C'est qu'elle avait presque oublié la présence de Sean. Du moins en apparence. Car les regards répétés, qu'elle n'espère pas trop soutenus, en direction de son camarade mais aussi de son amie qui veille sur lui - un peu trop à son goût, d'ailleurs ! - font mentir cette affirmation. « Hey, Cole ! Si jamais t'entend parler d'complot faut pas qu'tu paniques, ok ? C'est juste Adam et deux-trois autres qui ont eu droit à des hallucinogènes à la place de sédatifs. Fried' s'est un peu foiré... » La dernière chose dont ils ont besoin, c'est d'un parano qui s'imagine qu'il va devenir cobaye ou quelque chose du genre. L'adolescente lui décoche un dernier regard rassurant avant de rejoindre le duo de l'Armée de June. Sean lui demande immédiatement des précisions sur la nature de la dispute entre les soeurs Summer et, plus généralement, l'origine des prises de têtes qui rythment le dispensaire depuis le réveil des immunisés. « En gros Madisson est une tête à claques et Casey essaie d'la remettre dans l'droit chemin ! » résume-t-elle sobrement, mélangeant sentiments personnels et faits avérés. « Et pour l'reste j'sais pas trop ! À mon avis c'est surtout qu'ils ont pas l'habitude d'être privés d'leur liberté...» S'ils avaient passé une semaine dans une petite cellule avec un seul repas par jour, un seau pour leurs besoins et une absence presque totale de lumière, ils pourraient aisément se satisfaire de quelques sangles ou menottes...

Quoi qu'il en soit, un autre problème finit très vite pas se poser : Sean a besoin de pisser. Zelda échange un regard avec Kassidy puis observe les responsables médicaux. Ils sont sûrement bien trop occupés pour se soucier d'un bête soucis d'urine.  « T'peux vraiment pas te r'tenir ? » Ce serait bien pratique,ça ! Mais un peu irréalisable, aussi... Qui sait combien de temps il restera allongé ?  « J'vais te détacher une main et te r'filer un verre vide, ok ? » C'est un bon compromis lui semble-t-il. Aussitôt dit, aussitôt fait : elle libère l'une des paluches de son camarade et lui apporte un récipient. À lui de se débrouiller pour y glisser son petit serpent et lui faire cracher son venin. Si possible, à l'abri de sa couverture histoire que la plupart des gens évitent de faire des cauchemars pendant les trente prochaines années ! L'ennui c'est que Zelda doit constamment lutter contre un ennemi aussi invisible qu'implacable : sa curiosité ! Alors quand le jeune homme glisse le réceptacle sous les couvertures et qu'un bruit caractéristique se fait entendre, elle enlève la couverture d'un coup sec pour regarder ce qu'il y a à regarder ! Pouf, leçon de biologie improvisée !

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L’agitation qui règne dans le dispensaire continue de la perturber. Le bruit se fracasse contre les parois fragiles de son crâne, accentue à chaque fois la migraine qui l’éprouve déjà. Même la lumière semble trop vive, transperçant son œil unique avec violence. Désorientée, endolorie, Quinn peine à fixer son attention sur Jackie. Elle écoute les nouvelles que la chirurgienne lui apporte, mais ne les comprend pas. Comment vingt-quatre heures ont-elles pu disparaître ainsi ? Pourquoi les vaccinés se sont-ils soudainement retournés contre les habitants du camp ? Autant de questions auxquelles elle ne pourra pas répondre avant d’avoir repris pleinement conscience.

Sa main dans celle de Jacqueline, Quinn pose un regard défaillant sur la chirurgienne. Tremblante, elle fronce les sourcils, inquiétée par l’air triste de la brune. Une tristesse que sa main apaisante ne parvient pas à contrebalancer. Lèvres mordues, la blessée écoute les explications de son amie. Lorsqu’elle évoque Friedrich, Quinn comprend qu’elle ne lui a pas encore tout dit. Qu’elle a gardé le plus difficile pour la fin. Lentement, au creux de son ventre, elle sent s’effriter les bords d’un trou minuscule, qui grandit avec l’hésitation de la chirurgienne. La gorge nouée, Quinn est cette fois incapable d’ouvrir la bouche. Elle voudrait pourtant empêcher Jacqueline de poursuivre son récit. Car elle en connaît déjà la fin, et celle-ci ne lui plaît pas.

Impuissante, elle écoute tout de même la brune lui raconter les dernières heures de Vaughn. Dans son ventre, le trou devient un gouffre béant, autour duquel elle se recroqueville lentement. Sa main toujours dans celle de Jacqueline, Quinn se replie sur elle-même comme une enfant. Ignorant la douleur physique, les coups d’épée de son crâne et de son visage meurtri, elle tourne le dos à la chirurgienne. Incapable de supporter encore sa vue, mais accrochée à sa main comme une naufragée. Un sanglot étranglé lui échappe, alors que les premières larmes dévalent ses joues abimées.  

Les spasmes agitent son corps tout entier, alors qu’elle pleure en silence, sa main broyant inconsciemment celle de Jacqueline. Un seul nom s’échappe de ses lèvres, murmuré avec douleur. Comment peut-il être mort, quand, ce matin encore, il l’embrassait en riant… Où sont passées ces dernières heures, ces moments envolés, arrachés ? Le gouffre l’avale tout entière, abîme de souffrances où elle suffoque, s’étouffe. En apparence, Quinn laisse échapper son chagrin sans un bruit. Mais à l’intérieur, elle est à l’agonie. Et si ses lèvres appellent le défunt de leurs prières, son esprit se tourne vers Friedrich. Friedrich, dont elle a désespérément besoin maintenant. Parce qu’il est le seul amour qu’il lui reste, après Samuel, après Sarah, après Vaughn…

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Bon, peut être que la sédation n'aurait pas été forcément nécessaire mais au moins cela eut pour effet de faire retomber légèrement la pression. C'est du moins ce qu'elle cru jusqu'à ce qu'une des médecins lui crie de ne pas sédater selon ses humeurs. C'était faux. Ivy n'était pas du genre à soigner selon ses humeurs non. Elle voulait seulement éviter que la situation ne s'envenime. Et si les immunisés étaient en proie à une nouvelle crise ? Autant calmer le jeu dès le début, non ? La sédation lui avait alors semblé le plus évident, surtout que la dose était très peu dosée et la jeune femme serait rapidement de retour parmis eux. Elle s'apprêta à répondre de manière virulente elle aussi, avant de se reprendre. Il était évident que la jeune médecin allongée là sur le lit n'était pas forcément dans son état normal."Tant que vous êtes dans ce lit, ce ne sont plus vos patients." répondit simplement à voix basse Ivy. Elle était tout à fait d'accord avec le médecin allongée là, les personnes ici étaient ses patients, ses amis aussi probablement. Ivy ferait en sorte qu'ils aillent bien et qu'ils redeviennent tous à nouveaux ses patients dès qu'elle se remettrait sur pieds.

La jeune adolescente s'adressa alors à elle. Pétasse ? Sérieusement ? Le geste de Zelda fut stoppé par un des médecins qui venait d'arriver. Ivy se retourna alors pour vérifier d'autres sangles tout en levant les yeux aux ciel. Cette gamine, elle la garderait à l'oeil. Elle avisa alors la scène qui se passait plus loin entre Zelda et Sean. Non mais il faut croire qu'elle était tombée dans une cour de récréation. Les voilà qui jouaient à touche-pipi maintenant. Décidément, cette gamine était infernale. Finalement, c'était dommage de ne pas pouvoir sédater selon ses humeurs car calmer Zelda ferait probablement du bien à tout le monde ici. Elle leur lança un : "Ça suffit les enfants." avant de vérifier les derniers liens des immunisés. Par chance, aucun n'était desseré.

Au cours d'un très rare moment de silence, ils purent entendre des sanglots provenant du lit des deux patients les plus graves. Le coeur d'Ivy se serra. Cette douleur à l'annonce de la perte de quelqu'un de proche, elle ne la connaissait que trop bien.

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C'est... disproportionné ! Oui, c'est le seul mot qui lui vienne à l'esprit en cet instant fort gênant. L'adolescente peine à détacher son regard de ce léviathan semblant tout droit sorti des anciennes légendes. Celles qui vantent l'existence des monstres mythologiques et flattent l'imaginaire des gens. « Wow ! » Est-elle impressionnée ? Il faut dire qu'elle ne dispose pas de beaucoup de points de comparaison et ses tentatives pour espionner Clayton a travers le trou de serrure de leur salle de bain ont toujours été vouées à l'échec. Mais ce qui est sûr, c'est qu'elle n'aimerait pas être un garçon... Comment se déplacer avec une chose pareille brinquebalant entre les jambes ? Les yeux ronds, elle continue d'observer le verre qui se remplit avant de plisser ce qu'il reste de son nez et, enfin, esquisser une grimace de douleur quand son museau proteste. La remarque de Sean la prend au dépourvu et arrache un ricanement amusé à Kassidy. Elle, elle rougit comme elle sait si bien le faire lorsque la gêne surpasse sa curiosité ou que les propos de ses interlocuteurs charrient une part de vérité. « Moi ? Avec toi ? Pfeh ! » réagit-elle en tentant d'arborer l'un de ses plus beaux airs arrogants. « La lionne ne s'associe pas avec l'cafard ! » Mais c'est plutôt dur de garder la face quand une vision aussi pharaonique accapare votre champ de vision...

Une part d'elle - celle qui déteste les serpent - à une furieuse envie de baffer cet anaconda. Un pure réflexe, rien d'autre. Mais au final le regard taquin de son amie et l'air détaché de Sean la poussent surtout à tourner les talons et à s'enfuir, le visage aussi rouge que le sang qui maculait le visage d'Eve. C'est l'heure d'opérer une retraite stratégique. Et pas parce que Poison Ivy a décidé de les rappeler à l'ordre, non ! « J'crois... J'crois qu'faut j'ter un coup d’œil à la bistouquette d'Sean, la nouvelle ! Y'a un truc qui cloche ! » affirme-t-elle à la chirurgienne fraîchement débarquée. S'il faut amputer, mieux vaut que ce soit le plus tôt possible ! C'est à peu près à cet instant que Zelda remarque Quinn et Jackie, un peu à l'écart, dans la zone réservée au cas les plus graves. La blessée semble réveillée et les spasmes qui agitent son corps lui font comprendre qu'elle est probablement en train de pleurer. Mais aussi qu'il ne vaut mieux pas aller la rabrouer pour l'instant. « T'aurais pas un truc pour faire rire Quinn, en fait ? » Il doit bien y avoir de quoi redonner le moral aux dépressifs dans ce dispensaire, non ?  

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Il y eut une entente sur le discours à tenir, puis Phelbs leur donna rendez-vous un peu plus tard. Le temps pour chacun de souffler un peu, de prendre une douche. C’était ce que le généticien s’était apprêté à faire mais il bifurqua vers le dispensaire pour prendre des nouvelles de Quinn et de Vaughn. Il n’eut pas le temps de la voir, mais il l’entendit. Les sanglots profonds, empreints d’une douleur terrible. Il la vit brièvement, en soulevant le rideau que Jackie avait tiré pour lui offrir un peu d’intimité. Il hésita, à s’avancer et venir près d’elle. Ce fut Jacqueline qui le vit en premier, d’un signe de tête elle lui fit comprendre que non, Vaughn était mort avant qu’elle ne puisse le voir. L’autrichien s’était alors avancé, avant de prendre la main de Quinn, celle qui serrait si fort les doigts de la chirurgienne. Le généticien se tenait droit, le visage indéchiffrable, pourtant quand elle croisa son regard, elle pouvait y lire le chagrin, la douleur qu’il ressentait. Mais il ne pouvait pas flancher maintenant, il ne laissa que son regard s’adresser à elle dans un langage qu’elle comprenait. Elle s’accrocha alors à lui, pour pleurer de plus belle. De sa main libre il lui caressa les cheveux, remettant en place quelques mèches mouillées de larmes. Il resta là un moment, solide et droit. Et avant de sentir son cœur flancher à nouveau, le généticien se libéra d’elle. « Je reviens près de toi dès que ce sera terminé. » Dit-il, dans un murmure. Il se penche alors, embrasse sa tempe délicatement, et dans cette démarche aussi raide, quitta le dispensaire pour prendre cette douche dont il avait besoin pour éclaircir ses idées. Ce n’était pas encore tout à fait terminé.

Quand June prit la parole devant tout le monde, le généticien était là, non loin de la rousse et de Stanley. Il écouta son discours et adopta une attitude sincère d’humilité. S’ils étaient tous là, se remettant difficilement du sédatif, et attaché, c’était parce qu’ils avaient été trop optimistes l’été dernier. Ce fol espoir d’avoir trouvé la solution à leur problème les amené à ce jour. Ils en payaient tous les pots cassés. A la mention de Lawrence et de ses expériences sur Vaughn et Sacha, son regard s’assombrit, ayant tout récemment appris que les deux volontaires n’en étaient pas réellement. Une rancune dont il ne pouvait plus rien désormais. Il n’y avait plus qu’à espérer que chacun d’entre eux ici présent écouteraient, vraiment, ce qu’ils avaient à leur dire.

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