La brune s'avança vers eux avant de fondre dans ses bras. Andrea ne la repoussa pas, elle referma sa prise pour venir passer sa main dans les cheveux de la jeune femme. La métisse n'était visiblement pas la seule à avoir besoin de ce réconfort, et de sentir que les siens, ceux encore debout, étaient belle et bien vivants.

« C'était... Brouillon... Confus... » Souffla-t-elle à sa voisine : « On avait pas l'avantage du terrain, mais l'effet de surprise a joué son rôle... On les a eu comme ça. Mais tous ne sont pas... Enfin, certains ont pu fuir. »

Forcément. Quand le navire prenait l'eau, les rats quittaient le navire. Elle ne pouvait pas leur en tenir rigueur, mais elle avait conscience de ce que ça impliquait si personne n'abandonnait en cours de route :

« Ca va sera interminable, en vengeance et vendetta... » Soupira-t-elle en baissant le regard vers le corps recouvert de la blonde : « Je ne sais pas... Pour Sarah... Elle a quitté mon champ de vision et s'est faite avoir par des rôdeurs. Il y en avait beaucoup, là-bas, à cause du bruit que nous avons fait... Entre les tirs, et les grenades... » Et en parlant de grenades : « Roza n'est pas... Totalement satisfaite du résultat... Et il y a pas mal de blessés. »

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Romy s’était relevée et avait décroché ses yeux de Tom, avant que Roza ne les rejoigne, finalement tout aussi intruse qu’elles dans cette scène. Ce ranch ne correspondait plus depuis longtemps à la description que la tatouée avait dressée à sa comparse à l’hiver dernier. Exit le havre de paix, il n’y avait plus rien d’accueillant sur ces terres. C’était devenu un cimetière, rien de plus. Et ils en étaient tous responsables. Et s’ils avaient effectivement un répit, celui-ci ne serait que de courte durée : la guerre n’était pas terminée… pas tant du moins qu’aucune trêve n’était réellement déclarée.

La bouclée ne répondit aux remerciements de la russe que par une moue pincée. Elle hocha également la tête à ses condoléances, son regard continuant de suivre en même temps les gens qui évoluaient plus loin.

- Tu as eu ce que tu voulais ? Lui demanda-t-elle en levant les yeux vers elle. Il n’y avait pas d’animosité dans sa voix, même si elle regrettait qu’ils en soient tous passé par là. Ils vont rester ici ? Enchaina-t-elle, alors que les habitants du ranch comme ceux de la prison commençaient à soulever les corps pour les évacuer. Alliés, mais pas mélangés…

Elle ignorait encore les options qui lui seraient offertes, mais l’endroit ne l’inspirait pas. Elle ressentait trop fortement la charge émotionnelle de ce qui s’était déroulé ici le matin même. De même que la pression d’un retour prochain des habitants de l’île dans les parages… Alors elle était mal à l’aise. Tendue. Elle aurait voulu demander à Roza de les emmener loin d’ici sur le champ. Pour les conduire à la Jonquille ou au No Man’s Land. Mais elle n’osa pas. Puis si elle avait voulu garder ses distances, elle s’était trop impliquée dans ce conflit pour ne pas en connaitre l’issue. L’occasion s’envola en tout cas, car une nana vint interpeler la tatouée et s’insurgea de la présence des cousines ici. Romy eut un mouvement de recul mais laissa Roza intervenir.

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Un autre soupir fila ses lèvres, Damian s'occupait du corps, quémandant à qui voulait l'aider de bien vouloir transporter Jon dans la salle à manger. Quant à elle, Addison regagna l'intérieur pour dégager ce qui demeurait sur la table où l'on déposa le jeune homme. Silence religieux, sinon les voix à l’extérieure, la thanatopractrice n'entendait plus que les propres battements de son cœur. C'était plus dur ici, car même si elle n'avait pas énormément discuté avec Jon, il était la moitié d'une jeune femme qu'elle considérait comme une amie, une proche. Avec précaution la trentenaire retira le drap qui couvrait le jeune homme et vit de nouveau le sang coagulé, sa peau blême constellée de noirceur sur le profil gauche.

Déjà des restes de ses études lui revenaient néanmoins elle les laissa de côté avant d'aviser Damian. La demande était simple de l'eau froide, le sang se diluerait plus vite, des linges, serviettes et quelques produits et matériel pharmaceutiques. Le tout amené par le jeune homme, Harper souleva délicatement sa nuque pour fixer la plaie. On l'avait achevé de manière à ce qu'il ne mute pas... Son cœur se serra de nouveau, néanmoins elle fut la plus méticuleuse possible, dégageant peu à peu les phalanges du sang, des aspérités, jusqu'à ses traits qui reprirent une teinte cendreuse mais bien moins choquante. Pour le reste, du fil et une aiguille pour recoudre ce qui n'aurait pu le sauver malgré tout.

Combien de temps avait passé ? Peu sans doute, elle n'avait pas de quoi le préparer comme elle le faisait autrefois, néanmoins il avait ce visage que Ashley garderait en mémoire pour toujours. On disait que la dernière chose qu'on voyait balayait toutes les autres... Sans doute pour cette raison que  Harper ne voulait guère infligée ce cliché à son amie. Enfin peu importait, il était prêt et sans doute Lisandro l'aiderait pour en faire de même concernant les autres disparus. Tu peux aller la chercher. Le laissant s'éloigner, Addison dégagea l'eau sanglante, tout ce qui lui avait servi, puis oberva le défunt. J'veillerai sur elle. Elle n'avait pas eu le temps de le connaître vraiment, cependant Jon ne faisait aucune vague. Mais si certains l'avaient pensé faible, il leur prouvait que non aujourd'hui. Ses cils quittèrent la dépouille et quand Ashley arriverait, sans doute qu'elle la laisserait se recueillir avant de réitérer ces mêmes gestes sur d'autres.

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L’expression de Selene se fit encore plus sombre alors que son aînée lui parlait de l’affrontement et lui confiait ses inquiétudes. Oui, ce serait interminable. C’était exactement ce qu’elle avait dit à Ashley avant que tout commence : une fois qu’ils auraient mis le doigt dans l’engrenage de cette guerre, ils se feraient broyer le bras tout entier. Son regard sur porta sur tous les autres, occupés à déplacer les corps ou à se préparer à creuser.

- Bien sûr que Roza n’est pas contente, rétorqua-t-elle d’un air absent.

L’objectif de la russe était une annihilation pure et simple. La musicienne arrivait à comprendre mais pas à adhérer à sa soif excessive de sang. Pourtant, à sa place, elle aurait été pareille. Si on était venu assassiner toutes les personnes de son groupe, sans raison ni distinction, bien entendu qu’elle n’aurait continué à vivre que pour rendre au centuple. Mais son groupe était encore là, ils avaient atteint leur but : libérer les otages. Hors de question que la tatoueuse n’embrase ce qui restait des deux communautés dans sa rage inextincible. Aussi égoïste que soit cette pensée.

- Je vais t’aider, déclara-t-elle en dépit de son teint blafard et du tournis qui rendait ses gestes incertains, elle sera mieux ici qu’à Fox Hollow, confirma-t-elle, comme pour justifier qu’ils n’emmenaient pas le corps de Sarah proche de leur refuge temporaire.

Idéalement, elle aurait dû être inhumée dans la prison. Même après trois semaines, Selene n’arrivait pas à tourner la page. Leur maison était à Gig Harbor, au sein des grilles qui empêchaient les anciennes détenues d’être partie prenante de la vie. Eux, c’était leur existence justement… sans le centre pénitencier, la pianiste se sentait sans foyer.

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J'avais été aidé par l'un des ex-otages, je sais pas son nom. J'crois qu'il s'est pas présenté, mais tant pis on s'en bat les couilles des présentations. Ca se fera plus tard. Là c'est pas le moment. Non faut panser nos morts, faut les rendre "beau", présentable du moins. J'ai le souvenir que j'avais pas vu ma tantine, non, j'devais être trop jeune. Puis ma mère.... Elle a pas eu une fin digne. Et je ne préfère pas y penser, alors ça me fait étrangement plaisir d'aider à donner à quelqu'un une vision pas trop laide de son défunt. La mort elle est laide, c'moi qui vous l'dis.

Alors une fois que Jon est sur la table, je m'atèle à aider Addison, faisant exactement ce qu'elle me dit. Eau froide,linge; cosmétique pharmaceutique. Je l'aide avec ma main valide, j'ai pas envie de souiller ce corps déjà abîmé avec mon bandage trempé de sang sur mon autre main. C'est long, ou peut-être que ça ne l'est pas. je ne sais pas trop en réalité mais je m'empêche de penser à quoi que ce soit d'autre. Par respect. Chez nous, on enterre les morts et on donne de l'argent. Puis quand on le met en terre on se lave les mains et on ne les essuie pas, signe que l'on sera avec le défunt par la pensée le reste de notre vie. C'est ma mère qui m'a appris tout ça.
Une fois le corps prêt je vais chercher Ashley, doucement et l'accompagne voir son cher et tendre. Alors je reste en retrait et baisse les yeux sur ma chemise : déchirer le vêtement au niveau du coeur permet de matérialiser la douleur. "Kr'ia."

j'écoute Ashley, je la regarde en silence et je me demande si elle accepterait que je lui décrire son vêtement au niveau du coeur, et lui explique notre processus funéraire... J'en sais rien, parce que je pense qu'elle est pas juive, et qu' elle n'en voudra sûrement pas, alors j'inspire et cherche doucement la main d'Addison pour la serrer dans la mienne, tout en me disant qu'on va avoir du boulot aujourd'hui...

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