C'était une journée comme une autre. En ce moment, j'appréciais les bons moments avec Bella. Je venais d'apprendre que j'allais être père. Je fus choqué de l'annonce et j'ai du mettre quelques heures avant de vraiment réaliser ce qui allait se passer. Le ciel nous était tombé sur la tête après l'annonce de Clay immunisé et surtout, cette guerre que nous avons laissé passer pour la majorité des habitants de l'île. Evy, s'en était remise Dieu merci. Elle respirait désormais dans les bras de son fidèle "arnacoeur". Encore une fois, il me faudra du temps pour avaler la pilule.

Néanmoins, la bonne nouvelle c'est que la vie me laissait des chances. Des chances de renaître, de rester en vie et de me sentir à la fois homme et bientôt père. Je ne savais pas ce que c'était d'avoir un enfant. Mon éducation m'a été supportable uniquement grâce à ma mère. Je ne sais pas ce que je pourrais donner de bon à cet enfant. Je peux lui donner ma force, ma détermination mais pas le reste. Je ne veux pas le rendre comme moi. Je ne veux pas en faire un "moi" tout court.

J'étais accompagné ce matin d'un voisin avec qui je m'entends bien, chez qui j'avais fait des travaux. Il me laissa devant l'infirmerie alors que l'on blaguait sur qui pourrait faire la plus vilaine descente avec une chope de bière. Dans ces moments, Merl et Jason me manquait. Beaucoup. Leur absence se faisait ressentir mais cela, je le gardait pour moi. Seule Jen' connaissait ces petits moments de solitude et de fragilité en moi. Elle me connaissait que trop bien.

Alors qu'il entra pour voir ces petits collègues de l'infirmerie, surtout une sacrément jolie qu'il avait dans le collimateur, j'attendis à l’extérieur m'allumant une clope dont j'inhalait la fumée entre mes lèvres. En me tournant, je vis une ombre. Un fantôme. Des yeux qui me regardaient. Un brouillon. Une erreur. Je clignais des paupières. Dans la lumière je vis ses yeux. Les siens. Les miens. Non ... Je ne sentis pas ma cigarette m'échapper des doigts. Mon corps devenait lourd et les souvenirs m'épuisaient. Je reculais, les épaules affaissées. Je regardais devant moi, son esprit était venu me hanter, maintenant que j'allais à mon tour tenir ce rôle, il me rappelait qu'il serait toujours là. Dans ma mémoire. Ou en vrai. En chair et en os. Non ... je l'ai tué. Il est mort. Une ombre passa devant mes yeux, je me sentais partir. On m'avait assommé. Fallait que je me reconnecte avec la réalité.

Mais lorsque je le fis, la bile remonta dans ma gorge. Mes poumons furent compressés et mon estomac torturé. Tout comme mon âme. Il avait le crâne rasé, mais c'était lui. Je le reconnaîtrais, je reconnaîtrais ce regard, il m'avait bouffé jusqu'à son dernier souffle. Et pourtant, il était à quelques mètres que déjà il me polluait.

Je baissais la tête, tentant de ne pas tout mélanger. En la relevant, il en croyait pas ses yeux et moi non plus "Non ... c'est impossible". Je ris. Un petit rire jaune, inexpressif. Relevant mes cheveux devenus un peu plus long, j'essayais de trouver de l'air...

Mon père était là devant moi ... bien vivant.