Les deux militaires étant affairés devant la porte cadenassée, Roy fut le premier à distinguer le vacillement de la seconde porte et l’imposante carcasse qui en épousait les dimensions. Le « monstre », faute de pouvoir qualifier autrement ce rôdeur aux proportions et à l’équipement hors normes, ressemblait à un defensive tackle du championnat de football américain greffé d’une armure à pics sortie de l’univers de Mad Max.

— Putain d’hormones de croissance, putain de film à la con, murmura Roy en braquant sa lampe sur le monstre.

Le civil quadragénaire n’était pas du genre à jouer au héros ou se la ramener en présence de militaires expérimentés, mais les situations de danger stimulaient son esprit créatif.
Gardant son calme, il lança son sac en direction de Wesker et Massey.

— Pétez le cadenas avec ma massette, puis récupérez la chaîne. À vous deux, enroulez la chaîne aux chevilles du monstre et faites-le tomber. En utilisant ma massette, vous pourrez plus facilement lui enfoncer un tournevis à travers la fente des yeux, comme on plante un gros clou.

L’ingénieur avait le même ton que s’il décrivait le mode de fonctionnement d’une machine, la voix claire et monocorde.

Il commença à reculer vers l’ouverture par laquelle ils étaient tous les trois entrés, retroussant une de ses manches en quelques gestes vifs.

— Je vais l’attirer à moi, en espérant que sa carrure et sa putain d’armure gênent ses mouvements.

L’ingénieur saisit le couteau que Wesker lui avait donné puis s’entailla l’avant-bras, suffisamment pour laisser apparaître un filet de sang.
Il pointa ensuite la lame en direction de Wesker.

— Si ce couteau me porte autant la poisse qu’à son prédécesseur, compte sur moi pour revenir te bouffer !

Comment souvent avec Roy, il était difficile d’interpréter ses paroles. Humour noir, menace ou appel à l’aide, peut-être énonçait-il simplement à voix haute les pensées tordues qui lui traversaient l’esprit.
En tout cas, il paraissait très sérieux et concentré dans sa tentative d’attirer l’attention du putride colosse bardé de fer, agitant son avant-bras ensanglanté comme un os devant un chien affamé.