« Oui, donc en résumé, elles ne peuvent rien faire aux rôdeurs. » En fait je commençais à penser que Savannah voulait juste s’amuser et tester les capacités de ses petites bestioles mais je n’allais pas le lui dire, elle avait peut-être une autre idée derrière la tête qu’elle gardait pour elle, d’ailleurs mon projet semblait bien plus passionnant et sérieux que le sien. Un projet dont elle pensait de son côté qu’il était voué à l’échec.

Je souris à sa réponse lorsqu’elle finit par me dire que j’avais raison à propos de la relation entre les différentes spécialités de biologie. « Tu vois que ça ne t’a pas tué d’être d’accord avec moi ! Tu devrais l’être plus souvent » Une rivalité amicale me liait à la petite Savannah, qui ne manquait pas de répondant par ailleurs, et très vite ses tests avait été relégués au second plan face aux piques que nous avions commencé à nous envoyer, bien que nous continuions à discuter de ses coccinelles puis de mes actuelles recherches. Même si on pouvait entendre des mots assez bizarres venir orner cette discussion comme quand elle avait parlé de bas de contention. Ce à quoi je me contentais de répondre « J’en ai déjà prévu quelques pairs mais j’accepte volontiers les tiennes. » Le fait est que me retrouver avec elle pouvait me faire dire des trucs encore plus bizarres que ce qu’elle disait. C’était à en oublier le sujet qui nous avait amené à arriver à cette conclusion.

Puis nous continuions de parler de mes recherches, de cette fameuse bactérie nécrophage que cherche à tout prix à fabriquer et qui semblait passionnait la jeune scientifique tout autant que moi à tel point qu’elle parlait de moi la suppliant de m’aider et moi d’elle me suppliant de travailler avec moi. En gros, une nouvelle fois, nous n’étions pas d’accord. « Bien, donc en conclusion je ne te supplie pas et tu ne me supplies pas, cependant nous pourrions former une belle équipe »

Sa remarque sur le fait de bien porter le bonnet et ne pas avoir des problèmes de rétention d’eau m’avait fait rire. « Au moins je saurais quoi t’offrir pour noël » Noël, une fête qui n’avait plus vraiment la même consonance depuis trois ans mais ça resté une façon de se changer les idées. Et de nouveau notre intérêt est porté sur l’écran et les insectes qu’elle manipulait, me demandant si je savais qu’elles étaient résistantes à une bactérie spécifique. « Oui, un peu comme tous les insectes puisque l’Escherichia colis est une bactérie qui s’établie dans le tube digestif de l’homme et des animaux à sang chaud. Et à peu près la même chose pour le staphylocoque » J’écoutais la fin de sa phrase puis je la regardais intrigué. « Ceci étant bien que les insectes et tes coccinelles en particulier soient résistants à ces bactéries, le H1R1 reste un virus et pas une bactérie, alors tes petites coccinelles peuvent être résistantes à toutes les bactéries du monde, tu ne peux pas arriver à la conclusion qu’elle peuvent vaincre le virus juste à cause de ça. »  La conversation était devenue de nouveau sérieuse mais le scientifique en moi voulait répondre à sa dernière remarque pour ne pas perdre le point.  « En résumé, à l’heure qu’il est on est loin de devenir des héros tous les deux »

Savannah observa son aîné et lui adressa un sourire avant de rire à sa remarque concernant le fait qu'elle était d'accord avec lui et devrait l'être plus souvent, et ce tout en secouant la tête, comme si elle en était dépitée. Et pourtant ça l'amusait un peu. Chad parvenait toujours à faire en sorte qu'elle ait encore plus envie de donner le meilleur d'elle-même. C'était aussi agaçant que plaisant. Mais elle ne l'envoya pas valser là dessus puisqu'il continua sur les paires de contentions. La métisse hocha la tête et répondit simplement :"J'ai peur que tu les craques, tu es plus épais que moi" Petite boutade sur son physique qui était aux yeux de l'entomologiste bien proportionné, du moins de ce qu'elle en déduisait au travers des vêtements et de la blouse de laboratoire. Mais c'était simplement pour le taquiner avant de reprendre ses expériences et rediriger la conversation sur le sujet plus sérieux.

Ecoutant ses mots elle haussa les épaules et se pinça les lèvres retenant son tac au tac. Mais hélas, il arrivait parfois que la trentenaire ne puisse se retenir, surtout lorsque son partenaire du jour était Chad et qu'il appréciait autant qu'elle, la charrier. "On forme toujours une belle équipe, et puis je note que c'est toi qui le dit. Alors je dois prendre ça comme une demande détourner de travailler avec toi !" Un point pour la métisse, du moins était-ce ce qu'elle se disait. Mais il est vrai que bosser avec le trentenaire était toujours plaisant et enrichissant. ET à deux ils parvenaient à faire bien des choses, plus que tout seul. Puis elle afficha un large sourire à l'annonce de cette idée de cadeau de Noël, même si ça lui était égal qu'on lui offre quoi que ce soit, mais si le brun lui offrait un truc, elle devrait penser à lui faire un présent en retour. Elle y songerait donc plus tard. Au cas où.

Chad repris alors lui pointant du doigt que ses coccinelles étaient comme la plupart des autres insectes. C'était vexant mais elle n'en fit rien, ça elle le savait, et c'était bien pour ça que Savannah faisait ce test là bien particulier, pour ensuite exposer les coccinelles au H1R1. Elle savait son procédé même s'il pouvait paraître basique et non pas aussi poussé qu'il n'en paraissait. Elle continua d'observer les résultats et les bactéries au microscopes jusque voir enfin l'harmonine se mettre en fonctionnement et la métisse se redressa alors subitement, presque prête à frapper des mains tout en fixant l'écran. Elle avait envie de sautiller de joie en voyant l'arme des coccinelles commencer à proliférer contre les bactérie. Alors elle se tourna vers Chad. "J'ai de l'avance sur toi ! Tu n'as encore rien débuté, tout est encore à l'état d'idée, moi ça devient du concret, regarde !" Elle ne se démontait pas, loin de là, puis elle pointa du doigt l'écran avant de lui sourire, affichant ses dents blanches et parfaitement entretenues. "A toi d'avancer et essayer de me rattraper !" La prochaine étape était déjà bien préparé dans sa tête et si elle obtenait de meilleurs résultats que ses expériences ultérieures avec les moustiques elle irait danser autour de Chad pour le narguer gentiment. Mais en attendant, elle posa son regard sur l'horloge. "En attendant d'avoir plus de résultats, tu veux qu'on aille prendre un café ?"

La conversation était bizarre, nous sautions d’un sujet totalement sérieux lorsque nous abordions les recherches et la science à un sujet totalement futile voire même débile en parlant de bas et de bonnet, bref celui ou celle qui avaient inventé l’expression « sauter du coq à l’âne » avait dû avoir une conversation semblable à la notre à un moment donné de sa vie. « Tu es cruelle chère consœur, mais j’y survivrai » lui répondis-je alors que le rêve d’avoir une nouvelle paire de bas s’envolait, et pour continuer sur les taquineries elle me balançait de nouveau la balle croyant que cette fois-ci que c’était moi qui lui demandait de travailler ensemble. Un match interminable si nous continuions de la sorte, je décidais alors d’y mettre fin une fois pour toute. « Je ne faisais qu’énoncer un fait, cela dit je pense que ce que nous devrions faire c’est arrêter d’interpréter ce que l’autre dit puisque de toute évidence aucun de nous ne le fait correctement. » Aucun de nous ne voulait surtout reconnaître la victoire de l’autre aussi têtu l’un que l’autre.

Nous avions du coup reporté notre attention sur l’expérience qu’elle menait et sur la réaction de ses insectes, je savais en lui disant que ces papillons étaient comme tous les autres insectes que ça n’allait pas lui plaire, je m’attendais cependant à ce qu’elle réagisse, chose qu’elle n’avait pas faite. J’étais un peu déçu parce que ça nous aurait donné la possibilité de nous renvoyer encore quelques piques sur les insectes et les bactéries. Au lieu de ça elle avait choisi de me titiller sur le fait qu’elle avait commencé ses expériences et pas moi, or elle se trompait. « Oh mais qui te dit que je n’ai rien débuté ? » Répondis-je en souriant, j’avais déjà fait pas mal de tests et d’expériences et même si pour l’instant ce n’était pas concluant, au moins ça me permettait d’écarter quelques hypothèses, ce qui était déjà une petite avancée. « Ce n’est pas parce que je viens de t’en parler que je n’ai eu l’idée que dernièrement, je fais mon truc dans mon coin. »

Même si la plupart des gens qui travaillaient dans le complexe scientifique étaient des scientifiques et pouvaient comprendre ce que je faisais, des fois il était important de travailler seul pour pouvoir avoir une idée générale de ce que je faisais.  « Si tu veux tu peux passer un jour, je te montrerai ce qui a déjà été fait et ce qui reste à faire, mais pour l’instant je pense que tu as raison, j’ai passé assez de temps dans ce laboratoire. J’ai besoin de sortir d’ici et toi aussi. » J’avais déjà passé de longues heures entre ces murs avant que la scientifique ne me propose de venir faire quelques tests sur ses papillons, j’allais d’ailleurs quitter les lieux lorsqu’elle m’avait abordé. « Un café me semble être une excellente idée, ou ça ?»

Chad avait raison, Savannah le savait, ça ne servait à rien de continuer cette interprétation, mais un petit sourire se dessina tout de même aux coins de ses lèvres. "En effet il semblerait que nous ayons un soucis de compréhension et de communication" Ca captait mal par moment, mais c'était aussi une façon de faire pour refuser de baisser la tête face à l'autre, comme deux prédateurs en quête de la "soumission" de l'autre mais le tout dans une ambiance amicale. Parfois tendue certes lors des grosses pressions pour s'activer un peu plus sur la préparation du sérum, des essais encore un peu flou. Ils avaient eu des résultats positif c'était indéniable, mais n'y en avait-il pas d'autres plus puissant ? Un soupir fila d'entre ses lèvres et elle laissa parler son adversaire et coéquipier. Hochant alors simplement la tête.

Elle finit par hausser les épaules à son interrogation qui ne semblait pas attendre de réponse en retour, elle était simplement amusée de le voir réagir ainsi mais la suite de ses mots ne firent qu'attiser plus encore sa curiosité. Elle l'observa longuement avant de le voir accepter sa proposition d'aller prendre un café. Elle posa alors ses lunettes de labo sur sa paillasse et détacha ses tresses pour les laisser tomber le de son dos et sur ses épaules. Savannah, ôta aussi sa veste blanche pour aller vers la parterre et prendre son manteau épais. "Je passerai oui, en attendant tu vas passer chez moi pour prendre un café." Savannah marqua une pause et le sonda un court instant avant d'enfile son écharpe, même si l'hiver restait doux, il faisait tout de même froid, et eux étaient en lieu chauffé. Alors le choc thermique avec l'extérieur pouvait surprendre. "Elias n'est pas là, il travaille au dispensaire, tu peux passer et il n'y aura pas de canettes de bière traînant dans le salon. J'ai même des biscuits, Kassidy, la fille de Clayton m'en a fait." Elle affichait un nouveau sourire.

Demain elle savait qu'elle ne serait pas au labo, elle ferait école aux enfants, leur apprendrait les sciences et vies de la terre. C'était une des choses aussi qu'elle se plaisait à faire et ça lui faisait voir autre chose, puis les enfants aimaient bien ce qu'elle expliquait. D'ailleurss pour e lendemain elle avait des choses à préparer, et l'école se passerait cette fois-ci en intérieur et non pas à l'extérieur à observer la nature, les animaux, les plantations, les insectes, les bois. Non elle donnerait un cours sur la science humaine. Tout en y pensant elle 'imaginer la tête déconfite de certains, frustrés de ne pas galoper dehors.
La métisse sortait enfin du complexe et enfouie ses mains dans ses poches. "Ca va faire quatre hiver qu'on est là, le temps passe vite parfois... Tu les a vu passé ces années toi ?" Interrogation banale, tout en marchant vers le centre du camp pour aller chez elle, au chaud.