Richard, Kara, Clarke… Au moins il y a du monde pour y réfléchir ; j’ai jamais trop été dans cette catégorie. Penser, j’laisse ça aux autres. La forgeronne peut bien penser ce qu’elle veut, me dire que c’est pas un miracle, j’crois que c’est si ça se reproduit vraiment que j’y croirais. J’veux dire, j’ferais pas genre ça m’emmerde ou quoi, j’sais qu’on peut brièvement faire partie d’un tout sans mauvaise foi pour ça.

J’soupire, la tête me tourne un peu, j’ai un creux aussi. Mais mes yeux s’relèvent soudainement vers celui qui me parle et qui me tire à l’écart. J’mets un certain temps à comprendre et à réagir sur tout ça, comme si j’arrivais pas à en trouver le putain d’sens. Y’a rien qui me vient, sauf une surprise que je peux pas lui cacher.

Jimmy est là. Derrière ses bleus et le sang sur son visage, j’le reconnais sans même avoir besoin d’lui demander qui il est. Et oui, j’l’ai cru mort… Putain d’mort… Je comprends pas d’quoi il me parle, de me soigner, de me reposer, qu’est-ce qu’il dit ? Il est vivant, bordel… Mes yeux se plissent en le fixant, signe que j’y pige rien, et aucun mot sort sur le coup. Même son baiser remet pas dans l’ordre tout ce qui se bouscule dans ma tête…

Comment… Qu’est-ce que… ? Qu’est-ce que tu fais là ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Comment ça se fait que tu sois vivant ? Pourquoi tu me l’as pas dit avant ? Bordel, ouais… Surtout ça : Pourquoi tu m’l’as pas dit avant. Ça fait presque un an. Et pour le coup, un vertige me prend, j’titube et me rattrape à lui maladroitement.

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La discussion s’amorçait plus loin, Emy n’avait que des échos de ce qu’il se passait. Elle n’était pas là pour se concentrer dessus, on lui demandait à la place d’être efficace pour autre chose. Sauver des vies, notamment. Attendant que son époux en termine avec Salem, pour obtenir de lui ce qu’elle voulait.

J’ai connu pire que ton état, fit-elle à Valérian. On va y aller doucement. Si tu veux t’évanouir, ne lutte pas, je pense qu’on va passer de longues heures tous les deux de toute façon. Pour qu’elle veille sur lui, au moins. Si tes scouts veulent te ramener, il va falloir récupérer une civière pour te déplacer, tu ne vas pas marcher tout de suite, soupira-t-elle.

La récupération prendra du temps. Jake revint vers eux, et si la blonde eut envie de prêter attention à ce qu’il se déroulait plus loin, elle s’en abstint finalement. Dans ce genre de moment, Emy tâchait de se focaliser exclusivement sur l’urgence. Son deuil viendrait, plus tard. Une fois à l’abri de leur refuge, une fois dans les bras de Kendale, en sécurité.

Tu fais donc animateur de colonie à ce que je vois, fit-elle, relevant un regard complice vers Jake. Si Valérian était capable d’en rire, alors ça donnerait de l’espoir. J’étais chirurgienne pédiatre, je travaillais beaucoup avec les enfants. Expliqua-t-elle. Mais cette vie m’a habitué à varier ma patientelle, on a pas vraiment le choix désormais.

Ses yeux se tournèrent donc vers Kendale :

Tu es prêt ? Demanda-t-elle au pompier.

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Un vrai système de sécurité, un vrai engagement pour la surveillance et les gardes, des pièges plus aboutis, ça serait peut-être un bon début. Aujourd’hui, on a surtout vu qu’ici, c’est un moulin qu’n’importe qui peut piller pour peu qu’il soit un minimum organisé. C’est dangereux. Et c’était peu dire. On est pas obligés de tous s’apprécier mais on doit garder ce lieu comme il est. Il doit devenir une plaque tournante du commerce… C’est là qu’on s’retrouve tous, c’est notre repère.

Il rejoignait totalement Kara là-dessus, s’il n’était pas un membre aussi régulier que certains, il tenait à cet endroit pour ce qu’il représentait. Roza aimait ce lieu, lui aussi. Pour ces gens, terriblement humains, qui y venaient.

On aura pas la même structure que ces gros groupes, mais on doit mettre en place une réponse à ce genre d’agressions ensemble, parce que nous partageons tous le même intérêt pour ce qu’il s’y passe. Pour ce qu’il impliquait : Une réponse unanime, comme aujourd’hui.

Se battre lorsqu’il le fallait pour un avenir plus doux que ce présent douloureux. Alors des guides, des shérifs, des référents, qu’importait comment on appelait ça, Connor trouvait ça judicieux. Il n’en ferait pas parti, mais il encourageait totalement :

Les plus réguliers. Vous êtes ceux qui connaissent le mieux cet endroit, certains traînent ici depuis des années, vous devez en savoir autant qu’Eddy sur les personnes qui y viennent, à quelle période et pour quoi. Ses yeux scrutèrent Kara, finalement Richard. Vous n’êtes pas obligés d’être nombreux, mais être garant de cette sécurité et de cette pérennité implique un engagement. C’est à vous de voir si ça vaut la peine à votre sens.

Il adressa un bref sourire encourageant vers Richard :

Qu’as-tu d’autres comme idées pour ici ? Du concret. Si y’a besoin de les mettre en place : j’en suis. Je ne repartirais que quand ça sera viable pour la sécurité de tous. Lui fit-il.

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Il gardait ses yeux plongés dans les siens, la regardant bégayer, sous le choc. Il ne savait pas trop quoi dire non plus, encore sous le stress des derniers combats, et de se trouver devant elle, presque un an après leur disparition, et après avoir passé un an à ruminer qu’elle était morte. Un an à se sentir coupable. À se demander « et si… ? ».

- Viens avec moi, il faut que je te recouse le bras. Et qu’on parle. Beaucoup.

Il la prit doucement dans ses bras, la rattrapant à moitié, pour l’inciter à le suivre, vers un matelas presque confortable, la laissant un instant, allant demander du fil et une aiguille à Emerson. Il ne savait pas coudre une peau, mais ça devait ressembler à du tissus. En plus mou. Il se débrouillerait.
Il revint vers Yulia, toujours assise sur son matelas.

- Bon, enlève moi ce haut, je fais faire de mon mieux. Mais je te cache pas que ça va piquer.

Il l’aidait à retirer péniblement sa veste, sa blessure au bras toujours saignante avait l’air de lui faire mal. Au moins, il ne pourrait pas lui faire plus mal. Enfin il espérait.

- J’aurais rêvé d’un meilleur moment pour qu’on se retrouve. Mais bon, déjà je te sais vivante. Et crois moi que je vais tout faire pour t’y garder. Qu’est ce qu’il s’est passé en un an ?
J’y croyais plus. J’ai jamais eu le courage de revenir ici. J’aurais dû.
Attention, trois, deux, un…

Il planta l’aiguille dans la peau, en haut de la blessure, faisant couler un peu plus la plaie. Elle eu une moue de douleur, sans trop broncher.
Un trou, deux trous, en tirant le fil. Rien de fameux pour désinfecter, mais bon…
Trois trous, et un quatrième. C’était pas beau à voir.
Il se concentrait sur la plaie, pour éviter de penser à autre chose. Il avait un paquet de questions, de choses à dire. Il luttait pour ne pas la serrer contre lui, oubliant sa blessure, et les tarés de dehors. Le temps n’était pas aux réjouissances.

Il en avait vu des blessés, des morts. Dans toute sa vie. Mais c’était la première fois qu’il sentait une goutte couler le long de sa joue. Peut-être du sang, mais il en doutait. Il avait peur. Pour la première fois aussi. Mais pas pour lui.

- Vous ne sécuriserez jamais cet endroit.

Apparue de nul part, Kaycee s'était à son tour approchée de ceux qui réflechissaient à la suite à donner à tout ça. Au No Man's Land. A eux. Son ton fut sec. Elle planta ses yeux clairs, tranchant sur son teint atrocement blafard, dans ceux de Connor. Elle avait entendu à partir du discours de Richard et Kara, manquant hélas les interventions de Clarke ou Yulia. Quand elle redescendait du toit, là où elle était allée voir ces autres fuir. Là où le corps de Two s'était affalée sur le sol sans que cela ne procure ni joie ni peine à la blondinette. Elle était restée de longues minutes plantée là. Comme vidée, elle ne ressentait rien. Même lorsqu'elle avait appuyé sur l'hématome autour de l'os brisé de son poignet, la douleur ressentie lui avait paru celle d'une autre...

- Il peut tenir debout, mais des menaces comme celles-là planeront toujours au-dessus de nous. Y a rien qu'on puisse y faire. Demain, la semaine prochaine, dans un mois, un de ces types pourra revenir - et oui comme Clarke l'avait affirmé : ils reviendraient ! -, on ne le saura pas, parce qu'on n'a aucune idée de ce à quoi ils ressemblent. Elle savait toutefois que la voix de God résonneraient pourtant longtemps dans sa tête... Et si c'est pas eux, ce sera d'autres. Peut-être même certains d'entre eux.

L'adolescente ne se faisait aucune désillusion. Elle en avait trop vu. Au lycée, dehors, ici. Vivre en groupe, c'était accepté l'idée de la violence. De la convoitise. Elle avait le visage fermé et donnait son avis sans se penser moins légitime que les autres. Même si sa fine silhouette tranchait à côté de celle des autres. Tout. Tout sauf penser à ce corps inanimé qui gisait toujours un peu plus loin et sur lequel elle n'était pas encore parvenu à jeter un regard.

- On peut chacun faire nos trafics, parce que les portes sont justement ouvertes à tout le monde. Des nouveaux arrivent tout le temps, c'est le principe. D'autres s'en allaient aussi pour ne jamais reparaitre. Vivants ou morts, c'était les règles du jeu. On pourra jamais savoir exactement à qui on peut faire confiance. Faut peut-être instaurer quelques règles, ouais, mais y a qu'en agrandissant la communauté, y a qu'en étant encore plus nombreux à en profiter, qu'on aura une chance de les tenir à distance. Si au lieu de 30, on avait été 50, ou 100 aujourd'hui, prêts à défendre nos intérêts, ils n'auraient peut-être même pas osé nous approcher. Faut inciter les gens de passage à revenir ou à rester.

Le troc, ils pouvaient tous y participer ! Parce qu'ils avaient tous survécu jusqu'ici, ils avaient forcément tous quelque chose à vendre. De leurs têtes, de leurs mains, ou de leur courage.

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