J’encaisse la diatribe de Yulia en serrant les dents. Ce n’est vraiment pas facile, j’ai envie de tourner les talons avant la fin, mais je l’écoute. Je l’écoute se moquer de ma soi-disante naïveté alors que c’est elle qui a un sacré problème de scepticisme radical. L’ingénieur me fend le cœur à tendre l’autre joue. Je suis à 100% d’accord avec lui – j’ai même envie de pleurer pour lui – sauf quand il balance les clefs de la voiture. Ils ne les méritent pas.

Je reste plantée là, à fulminer, à chercher mes mots. Je suis pas assez objective pour admirer l’effort de ceux qui essayent de trouver du bon dans ce merdier et de calmer les ardeurs. Je sais pas, je m’en fiche un peu, parce que j’ai pas envie de les aider. Plus maintenant. Au final, je toise Yulia avec tout le mépris dont je suis capable du haut de mes dix-sept ans pour lui envoyer :

- Tu comprends rien, j’ai la gorge tellement serrée que je peine à enchainer, tu parles de cet endroit comme d’un abri, mais combien de connards il abrite ? Combien ont acheté le corps de femmes avec des ressources ? Je me souviens avoir vu deux jeunes femmes y être contraintes, combien ont pillé les conserves des autres à coup de poings ? Combien de mineures ont été abusée par des gens d’ici ? Ça m’a échappé, même si j’ai eu moins pu me pincer les lèvres avant de dire que j’étais l’une de ces victimes, au final, combien de gens ici n’ont pas les mains sales comme tu dis ?

Elle pourrait me gueuler tout ce qu’elle veut à la gueule mais la vérité, c’est qu’elle n’en a aucune idée. Ça me rend folle de prendre en pleine face la réalité de l’espèce humaine. Je me sens coupable d’avoir mis d’autres personnes en danger mais à cet instant : je ne regrette rien. Poussant un bruyant soupir insolent, je ramasse les clefs du véhicule du l’ingénieur – manquerait plus qu’on lui pique ça et me dirige vers la porte dégondée. Au dernier moment, je me retourne pour lâcher :

- Je sais pas qui sont ces gens… mais t’sais quoi ? J’espère qu’ils mettrons cet endroit en pièce.

Je ne le pense pas, bien sûr, comme les ados qui crient détester leurs parents. Mais c’est moche ce que l’énervement nous fait dire… Je retrouve avec l’ingénieur, l’air boudeuse, les yeux baissés. Ça pue. Littéralement et au sens figuré. Je ne sais pas trop quoi lui dire, alors je lui tends les clefs sans oser le regarder.

- C’est à toi, pas à ces cons.

Spoiler:

L'homme qui a donné une cigarette à la jeune femme brune semble irrité mais il me tend quand même sa clope ce qui me désarme un instant. Peut-être que j'espérais qu'il refuse, que j'avais joué la grande gueule... mais l'orgueil prend le relai et je prends la cigarette d'une main incertaine. Je la porte à ma bouche sans quitter l'homme des yeux, comme si je me sentais jugée, c'est débile. " Merci... " et je tire une taff.. avant de me mettre à tousser comme une crevée. C'est dégueulasse ce truc, mais comment ils peuvent fumer c'truc! Je me redresse en retenant quelques toussotements supplémentaires et je souris timidement, un peu bêtement peut-être, d'un sourire qui voulait dire "Tout va bien!" avant de regarder ailleurs. Prenant une seconde taff qui me fit moins tousser, j'essaie de jouer les grandes c'est ridicule mais comme une grosse gamine capricieuse je persiste dans ma connerie.

Une phrase assassine balancée par une fille qui doit pas être beaucoup plus vieille que moi me fait relever la tête vers l'intérieur. Elle se dirige vers l'extérieur. Je la regarde passer devant moi, elle va voir le gars qui est parti vénère y'a pas deux minutes. J'ai rien compris à ce qui se passe. Je reste à la regarder hésitant à discuter pour savoir dans quoi on s'embarque vraiment mais je bouge pas. Je prends une autre taff et tousse de nouveau un peu, merde ça pique j'avais zappé.

Spoiler:

Tout s’était calmé. Enfin, tout était allé trop vite, mais ça s’était stabilisé. Des inconnus étaient entrés d’un coup en plein milieu, avec des blessés. Il avait pas compris grand chose. Il avait levé instinctivement son fusil, puis rabaissé, puis suivi de quelques pas Kaycee, Emerson et un autre nouveau qui semblait le connaître. Eux, ils trimballaient un autre homme évanoui, d’un troisième groupe inconnu, dans la tente pour le soigner. Ça faisait beaucoup d’informations. Alors il était resté là, à traîner l’oreille à l’intérieur de la tente, sans y mettre un pied, regardant un peu le reste du hangar.

Hannah semblait discuter avec lui. Mais il ne s’exprimait pas très clairement. Assez logique pour quelqu’un qui vient de s’évanouir après un crash. Il avait envie de s’approcher, mais avait peur de passer pour un intrus, dans cette tente, pas si grande finalement. Il en saurait plus, mais plus tard.

Résumé:

Spoiler:

Résumé:

Valérian considéra d’un air amusé la jeune fille à qui il avait tendu sa cigarette. En temps normal, il n’aurait probablement jamais cédé à sa requête : quel âge pouvait-elle bien avoir ? Une quinzaine d’années, tout au plus. S’il avait fait figure d’autorité paternelle auprès de Jake et veillé à ce que le jeune homme ne fasse pas d’écart sous sa surveillance, cette journée étant si particulière aux yeux de Valérian qu’il était prêt à mettre de côté tous ses principes pour éviter d’en rompre l’enchantement.

Il y avait en effet quelque chose de surréel dans la suite d’événements qui avait ce jour-là perturbé leur quotidien : tout d’abord, un hélicoptère s’était craché à quelques kilomètres de l’entrepôt, ce qui, bien évidemment, n’avait pas manqué d’attirer une horde géante aux portes de celui-ci. Et lorsque Valérian avait cru vivre ses derniers instants, une explosion lui avait sauvé la mise ainsi que celle des résidents du No Man's Land. Clou du spectacle, une voiture s’était finalement arrêtée à l’entrée de celui-ci avec, à son bord, Elena. Cette même Elena qu’il avait cherchée en vain pendant des mois, jusqu’à s’égratigner la raison sur une réalité devenue étonnement rugueuse.

Autant dire qu’expérimenter tant d’émotions au sein de la même journée avait affecté les nerfs du grec. Raison pour laquelle il avait préféré s’exclure, incapable de prendre part aux éclats de voix qui faisaient désormais sursauter l’entrepôt à intervalles réguliers.

La grimace que fit Lana en tirant sur la cigarette arracha un petit rire à Valérian : « C’est dégueulasse, n’est ce pas ? » Il tendait la main pour récupérer sa clope, lorsque débarqua, l’air de rien, un homme dont Valérian n’avait encore jamais croisé la route. Il émanait de celui-ci une telle prétention que les sourcils du grec se froncèrent à sa vue pour former une barre nette au-dessus de ses yeux. À la remarque d’Aodhan sur l’atmosphère électrique du No Man’s Land, Valérian répondit en haussant les épaules : « Je suppose qu’il n’est pas trop tard pour te jeter dans la mêlée, si tel est ton souhait. Les éclats de voix n’ont pas encore faiblis et tu m’as tout l’air d’un candidat idéal pour cette nouvelle manche : un vrai « clodo de luxe, » comme tu l’as si bien fait remarquer. » Petit coup d’oeil malicieux : « Quand à savoir ce qu’il se passe, je te suggère de te renseigner auprès de ceux qui sortent du hangar. Ils seront sans aucun doute bien mieux renseignés que je ne le suis. »

résumé:

Spoiler: