La vache. J'ai l'impression de m'être fait passer dessus au rouleau compresseur. Je m'étais même pas rendu compte que j'avais fini par m'évanouir. En même temps, c'est pas si choquant que ça vu l'état dans lequel je suis... Je cligne plusieurs fois des yeux pour essayer de voir un peu moins flou et je regarde autour de moi. Tiens. J'suis tout seul? Apparemment oui.

Il me faut bien quelques longues secondes voire même quelques minutes pour reprendre un petit peu mes esprits et me rendre compte qu'il y a du bruit à l'extérieur de la tente. J'entends des voix, des gens parler. Hm. Si ça se trouve ils s'attendent toujours à ce que je sois dans les vapes. L'occasion rêvée pour essayer d'entendre quelque chose d'intéressant. Mais le mieux, ce serait quand même de réussir à me libérer de ces putains de liens qui me tiennent les mains.

Je bouge mes mains l'une contre l'autre et c'est là que je prends conscience qu'avec tout le sang qui a coulé sur mes bras, les cordes glissent un peu mieux. Bon. J'essaie quelques fois de glisser mes mains à travers mais il faut bien se rendre à l'évidence. Mon pouce bloque. Et merde.

Je prends une grande inspiration avant de saisir mon pouce droit dans ma main gauche, vu que je suis gaucher, et je me mords les lèvres de toutes mes forces pendant que d'un coup sec je disloque mon articulation. Crie pas, crie pas..! Je souffle longuement par le nez pour essayer de digérer cette énième douleur alors que j'arrive enfin à me défaire de mes liens.

Au moins si j'dois voir du positif dans le fait que je viens de me péter le pouce, c'est que ça m'a bien réveillé. Et en même temps, je sens une décharge d'adrénaline parcourir mon corps. De quoi me donner la force de me redresser et de me mettre sur mes pieds. J'hésite un instant avant de finalement trouver la force de jeter un coup d'oeil à mes plaies. Entre mes bras couverts de sang et d'entaille, mon petit doigt amputé d'une phalange et j'en passe, franchement je dois faire peur à voir. Mais c'est pas ça qui compte.

Je me fige et sens mon coeur rater un battement quand je vois les silhouettes passer devant la tente. Par chance, personne n'entre. J'aurais certainement été encore plus dans la merde sinon. Mais je fronce les sourcils en entendant ce qu'ils se disent. Merde... Fait chier! "On crame tout et on revient"? Bordel j'ai même pas de quoi prévenir les autres.

Le moteur d'une voiture vrombit et le véhicule s'éloigne. J'ai réussi à voir cinq silhouettes tout à l'heure et là il n'en reste plus qu'une seule. Mais est-ce qu'il est vraiment tout seul ici? Putain aller Nathan, réfléchit... J'ai du mal à tenir sur mes appuis mais une idée me vient. Attirer l'homme à l'intérieur et essayer de le prendre par surprise pour lui planter le tournevis que je viens de voir dans la boite à outils au travers de la gorge.

Comme si je jouais aux Mikados je parviens, même si c'est très compliqué, à sortir le tournevis sans faire de bruit ni faire tomber les autres outils. Aller, tu peux le faire. Je planque le tournevis le long de mon bras et retourne m'asseoir à côté du tabouret en mettant mes mains dans mon dos. Avec un peu de chance, il saura pas que j'étais couché au sol tout à l'heure. Ou au pire il se dira que je me suis juste redressé en me réveillant. Eh y'a quelqu'un? Aller... J'ai le nez qui gratte putain, que quelqu'un vienne me filer un coup d'main!..

C'est pas cool. Comme on dit, bien essayé mais c'est raté! Je grimace, souffle par le nez en fronçant les sourcils et gonflant les joues comme un gosse. Moi à sa place, si un type à deux doigts de crever et ligoté avait le nez qui gratte, j'serais allé le lui gratter! Enfin, c'est pas le sujet. Va falloir que je trouve une autre idée et vite. Je soupire un peu et me relève très lentement pour ne pas faire de bruit, tenant toujours fermement mon tournevis au creux de ma main.

Mais le truc c'est que je sursaute en entendant un gros bruit qui ne vient de toute évidence pas de mon cher et tendre gardien du moment. En plus, à travers la toile de tente, je vois une silhouette se jeter sur ce dernier et à en juger par les bruits à l'extérieur, ils sont en train de se battre. Et comme il faut en plus.

Boitant à cause de mon genou et de ma cuisse, je m'approche aussi discrètement que possible et écarte à peine de quelques millimètres la toile de l'entrée de la tente histoire de voir ce qui se passe à l'extérieur. Je vois pas grand chose, mais en même temps j'ai pas envie de prendre de risques. J'ai aucune idée de ce qui vient de, littéralement, lui tomber dessus. Alors j'essaie de voir comme je peux ce qu'il se passe à l'extérieur, retenant ma respiration du mieux que je peux pour faire le moins de bruit possible.

Putain de merde. Non seulement j'vois rien mais en plus avec les bruits que j'entends mon instinct me hurle de reculer. Ce que je fais sans me faire prier. Forcément, quand le coup de feu résonne je m'effraie une nouvelle fois. Faut dire que je sais jamais si le coup va pas partir pour moi en même temps.

Je déglutis, assez difficilement, alors que l'angoisse me noue la gorge et me tord l'estomac. Comme si j'étais pas déjà dans un état assez merdique pour qu'il y ait pas encore d'autres saloperies qui me tombent sur le coin de la gueule. Et puis surtout, qui a tiré sur qui? Bordel c'est pas le moment que l'adrénaline me lâche.

Je serre un peu plus le tournevis dans ma main, sans pouvoir m'empêcher de trembler, et je viens de ma main libre attraper le marteau qui était posé à côté de la boite à outils. Franchement, vu mon état je suis vraiment pas certain de réussir à me battre. Je trouve déjà ça exceptionnel de réussir à me mettre debout et à pas me casser la gueule. Suffit de voir le sang qu'il y a par terre pour savoir que j'suis dans la merde.

Prenant mon courage à deux mains, je tente de sortir discrètement de la tente, prêt à me défendre au cas où.