus. " J'essaye de la rassurer, au mieux, avec des mots simple, un ton doux et je lève mon regard vers la lead et souris faiblement en coin. Un peu de soutien, ça ne dois pas faire de mal.

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