« Ouais bien sûr, t’en fais pas. Je bouge pas d’ici. » Souffla-t-elle à Daniella quand celle-ci lui annonça qu’elle revenez.

Les yeux d’Andrea se relevèrent à nouveau vers Lisandro, à qui elle adressa un petit soupir. Encore un peu et cette nouille faisait fuir les siens. Elle pressa son bras quelques instants avant de reprendre :

« Je vais m’y remettre. Je ne peux pas laisser Sarah… Comme ça… » Fit-elle avec un regard sérieux, en sentant une boule lui grimper dans la gorge. « Elle… » Elle sentit sa voix s’étrangler et les larmes lui monter aux yeux : « Je ne sais même pas quand… Quand c’est arrivé… »

Dès lors, la brune détourna les yeux, loin de Lisandro, proche du corps recouvert de son amie. Elle avait honte de sentir l’émotion la gagner, alors qu’il aurait été normal de pleurer. Sans doute ne réalisait-elle pas vraiment ce qu’il se passait. Le fait que Sarah n’était plus là, et ne le serait plus jamais. Elle prit une profonde inspiration et fixa l’agitation, avant de saisir la silhouette d’une pianiste qu’elle connaissait bien :

« Selene est là... » Souffla-t-elle en essuyant du poing les quelques larmes qui lui avaient échappé. Il n’était pas question de céder. Elle avait encore beaucoup à faire.

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Elena avait prévenu : au moindre problème, si Shawna se sentait mal, ils arrêtaient tout. C'était alors probablement tout autant angoissée que la métisse que la grecque avisait d'un regard méfiant le sang circuler dans le tube qui reliait les deux femmes. Plusieurs longues minutes s'étaient écoulées lorsqu'un visage apparut dans l'encadrement pour annoncer la nouvelle : ils étaient de retour. Un regard échangé entre tous les survivants présents dans la pièce, et la grecque sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. L'impulsion manquante. Ses yeux cherchèrent alors les silhouettes qui se succédaient. La petite tête blonde qui déboula comme une fusée vers sa mère. La suite, Elena eut le sentiment d'être une spectatrice. Impuissante. Frustrée. Les expressions étaient fermées. Les pleurs de Hope ? Trop puissants pour qu'il n'y ait que de la joie dans les larmes qui dévalaient ses joues. Quelque chose n'allait pas.

La brune se redressa, les sourcils froncés. Elle cherchait. Le nez levé, elle détaillait chaque visage. Serena. Jesse. Damian. Jon ? Non... Premier coup de poing qui lui broya le thorax. Lui coupa momentanément la respiration. La fièvre lui paraissait loin, sa lutte pour sa propre vie, bien anodine. Ils avaient perdu l'un des leurs. Elle évita soigneusement le regard de Ashley. Sa détresse était déjà palpable. Comment la vie pouvait-elle se montrait si cruelle ? Sa fille à peine retrouvée après des mois de captivité, on lui arrachait son amour. Elena ressentait le goût de l'injustice lui tapisser l'intérieur des joues.

Sans s'inquiéter de son état physique, la jeune femme se hissa maladroitement sur sa jambe valide, réprimant un rictus douloureux. Elle repoussa d'un geste de la main Gregory qui amorçait déjà un pas dans sa direction. Son regard sombre le défia de l'en empêcher. Elle avait eu assez de repos. Si elle n'avait pu combattre parmi les siens, si elle n'avait pu les protéger sur le terrain, elle se devait d'être là maintenant. Elle avait besoin de savoir aussi. Elle manqua de basculer quand elle se retrouva debout, prise d'une sensation de vertige. Elle parvint néanmoins à s'acheminer jusqu'à @Caroline Menfins occupée avec Shawna. « Caro ? » Elle s'éclaircit la gorge, le teint encore fatigué, mais elle avait besoin de réponses. « Où sont-ils ? » Jeff, Caleb, Ludwig. Ceux qu'elle n'avait pas encore aperçu. Ceux pour qui cette opération avait été menée. « Zack, les militaires... Que s'est-il passé ? » Elena ne pouvait rien faire pour Ash. D'autres avaient davantage leur place auprès d'elle. La sienne ? Elle avait besoin d'un rapport. Pour appréhender au mieux la suite. Et les risques de représailles...

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Ashley voulait voir son corps. C'était probablement normal. Selene s'occupait de la gosse, Fred prenait des nouvelles des blessés, comme elle l'avait fait rapidement, et son regard se posa sur Addison qui prenait un moment dehors, avec le décoloré. La rouquine avait cependant insisté ensuite pour que la maman de Hope se montre patiente, avant de se prendre la tête avec une Caro sous le choc. Bordel, c'était pas déjà assez la merde comme ça? Vu l'ancien job de la croque-mort, et par respect pour Jon, c'était peut-être légitime, cependant. Sans trop s'en rendre compte, Serena s'était donc rapproché du petit groupe, absente.

La crise de la veuve n'aida pas la militaire à se sentir à l'aise. Et comment l'être, de toute façon? À moitié ramenée dans ses propres souvenirs, peut-être revoyait-elle la mort de sa mère à elle? Un cancer était sûrement moins violent, pourtant. Quoi que... Enfin. Le bouclé devait penser à la sienne aussi, forcément. Égoïstement, mais c'était la nature humaine, ça ne montrait en fait qu'ils étaient particulièrement sensibles à sa douleur, à son horrible chagrin que rien ne pourrait étouffer, au final. Jesse l'épaulait, là, justement, l'emmenant en haut avec la petite. Caro s'en occuperait après avoir consolé Shaw, en pleurs dans les escaliers.

Et la mexicaine était comme un putain de fantôme. Tout le monde s'agitait autour, sauf elle. Le poids de l'échec sur ses épaules plus fragiles qu'elle ne le voudrait. Elle osa un regard sur le bouclé qui redescendait, tentant de voir dans ses yeux à quel point il était prêt à craquer ou pas. Mais il fallait se reprendre, et que ça saute. Tenant un brin son bras dans lequel était toujours logé une balle, elle se dirigea vers son copain Fred, souriant un peu en voyant son visage. Elle soupira. "Tu veux bien monter une équipe pour rassembler les corps de ces connards? Faut s'en débarrasser, et peu importe comment." Contrairement à leurs morts. "Je veux plus les voir là." ajouta-t-elle tristement. Les siens prenaient déjà soin des blessés, d'ailleurs, alors que pouvait-elle faire d'autre, dans l'immédiat? Elle s'en serait bien chargée, mais avec un membre hors-jeu c'était plus difficile. Enfin. Roza attira ensuite son attention plus loin, accompagnée de deux inconnues. Son sang ne fit qu'un tour; la demoiselle était à côté du trio en moins de deux. "Qu'est-ce que... Putain! Tu veux bien me dire qui c'est, celles-là?" demanda-t-elle à la tatouée sans délicatesse. On ne ramenait pas n'importe qui ici, surtout pas maintenant. C'était elle, la miss qui avait vendu son groupe? Pourquoi la ramener ici?! Et de toute façon, sa supérieure allait assurément poser des questions, quand elle irait la voir pour discuter.

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Les visages que croisaient Selene se brouillaient un peu. La fatigue y était pour beaucoup. Donner assez de sang pour sauter une vie, même avec les collations rapportées par Shawna, c’était épuisant. La coiffeuse qui laissait d’ailleurs couler ses larmes mais d’autres se penchaient déjà vers elle. Encore tant de chose à faire, tant de décision à prendre. Ils avaient fait la partie la plus douloureuse du plan mais pas la plus dure. Croisant Serena, la musicienne l’entendit demander à ce que les dépouilles ennemies soient évacuées sans cérémonie. Bien. C’était exactement ce qu’elle-même aurait exigé. Ils n’allaient pas user de leurs dernières forces pour creuser les tombes de ceux qui étaient venus pour les exterminer ; il y avait déjà fort à faire avec leurs propres pertes.

Enfin, elle distingua une silhouette familière. Rassurante. Celle d’Andrea, en compagnie de Lisandro et d’une brune qu’elle n’avait jamais vu. Son regard demeura longuement attaché à celui de la régisseuse et une fois à sa hauteur, elle fondit se réfugier dans ses bras. L’étreinte de son aînée avait toujours cet effet indiciblement réconfortant, comme s’il lui était permis de poser temporairement le fardeau qui pesait sur ses épaules graciles. Paupières fermées, profitant de la chaleur de son amie et de son cœur qui battait contre sa poitrine, elle murmura :

- Je suis désolée…

Elle s’excusait car elle se sentait coupable. Pour contribuer à sauver Elena, Ashley et Finan, elle avait perdu Sarah. Impossible pour elle de ne pas se dire que ça se serait passé différent si elle était venue. C’était dans sa génétique de se blâmer pour l’essentiel des malheurs qui affectaient ses proches. Elle s’écarta finalement, jeta brièvement un regard à l’inconnue, pour revenir à sa complice :

- Comment ça s’est passé ?

Andrea comprendrait sans doute que « bien » ou « bof » n’étaient pas les réponses qu’elle attendait. Selene voulait savoir si le plan avait fonctionné, s’ils avaient rencontré de la résistance et dans quelles circonstances ils avaient perdu d’autres personnes, dont Sarah.

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J’aurais préférer affronté l’ennemi une troisième fois et retourner dans le chao de l'attaque plutôt que d’affronter une seconde de plus cette atmosphère douloureuse qui emplissait le Ranch. La peine d’Ashley et de Hope était poignante. À tel point qu’il était impossible d’y rester de marbre. Impossible de ne pas succomber à ce fort sentiment de culpabilité. Pourquoi avait-il fallu que Jon y reste, plongeant la gamine et sa mère dans un chagrin destructeur, alors que moi, je revenais à peine marqué d’une égratignure et quelques ecchymoses. J'aurais échangé ma place volontiers pour leur épargner toute cette douleur… Mais bien sûr, c'était l'empathie et la culpabilité qui parlaient. Rien à voir avec la part de moi plus égoïste qui était bien heureux de revenir en un seul morceau.

S’il y avait quelqu’un ici qui n’était pas du tout à l’aise avec la tristesse, c’était bien moi. Je n’avais jamais su comment gérer ce sentiment, ni comment trouver les bons mots ou les bons gestes pour l’apaiser. Ce n’était pas pour rien que j’enchainais habituellement blague après blague. Préférant me cacher derrière une façade d’humour. Un masque érigé dans le seul but de me protéger, ainsi que les autres, du malheur. Toutefois, après tout ce que nous venions de traverser, même moi n’avais plus la force de plaisanter. Les yeux humides et brulant, j’avais tout fait pour m’empêcher de flancher devant tout le monde. Refoulant la boule d’émotion qui était toujours bien présente. Me concentrant pour me donner bonne figure. Pour me montrer plus fort en apparence que je ne l’étais à l’intérieur.

En me voyant approcher, Finan s’était redressé. Avec la plaie qu'il portait au flanc et le teint blême, on ne pouvait dire qu’il était au top de sa forme... Et pourtant, il semblait un peu mieux que lorsqu’on l’avait laissé, quelques heures plus tôt. « Oui, moi aussi ça peut aller. Quoi que je préfèrerais être à des lieux à la ronde en ce moment. Loin de tout… ça » J’avais balayé l’air de la main, me disant que l’Irlandais comprendrait sûrement. Après tout, qui ici n’aurait pas souhaité se retrouver quelque part où absolument rien de cette histoire n’avait eu lieu. Loin des larmes et de la douleur que ça nous coutait. Puis, lorsque Fin leva son t-shirt pour me dévoiler sa plaie rafistolée, j’avais esquissé un sourire. Pas que la blessure en soit me fasse rire, mais le ton détaché qu’il employait pour me la présenter avait le don de dédramatiser la situation.

Ce fut sa demande pour un pantalon qui acheva de me faire rire pour de bon. « Bien sûr, je monte te chercher ça ! Et je ne te demanderai pas ce que tu as fait avec ta précédente paire, hm ? lançant un coup d’œil taquin en direction d’Erika Et moi qui croyais que t’étais à l’article de la mort ! » Je lui avais donné un coup de coude amical sur le bras, comme pour lui signifier que je plaisantais, avant de monter lui chercher un nouveau vêtement. Évidemment, j’avais compris qu’il m’offrait un prétexte pour fuir l’ambiance douloureuse du rez-de-chaussée. Une attention dont je lui étais reconnaissant. Appréciant ces quelques minutes de calme lors desquelles j'en profita pour respirer un bon coup et évacuer quelque peu la tension des dernières heures.

Lorsque je redescendis – avec un pantalon pour Finan – je croisai Serena qui me proposa de monter une équipe pour débarrasser les corps de nos ennemis. « Oui, bien sûr. Y’a rien qui me fera plus plaisir que de les voir brûler ! » à ces mots, j’étais aussitôt partie à la recherche de volontaires pour me donner un coup de main.

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