En dépit du scepticisme – somme tout légitime – de Maeve, les premiers volontaires se manifestèrent. La rouquine était certaine, au cynisme de l’horticultrice, que toutes les deux auraient une discussion privée sur le sujet en temps voulu. Pour l’instant, June tenait son rôle et les précisions de Friedrich étaient les bienvenues. Lorsqu’Adam toutefois choisit d’attaquer en public, elle ne se débina pas et soutint froidement son regard. C’était peut-être plus facile pour elle finalement qu’il porte l’estocade ici et pas plus tard, à huis clos dans son bureau.

- Zelda…, souffla-t-elle à mi-voix, interceptée par les frasques de l’adolescente, tu en as assez fait ce soir. Je te suggère de rester dans un coin et de ne pas bouger, ta note est suffisamment salée.

Et la concernée n’allait pas aimer le passage à la caisse. Bien, la quarantenaire put revenir à l’essentiel : la diatribe de l’ancien professeur.

- J’accepte entièrement ma part de responsabilité, Adam, mais aussi… polyvalente que j’estime être, je ne suis ni bactériologiste, ni épidémiologiste. C’est la raison pour laquelle je demande l’avis à des spécialistes, de la même manière que je ne me permettrais pas de remettre en question votre façon de chasser le sanglier, un sourire connivence ourla ensuite ses lèvres, je reconnais maintenant que c’était une erreur de maintenir Lawrence en poste, en dépit de son talent, après avoir découvert des preuves évidentes de son instabilité émotionnelle, elle écarta brièvement les mains pour illustrer la suite de ses propos, et si jamais vous devenez hors de contrôle et tuez toute votre équipe en chasse, je serai responsable de la même manière. D’ailleurs, sachant que vous me menaciez avec une arme il y a seulement quelques heures, la prudence voudrait sans doute que vous soyez démis de vos fonctions dès maintenant, car personne ne voudrait d’un autre « accident », n’est-ce pas ? Ou bien comme pour Lawrence, je tolère la nature exceptionnelle de ce moment d’égarement, certainement causé par un stress tout à faire compréhensible.

L’avocate n’avait pas tremblé pendant toute sa répartie. Elle était restée calme, neutre, mesurée. Ça avait été son métier autrefois, d’argumenter devant les jurés, alors elle était dans son élément.

- Nous en reparlerons plus tard si vous préférez, ah, et elle en oubliait la référence à Hitler, et une fois encore, vous n’êtes pas forcé d’accepter le sérum.

Spoiler:

Attentive aux réactions de ses partenaires alités, Maeve est plus surprise par les discours allant dans le sens de cette nouvelle proposition que par la réaction – beaucoup plus virulente – d'Adam. Levant les yeux au ciel quant à la dernière frasque de Zelda, elle se demande si cette gamine sera capable de grandir un jour, au moins le temps d'une nuit. Heureusement, cette dernière n'est ni de ses préoccupations premières, ni de sa responsabilité, et c'est sur la réponse de June qui se fixe rapidement son attention, son regard allant de l'avocate au professeur, suivant cette petite joute verbale et ce ''règlement de compte à OK corral'' de manière plutôt...dubitative. Menacée d'une arme ? Vraiment ? Les choses partaient à ce point dans tous les sens au sein de leur camp ?

Ce n'était pourtant pas le fond du problème, pas présentement en tout cas, pas pour elle, ni pour eux. La question restait pour la doc de savoir si elle allait se faire injecter le sérum ou non et bien que son esprit penchait dans la balance du côté du pour, elle restait convaincue que prendre une décision aussi primordiale dans son état ne donnerait rien de bon. Il lui fallait du sommeil, un vrai sommeil réparateur et non pollué par une quelconque drogue, réfléchir posément à tout ça et revenir avec une réponse ensuite, si possible avec de plus amples informations quant à la nature exacte de ce nouveau miracle liquide.
Et il restait un point encore non abordé et qu'elle préférait voir éclairci afin de se donner toutes les perspectives possibles avant d'offrir une réponse. « Et qu'est-ce qui se passera concrètement, pour ceux qui refusent ladite injection du sérum ? » Loin d'avouer par cette question un refus catégorique, elle imaginait mal que ceux optant pour un non continuerait de vivre leur vie comme avant, pas après cette nuit, ni avec le risque d'autres attaques. Alors quoi ? Les garder ici, en observation, attachés ? Quelle autre solution avaient-ils, quelle échappatoire à cette prise de risques ?

Posant à nouveau son regard sur Friedrich, elle expire un bon coup, de fatigue, de lassitude aussi très certainement. « J'ai confiance en toi et même si je ne sais pas encore quoi faire... » Bon sang elle n'était clairement pas en état pour ce genre de choses. « Les autres n'accepteront jamais de nous laisser vivre parmi eux s'ils savent qu'on a refusé un nouveau traitement. Même moi, si je suis parfaitement honnête, je ne serais pas rassurée de savoir l'un de nous capable de faire une nouvelle crise sans pouvoir prédire où et quand, moi y compris. Je sais que le sérum ne garantit pas cette sécurité un peu illusoire après ce qu'on vient de vivre mais... à bien y réfléchir... entre le pire et le moindre mal....est-ce qu'on a vraiment le choix ? »

Bien sûr elle parlait davantage pour sa propre personne, car c'était ainsi qu'elle analysait le sérum à l'instant T. Le moindre mal.

Spoiler:

Ivy écouta le discours de June jusqu'au bout. Elle se mordilla la lèvre, pensive. Petit à petit, elle se rendait compte de l'ampleur de ce qu'il s'était passé. Ce vaccin, ses effets secondaires, ce fameux sérum sur lequel ils n'avaient quasiment aucun recul, le groupe s'était mis dans un sacré merdier. La jeune médecin découvrait aussi toutes les capacités qu'ils avaient : le laboratoire, les recherches scientifiques... Elle n'avait jamais croisé un groupe aussi évolué par le passé. Ses doigts pianotaient nerveusement sur ses bras croisés tandis que des échanges se poursuivaient sous ses yeux. Elle ne parlait pas, observait. Que pourrait-elle dire, elle qui venait à peine de les rejoindre, elle qui n'avait jamais travaillé sur ce fameux vaccin et qui ne connaissait quasiment personne ici ? Ce dont elle était sûre c'est qu'ils avançaient tous en terrain glissant et qu'elle serait là si besoin. Elle écouta également les réponses de Friedrich. Ivy sentait bien qu'ils tentaient au maximum d'être transparents et c'était probablement la meilleure chose à faire. Au moins, les immunisés pensaient avoir le choix, même si en réalité, les choix étaient restreints.

Quelques échanges se déroulèrent entre June et Adam. Ivy fut impressionnée par le sang-froid et le calme avec lequel leur responsable lui répondit. Pourtant, elle tiqua légèrement aux paroles de l'homme. Où était la priorité ? Savoir qui tenir responsable de tout ce bazar ou trouver une solution ? Elle ne put s'empêcher de prendre la parole. "De toute manière, savoir qui est le responsable ne changera rien à ce qui s'est passé. Ce n'est pas la priorité, là tout de suite." affirma la brunette. Accuser quelqu'un pouvait surement lui faire du bien là mais ça ne résoudrait en rien la situation actuelle. Au contraire, ça ne rajouterait que des doutes et des interrogations là où, pour le moment, il n'y avait pas besoin. La situation était suffisamment confuse comme ça. Son regard se posa sur Maeve qui venait de toucher un des points les plus sensibles de leur discussion. Que se passerait-il pour les immunisés qui refusaient le sérum ? La réponse, il était probable qu'ils la connaissent déjà tous. De son point de vue de médecin, elle était claire en tout cas.

Ce fut alors que Zelda tenta un coup d'état. Ivy leva les yeux au ciel. Elle n'avait donc aucune limite ? A croire que cette situation était amusante pour elle. Ivy se rapprocha d'elle : "J'ai encore accès aux seringues de sédatif et je t'assure que j'en ferai usage si tu ne te tiens pas tranquille." lui lança-t-elle à voix basse. Oh non, elle n'hésiterait pas à l'endormir pour être sûre qu'ils aient tous la paix et que l'adolescente ne tente de blesser quelqu'un d'autre à nouveau. Elle pouvait également l'attacher dans un coin, ils avaient encore quelques liens pour cela. Une personne de plus ou de moins dans un lit, ça ne faisait pas une grande différence.

   

Spoiler:

Le généticien fronça brièvement les sourcils en entendant Zelda s’exprimer avant de décider que ça n’en valait pas vraiment la peine. Les paroles du chasseur par contre, le piquaient un peu plus au vif. Pourtant c’est posément qu’il répondit à Adam, mais surtout à l’ensemble d’entre eux.  « Nous travaillons sur cette formule depuis un moment déjà. Je comprends que la confiance n’est pas acquise, mais nous ne jouons pas aux apprentis chimistes avec vous. Nous essayons réellement de rattraper les choses. » Bientôt Adam risquait de les accuser d’avoir prémédité cette terrible nuit qu’ils avaient passé pour les besoins de la science. Mais quand il entendit la suite de ses propos, il comprit également qu’il y avait plus en jeu qu’une histoire de vaccins défaillants et d’effets secondaires néfastes. Aussi prit-il le pli de se taire alors que le chasseur remettait en cause la place même de Phelbs au sein même du Fort.

La rousse prit la parole et s’assura de se faire comprendre d’Adam. Le généticien ne savait pas trop ce que le chasseur cherchait à faire exactement mais la jeune Ivy avait raison ; l’heure n’était pas vraiment de s’occuper de la responsabilité de cette affaire, ils la portaient tous et l’assumaient, que ce soit lui, le labo ou Phelbs. La priorité était de déterminer et de comprendre les options qui se présentaient à eux. Aussi, le généticien rebondit sur la question que Maeve lui posa. « Des mesures devront être prises pour assurer la sécurité de chacun, de fait. Mais cela vaudra également pour les personnes qui prendront le traitement. » Dit-il, honnêtement. « Ceux qui accepteront le sérumdevront être suivis, afin que l’on puisse s’assurer de son bon fonctionnement  et pallier à d’éventuelles surprises. Ce qu’il s’est passé la nuit dernière ne doit pas se reproduire. » Puis il aborda la question qui les intéressait réellement. « Ceux qui préféreront attendre de juger de l’efficacité du sérum devront être surveillés et isolés du reste de la population. Les crises de violences dont vous souffrez sont des faits avérés et mettent en danger toute la population de Fort Ward. Nous avons largement dépassé le stade de l’espoir que ces crises s’arrêtent un jour, elles sont au contraire de plus en plus nombreuses et de plus en plus violentes. Des mesures de confinements seront dès lors, mises en place. » Annonca-t-il, non sans un coup d’œil vers Stanley et June.

Spoiler:

Si j'pouvais m'croiser les bras pour me fermer à la situation, j'le ferais. L'avocate était juste trop intelligente pour moi et ça m'fais royalement chier. Genre "gna gna gna j'ai toujours deux coups d'avances sur vous". Pff... J'tourne mon regard en signe de soumission, elle a gagné ce round, et j'suis certain qu'on aurait cette conversation plus tard. Elle m'fera sûrement payer mon affront devant tout l'monde, et j'm'en fou un peu pour la peine. Toute façon, après aujourd'hui, plus jamais rien sera comme avant.

Maeve pose la question magique qui m'parait la plus intelligente dans les circonstances, et même si Friedrich tente de départager s'qu'y arrivera aux deux groupes de personnes, en réalité, il s'agit à peu près de la même chose. On sera plus libre, on sera surveillé en permanence, pour nous protéger, mais surtout pour protéger les autres de nous. J'essaie d'réfléchir, mais mon cerveau est embrouillé un peu, par toute cette adrénaline sûrement, mais aussi par cette rage intérieure que j'ai du mal à contenir. J'suis fâché contre la planète en entier, j'crois...

"Ok..." Que j'dis sûrement à la surprise générale. "Le sérum c'est sûrement la possibilité la moins pire... Soit ça s'améliore, soit on crève... mais si on l'prend pas... On sera comme des loups-garous toute notre vie. Craint par tout le monde... Même les gens qu'on aime." Mes yeux s'posent sur la blonde quand j'dis ça. Au fond, elle est la seule raison d'mon abandon à tout ça. Si j'prends pas l'risque, elle pourra plus jamais dormir à mes côtés, ou même passer une soirée avec moi... Qui sait si j'vais pas m'réveiller dans un bain de sang avec son corps dévoré jusqu'aux os. Si c'était pas d'elle, j'ferais juste partir et vivre seul... J'serais un risque pour personne.

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Après la dispute avec Casey, je finis par m’assoupir un peu, rongée par la fatigue. Quelques heures plus tard, je suis tirée de mon sommeil par plusieurs voix. J’ouvre difficilement les yeux, toujours un peu désorientée. Je remarque la présence de Madame Phelbs, du professeur Eden et de Stanley. Il me faut un peu de temps pour émerger et pour comprendre ce qu’il se passe.

Une fois attentive, j’écoute finalement le discours de June, puis les explications du professeur Eden concernant le sérum. Ils nous annoncent que la formule sur laquelle ils travaillaient depuis quelques temps serait au point. Et ils proposent à ceux qui le souhaitent de le recevoir. Une voix s’élève alors. Je reconnais la voix de Casey. Volontaire ? Elle ? Je tourne machinalement la tête dans sa direction, les sourcils froncés. Elle se fout vraiment du monde non ? Qu’importe, je ne m’en formalise pas, trop fatiguée pour débattre une fois encore de tout ça. Entre mon mal de crâne et les nausées, je ne suis vraiment pas en état pour une nouvelle confrontation avec ma sœur.

D’autres membres de Ford Ward se manifestent. Plusieurs d’entre eux se portant également volontaire. Friedrich reprend également la parole, donnant de nouvelles précisions sur l’accompagnement de ceux qui accepteront le sérum. Je l’écoute avec attention avant de souffler non sans difficulté. « J’accepte aussi. » Pas un mot de plus, je ne suis pas en mesure de parler davantage. Néanmoins, je croise les yeux de l’avocate pour lui accorder un regard confiant. Une fois encore, il pourra compter sur moi. Et si, d’après le généticien, l’efficacité du sérum se révèle être à la hauteur de ses attentes, je serai enfin débarrassée de tous ces effets secondaires terriblement handicapants et dangereux pour mes proches…

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