Hey, c’est fini tout ça. Ils pourront plus faire de mal à qui que ce soit. promit Connor à Caroline en captant son regard.

Il ne pouvait pas imaginer la douleur de Caroline, ni même celle de Jeff ou de Ludwig, parce qu’il n’avait pas été là pour la voir. C’était justement un des points qui lui étaient reprochés, et contre lequel il ne pouvait absolument pas se défendre. L’injustice dans tout ça, qui le rendait fou, et lui donnait envie de claquer la porte définitivement. Pour autant, tellement de choses le rattachaient à ce groupe, et dans un premier temps, la personne qu’ils avaient en commun avec Caroline. Jefferson.

Cet homme lui donnait l’impression d’avoir un frère, atypique et génial, mais qui le faisait relativiser de tellement de choses. Dans le genre crétin que sa sœur détestait, il se posait là. Mais Quinn pouvait lui reconnaître sa loyauté sans faille et son sacrifice. Et si la rouquine était difficile d’approche, elle avait au moins le mérite de comprendre que les piliers d’une vie n’étaient pas toujours ceux qu’on imaginait. Connor aimait son meilleur ami comme on aimait un frère et en ça, sa douleur lui était insupportable.

ça m’étonne pas trop, y’a qu’à le voir avec les autres, les enfants, tout ça… blagua-t-il. Il allait forcément être un papa gâteau. Ça me donnera l’occasion de me moquer de lui, fit-il.

Il eut un petit rire, qu’il ravala rapidement lorsque Caroline répondit à sa question. Ils n’en avaient pas eu parce que Caroline ne pouvait pas avoir d’enfant. Fronçant les sourcils, Connor ne sut dire comment il prenait cette révélation. Après tout, ça n’était pas son problème. Mais il voyait dans l’attitude de la vétérinaire à quel point elle aimait les enfants, à quel point elle était une maman née.

Désolé, c’est… C’est injuste, souffla Connor, un peu penaud pour le coup.

Il avait l’impression d’avoir fait une bêtise, pour autant, s’appesantir dessus n’était pas à l’ordre du jour. Ils trouvèrent un caddie pour transporter ce qu’il fallait, et l’homme reprit son sérieux.

Oh tu sais, il y a davantage de personnes qui n’ont pas envie de tuer des gens que ceux comme ce groupe de Renton, souligna-t-il à Caroline. Mais il approuvait tout de même ses propos. Tout du moins, il aurait voulu développer si la brune ne s’était pas soudainement mise à bondir en arrière. A cause de quoi ? Il n’en eut aucune idée.

Tout ce qu’il put faire fut de la rattraper à la volée avant qu’elle ne se rétame pour de bon. Les mains sous les épaules pour venir la redresser ensuite, Connor s’inquiéta :

Y’a un souci ? Qu’est-ce qu’il te prend ? s’enquit-il, toujours surpris.

Caroline remit sur ses jambes, discussion sur sa stérilité close, Connor afficha simplement un sourire moqueur après sa petite frayeur. Une araignée pouvait encore avoir tellement d’impact sur une personne. Alors qu’ils vivaient dans un environnement violent, clairement plus horrifique que ça. Qu’une petite bête qui ne demandait rien à personne puisse faire perdre l’équilibre à la farouche vétérinaire à ses côtés, ça avait le don de mettre du contraste dans leurs vies. Il ne s’imaginait – étrangement – plus qu’on puisse craindre pour son existence à cause de ça.

Et il en oubliait presque que les phobies avaient ça d’insensé qu’elles ne mettaient pas en perspective ce qui étaient vraiment dangereux dans l’immédiat.

Ouais, t’as raison, fit-il en se concentrant à nouveau. Mieux valait veiller à ce que le local soit totalement vide, ils pourraient gérer. Rien qu’en prêtant l’oreille, ils se rendirent de toute façon compte que l’endroit n’était pas habité. Avec le bruit de Caroline, ils auraient pu déjà en réveiller une dizaine s’ils étaient présents. Ils étaient sûrement chanceux. Du coup, t’es allée faire un tour au No Man’s Land, pour récupérer Olivia, souligna-t-il soudainement.

Dans le courant de la conversation, pour détendre l’atmosphère et ne pas forcer Caroline à se confronter à nouveau à ce qui la faisait souffrir. Un sourire polisson prit place sur les lèvres de l’homme, en posant un regard amusé sur la brune à ses côtés ; beaucoup connaissait, mais très peu trouvait du charme à cet endroit. Et ça, ça lui échappait un peu. Ok, ça n’était qu’un entrepot défraichi, abandonné depuis longtemps, dans lequel vivaient des gens totalement brisés et souffrants.

Mais il ne parvenait jamais à montrer ce qu’il avait vu, à expliquer toute la force qu’il y avait dans ces lieux-là. C’était davantage encore que cette communauté où ils vivaient. C’était plus puissant à son sens. Parce qu’il y avait cette liberté, cette indépendance, qu’il ne pouvait pas connaitre au sein d’un groupe aussi organisé. Presque militarisé. L’héritage de Blake.

Qu’est-ce que tu en as pensé ? Demanda-t-il à Caroline. Connor garda son sourire, et avant même qu’elle ne puisse lui répondre : Ne sois pas trop sévère sur l’hygiène, c’est un squat presque organisé.

Quand j’y étais, c’était pas vraiment bien fréquenté, mais pas si pire non plus. J’veux dire… On s’en tirait à bon compte pour un endroit aussi ouvert. Fit-il à Caroline avec une pointe d’expertise dans la voix, comme pour essayer de dédramatiser la situation.

A vrai dire, Connor n’y était pas retourné depuis un moment, au No Man’s Land. Et ça l’embêtait, parce qu’il n’était clairement pas à la page pour l’instant à ce sujet. Que s’y passait-il ? Loin de se douter du petit groupe qui sévissait là-bas, en violentant les plus isolés, il y retournait naïvement sans savoir ce qui couvait en interne. Les conséquences allaient être terribles, mais c’était un autre point de l’histoire qu’il n’avait pas encore vécu pour sa part.

Un sourire aux lèvres, il se moqua dans son esprit de la réaction de Caroline : ça faisait longtemps qu’elle n’avait pas été vraiment seule, dehors. Cette vie, ce manque d’hygiène, cette violence, elle était intrinsèque à cette existence. Il fallait l’accepter, parce que lutter contre n’était pas une option.

Evidemment, j’vais y passer. Roza y sera, donc quand je partirais, quand le printemps sera là, ça sera mon premier arrêt sur ma route. Après, j’improviserais. Expliqua-t-il à la brune avec un sourire satisfait : J’vais essayer d’pas te ramener un rhume, ouais !

Il eut un rire amusé à sa mention. Cette discussion le détendait, il fallait bien l’admettre. Ça dédramatisait un peu ce que ce départ signifiait – à savoir, la possibilité de ne pas retrouver des personnes en revenant plus tard. Il avait envie de croire que ça irait, que ce renouveau les soulagerait pour de bon cette fois. Qu’il n’y aurait plus ces morts, cette violence, ce déchirement. Que son groupe arriverait à se renouer pour de bon, avec la prison.

Mais bon, j’aurais quand même quelques bons services : y’a une forgeronne là-bas, des médecins aussi, des troqueurs, autant dire que j’vais vivre comme un pacha durant quelques mois. Un brin moqueur, il avisa Caroline d’un regard en coin : On va charger les sacs là, fit-il en mentionnant un lot sur des étagères. Au fait, le partage de ton infirmerie, ça se passe bien ? Reprit-il en rigolant un peu.