Soupire, voilà comment avait commencé cette journée. C’était loin d’être une sinécure de vivre dans une époque de merde comme celle-ci, mais je n’avais guère le choix. Nous n’avions guère le choix, puisque c’était nous que j’utilisais depuis quelque temps pour parler de Yulia et moi. L’objectif de la rencontre qu’on s’était fixé à la base était vraiment loin à présent. Que s’était-il passé entre temps ? Simplement la vie…

La vie est quelques choses de bien étrange surtout ses derniers temps avec les morts qui rodent dans les rues et les connards qui peuplent notre Terre toujours bien vivants. Nous avions fait la rencontre de Julian et Lily qui était repartie aussi vite qu’ils étaient arrivés et je n’avais pas posé de question, non… Simplement parce que Yulia avait mieux à faire que de répondre à mes interrogations, elle devait se reconstruire et c’est loin d’être facile surtout quand on a des montagnes à ériger de nouveau. L’endroit que nous avions trouvé était sûr, mais il y avait tant de possibilités qu’on ne pouvait pas exploiter à deux. Heureusement, la voiture était restée avec nous ce qui nous permettrait de bouger au besoin, mais c’était loin d’être vraiment nécessaire pour le moment.

Je n’avais jamais demandé à Yulia comment elle se sentait depuis ce jour, je m’étais contenté de me taire, sachant parfaitement que si elle avait besoin de parler elle le ferait et qu’elle pourrait me trouver pour cela, mais sans l’avouer, je redoutais se jour. Je réalisais qu’on ne se connaissait pas, qu’on avait appris à faire équipe ensemble sans vraiment savoir si nous étions compatibles, mais cela n’empêchait pas de travailler main dans la main. Peut-être que j’attendais qu’elle fasse le premier pas peut être que je cherchais au fond de moi le courage que je n’avais pas eu des années auparavant. En tout cas, j’attendais, mais attendre ne faisait malheureusement pas avancer les choses. J’aurais peut-être dû faire autre chose, mais j’en été tout simplement incapable.

Et puis au lieu d’aller vers elle ou de la regarder, je préférais me concentrer sur le morceau de bois que j’avais entre les mains, c’était plus facile d’oublier la merde et le bordel. Je préférais largement me concentrer sur ce bout de bois que je sculptais avec attention depuis quelque temps. J’étais en train de créer un Père Noël, après tout c’était bientôt les fêtes de fin d’année. Oui, c’était parfaitement inutile, mais c’était une façon de me couper du monde tout en étant bel et bien présent physiquement, j’oubliais un peu les températures froides qui me congelait les dois pour me rappeler un peu à ce métier que j’aimais temps.

j'ai pas eu envie d'sortir d'mon trou d'puis notre arrivée. J'me suis reveillée sur un matelas d'fortune, dans une sorte d'box d'entrepot où il faisait un froid d'gueux, et j'ai attendu qu'ça passe. Prostrée dans une position supportable, à pas oser quitter mes fringues pour en changer. J'peux pas, c'est tout. J'peux pas supporte d'me voir comme ça, d'pas être capable d'me déplier pour marcher normalement. J'peux pas m'voir le corps marbré d'bleus, dans l'espoir d'les voir disparaitre vite. J'en chie juste un max d'puis qu'on est là et j'sais pas à qui l'dire. J'sais pas si j'dois le dire, en fait.

Neil est là pourtant. Discret, dans un coin, pas décidé à m'parler, mais assez vigilant pour voir si j'suis pas en train d'crever dans mon coin. J'lui dois au moins des remerciements pour qu'il a fait. J'lui dois ma vie, et plus encore. C'qu'il m'reste de dignité. Mais la frustration m'arrache des sanglots d'rage quand j'm'en rends compte. Quand j'réalise que j'suis pas capable d'accepter, d'passer au-dessus. Qu'j'ai une haine folle qui m'vient quand j'réalise que j'ai pas su m'défendre comme il faut pour survivre. Qu's'ils avaient pas été là, j'serais morte pour rien. Pour des raisons qu'ils comprendraient même pas.

J'suis à la fois terrifiée à l'idée qu'ça arrive encore, et obsédée par ça. J'voudrais oublier mais j'peux pas. C'est mon corps entier qui m'rappelle que j'suis juste faible. Incapable de faire mieux, incapable de survivre. J'suis épuisée pourtant, épuisée d'fermer l'oeil et d'ne voir que ça. Que lui au-dessus d'moi, et qu'importe combien j'lutte et pourquoi j'le fais, ça l'arrête pas l'moins du monde. C'est cette image qui m'réveille encore. J'sursaute et souffre en presque silence. Et finalement, j'me décide.

A m'lever, à m'changer. A voir par moi même les plaies qu'ils m'ont laissé, et à sentir les larmes qui m'montent aux yeux en réalisant tout c'que ça veut dire.

Ils sont morts. J'me le répète dans un murmure à peine audible. Un frisson m'prend quand même, m'remonte l'échine comme un animal traqué. Ils sont morts... J'chuchote en quittant mon pull, j'en déniche un autre qu'j'enfile difficilement.

Et il m'faut un temps interminable pour rejoindre l'endroit où s'trouve Neil. J'ai pas l'impression d'l'avoir beaucoup vu dernièrement. Mais p't'être que c'est pas plus mal comme ça. Juste qu'le découvrir tout seul, ça m'fait tout drôle l'espace d'un instant.

Les gosses... J'regarde autour d'nous, troublée. ça attire son attention faut croire : Julian et... Lily... J'les remets. J'remets surtout leurs absences : Ils sont où ? Tu les as laissé r'partir ?