Romy huma l'air frais du dehors en fermant légèrement les yeux. Il était encore froid en cette saison, alors que l'aube pointait doucement, mais tellement revigorant en même temps. C'était une vraie bouffée d'oxygène quand on venait du dortoir qui empestait toujours le poney après une nuit passée les uns sur les autres. Elle serra son épais gilet de laine autour d'elle, retenant un rapide frisson, puis parcourut la cour extérieure de leur camp pour rejoindre l'ancien accueil du musée. Là où ils s'occupaient des enfants et faisaient l'école. Là où la bouclée était sûre de ne croiser personne à cette heure-là...

Alors qu'ils avaient élu résidence à Fort Nisqually depuis quelques mois maintenant, chacun avait pris son rythme et une certaine routine s'était instaurée. Aussi cela faisait quelques semaines que l'égyptienne d'origine avait lancé son rituel de prières. Si elle avait toujours cru, elle n'avait jamais été fervente pratiquante, mais avec tout ce qui s'était passé ces derniers temps, elle ressentait ce besoin de se recueillir. De puiser de la force ailleurs. Si bien qu'elle se levait à l'aube tous les jours pour le Çobh, la prière du matin. C'était la seule pour laquelle elle déroulait un tapis négligemment laissé dans la pièce et le positionnait par supposition en direction de la Mecque. Elle s'agenouillait alors, avant de se courber à plusieurs reprises, en marmonnant des mots appris par cœur depuis l'enfance.

Elle le faisait en toute discrétion et personne ne s'était encore jusqu'ici demandé ce qu'elle filait faire au petit jour. Certainement suspectaient-ils davantage un recueillement plus primaire dans les WC ! Elle ne tenait pas à le crier sur les toits, quand bien même, elle avait appris progressivement à se faire une place parmi la plupart de ses compagnons de chambrée. Elle savait que la religion était un sujet subversif – l'Islam d'autant plus ! - et préférait généralement ne pas exposer à outrance ces croyances. Après tout, ça ne concernait qu'elle. C'était son jardin secret.