Hayley a vu le jour le 5 mai 1990 à Seattle. Elle est la deuxième fille du couple Rhodes. Petite tête blonde qui fait déjà la joie de ce père et de cette mère. Une petite fille qui prendra une place importante au sein de la famille au détriment de l’aînée, Blake. Hayley était un bébé assez calme, mais très souvent, les bébés calment se révèlent être des petites terreurs en grandissant et Hayley n’a pas été épargnée par ce précepte. Probablement qu’on se fait à tort des généralités, mais Hayley s’est montrée déjà très jeune très capricieuse. Toujours à attirer l’attention sur elle et le pire, c’est que cela fonctionnait très bien. Ses parents cédaient au moindre de ses caprices. Et la gamine, n’avait plus qu’à taper du pied pour avoir tout ce qu’elle voulait. Un peu trop envahissante, un peu trop gâtée, elle menait son petit monde à la baguette au grand dam de Blake. Sa sœur n’était pas mise de côté, bien au contraire, mais ses parents étaient beaucoup plus durs avec elle qu’avec Hayley. Hayley était élevée comme une petite princesse, la petite dernière chouchoutée à outrance. Ce n’était pas pour déplaire à la tête blonde à qui on apportait tout sur un plateau en argent. Contrairement à l’aînée, Hayley était pas facile à vivre et elle passait le plus clair de son temps à chouiner qu’autre chose. Elle savait comment rouler ses parents dans la farine et le pire, c’est que cela fonctionnait à merveille. Ça ne l’aiderait pas pour son avenir, c’était une certitude !

A cinq ans, la gosse avait déjà la langue bien pendue et agaçait tout son entourage, que ce soit l’entourage familial, celui des camarades de classe, elle passait son temps à bavarder. Une vraie pipelette et ce depuis son jeune âge. Elle n’avait pas été plus précoce qu’un enfant de son âge, mais c’était une façon comme une autre de se faire remarquer. Une vraie comédienne aussi, si on en croit ses professeurs qui avaient remarqué son manège. Pourtant, quand on la regardait, on lui aurait donné le bon Dieu sans confessions. Une vraie poupée dans ses petites robes roses bonbon, une couleur qu’elle affectionnera longtemps. Toujours tirée par quatre épingles, toujours coquette, il faut dire que les Rhodes mettaient le paquet pour satisfaire aux caprices de la gamine. Déjà très jeune, elle avait son petit caractère et savait précisément ce qu’elle voulait. Elle n’était pas aussi terrible qu’il n’y paraissait car, en public, elle savait y faire. Petite fille modèle, alors qu’en vérité, elle était la terreur des bacs à sable !

On pourrait penser que les deux filles soient proches, soient complices. Cinq ans d’écart, ce n’est pas rien. Hayley se désintéressait totalement de sa sœur, parce qu’elle en avait fait autant. Pourtant, elles ne manquaient jamais un anniversaire. Les relations étaient de l’ordre du minima social, rien de plus, ni de moins. Hayley ne s’était jamais confiée à elle et n’éprouvait pas le besoin de le faire. Jamais elle n’avait été demandé de conseils en ce qui concerne les garçons, parce que Blake, n’avait pas les mêmes centres d’intérêts. Totalement différentes pour le coup et pourtant, la ressemblance était frappante. Hayley ne souffrait pas de cette situation, tant que ses parents la dévoraient des yeux avec amour, le reste lui était égal. Elle avait des résultats scolaires assez bons et fournissait le peu d’efforts. Elle avait un certain potentiel non négligeable et elle faisait comme sa sœur, la fierté des parents. Elle n’aspirait pas à mener une vie de princesse, ni même épouser un milliardaire. Alors oui, elle était plus superficielle que naturelle, plus extravagante que sa sœur, plus précieuse qu’un diamant lui-même, mais elle était dévouée à certaines causes. Comme elle aimait les produits de beauté, elle s’était lancée en tête de bosser dans le Marketing en visant l’industrie cosmétique Body America. Une ligne bio de produits de beauté exclusivement féminins. Bien sûr, elle vivait comme les jeunes de son âge, en profitant de la vie. Elle fumait, elle buvait et cela détonnait grandement avec la cause dans laquelle elle s’était lancée. Paradoxe étonnant et pourtant, elle s’engagea dans ses études soutenue par sa famille.

Hayley était déterminée à réussir dans la vie et surtout, elle avait un objectif tout tracé. Elle voulait faire quelque chose qui lui plairait et même si elle avait tendance à parfois s’habiller de façon provocante dans ses petites robes ou mini-jupes, elle n’était pas une Marie couche-toi là. Elle perdit même très tard sa virginité, à l’âge de 21 ans. Certaines filles de son entourage amical avaient déjà sauté le pas depuis longtemps. De cette relation, il n’y a rien de bon qui est resté. Ce gars s’est foutu d’elle à un point qu’elle a gardé un mauvais souvenir de leur relation. Une relation d’une année où Hayley lui avait tout donné. Un sombre connard qui s’est révélé par la suite. Au diable les bonnes manières dignes d’un prince charmant, au diable les sourires hypocrites. Elle avait été détruite le jour où elle l’avait retrouvé au pieu avec sa prétendue meilleure amie. De cette histoire, il ne reste plus rien. Un vague souvenir qui ne lui fait plus mal, mais qui fait bouillir son sang dans les veines. Jamais elle n’avait raconté cette histoire. Ni même à Blake. Ce n’est pas faute de ne pas avoir essayé, mais elle se sentait stupide et puis, que pouvait-elle lui dire ? Pensait-elle, elle aussi qu’elle était du genre à écarter aussi facilement les cuisses que les rumeurs le disaient ? Des rumeurs infondées qui étaient dénuées de vérité, qui avaient touché de plein fouet la jeune Hayley. Elle ne s’était jamais révoltée, elle avait accusé le coup. Que pouvait-elle faire contre la connerie des gens ? Rien, donc autant les laisser parler.

A vingt-trois ans, elle décrocha un stage à Body America dans le but de devenir assistante Marketing. C’était quelque chose qui lui tenait à cœur. Elle avait tout misé sur son entretien, un entretien qu’elle avait mené du début à la fin, convaincant ainsi ses futurs collaborateurs. Ils avaient vu en elle, un début de carrière florissant. Un petit bout de femme prêt à percer dans le milieu et Hayley avait cette détermination dans les yeux et elle ferait tout pour obtenir ce qu’elle convoitait. Elle gravirait les échelons, elle en était capable... Dans deux ans, elle décrocherait son examen et elle avait hâte de pouvoir découvrir l’envers du décor. Et hâte de pouvoir mettre ses idées à profit. Deux ans c’est vite passé, c’est ce qu’elle avait pensé dès qu’elle signa l’accord avec l’entreprise. Deux années où elle se découvrit une réelle passion pour la cosmétique, avant que tout ceci ne parte en fumée. Avant que le monde part en couilles.

Le passé ne comptait plus. Seul compterait à présent, la survie...

Automne 2015 - CenturyLinks Field - Seattle

Le chaos. Un fléau qui s’abat sur la ville sans qu’on ne puisse dire « ouf ». Le monde part en couilles et c’est le cas de le dire. Quelques jours, quelques semaines, à force de compter les jours, les nuits qui défilaient, Hayley en avait perdu la notion du temps. Elle ne savait plus, elle avait du mal à se rappeler de comment c’était avant. Elles s’étaient retrouvées au stade de football américain et de soccer situé à Seattle. Blake et Hayley. Les deux seules rescapées pour moment des membres de leur famille. Les doigts de Blake serraient les siens, comme si rien ne pouvait séparer les frangines. Petite brindille qui tremble, elle était comme ça, Hayley. Peur panique dans les yeux alors que sa sœur l’intimait de rester positive. Il y avait de l’espoir, tout n’était pas perdu. Hayley voulait y croire, penser que tout ça n’était qu’un remake de film d’horreur et que dans quelques jours, ce ne serait qu’un mauvais souvenir. Elle était restée muette face à cette désolation, limite devenue un pantin alors que sa seule force résidait dans l’espoir de revoir ses parents. Elle suivait silencieusement sa sœur afin qu’elles puissent être fouillées au poste de contrôle. On leur confia de quoi tenir pour la nuit et de quoi boire. Strict minimum. Ce fut étrange pour Hayley de se contenter que de ça, alors qu’elle avait pour habitude d’avoir plus que les autres, plus que sa sœur aussi. Mais cette fois, elle ne protesta pas, elle n’en avait plus le courage. Elles trouvèrent refuge au niveau des gradins et cette nuit, signerait le début de leur cauchemar.

On ne s’habitue jamais à ça. C’est pas possible de se préparer à cette épidémie, ni même à ce qui grouille derrière les murs. Rien ne l’avait préparé à cette horreur. Elle s’était dit à plusieurs reprises qu’une fois réveillée, tout reviendrait à la normale et pourtant, plus les jours passaient plus le pire restait à venir. La cadette avait peur pour sa vie, pour celle de sa sœur aussi. L’espoir fait vivre, c’est un adage important dans ce genre de situation et pourtant, même s’il perdurait, elle s’était préparée à ne plus jamais revoir ses parents. Elle épiait les arrivées, elle observait chacune de ces personnes qui les entouraient dans la perspective de retrouver les deux visages familiers, mais jamais ils n’étaient apparus. Qu’était-il advenu de leurs parents ? Chaque jour, elle le demandait à Blake et chaque fois, elle lui répondit de rester confiante. Tôt ou tard, ils les rejoindraient. Forme de déni, une façon de se préparer à l’éventualité qu’elles demeureront seules à jamais. Il était probable qu’elles se voilaient la face, mais qui pouvait les blâmer ? La jeune femme n’était pas habituée à la vie en communauté, pas habituée surtout de se salir les mains. Au début réticente à l’idée de mettre la main à la pâte, car la petite princesse n’était pas du tout habituée à ça. Même pour les tâches ménagères, elle se dérobait dès qu’elle le pouvait, mais ici, il était difficile de sortir des prétextes. Avec sa sœur sur le dos, elle n’avait pas eu d’autre choix que de participer comme tous les autres. Au départ, elle était du genre à faire le minimum alors qu’elle s’occupait de faire la causette. Et quand elle ne faisait pas chier sa frangine, elle allait emmerder les autres. Le problème, c’est qu’elle était fréquemment devant des portes de prison, alors que l’objectif de Hayley, c’était de leur offrir un sourire. Elle ne se formalisait pas pour ça en tout cas car, elle conservait sa joie de vivre. Puisque personne ne semblait apprécier son caractère, ni même ses manières, elle avait trouvé refuge auprès des gosses. Des enfants pour lesquels elle faisait tout pour les rassurer, les réconforter du mieux qu’elle le pouvait.

Au fil des semaines, Hayley avait perdu espoir de revoir ses parents et avait finit par se faire à l’idée que désormais, elle ne le reverrait plus jamais. Elle avait même finit par se résigner à harceler Blake de questions. De son côté l’aînée n’avait pas plus de réponses à lui apporter. Elles étaient dans le même bateau et il était important de garder en tête que seule la survie importait. Cet endroit était le refuge pour les âmes égarées, un refuge où il régnait un semblant d’espérance. Une sorte de paradis artificiel où chacun y trouvait son compte. Il fallait faire face aussi à l’hiver qui arrivait et il serait d’autant plus rude. Des conditions extrêmes. Des malades, les plus faibles, les plus vulnérables. La maladie décimait tout sur son passage en épargnant les plus résistants. Pourtant l’horreur de ce matin du 10 janvier 2015 marqua l’esprit de la jeune Hayley. Réveillée en trombe par des cris, par la stupeur de Blake. En bas des gradins, elles assistèrent impuissantes à des dizaines de massacres. Le cœur de la blonde manqua de trépasser. Elle était à deux doigts de flancher. A deux doigts de se laisser aller à l’hystérie la plus totale. « On va mourir ! » avait-elle réussit à articuler alors que sa frangine l’attrapa par la main. Ce qu’elle appréciait chez sa sœur, c’était son sens de l’honneur, son courage aussi. Elle n’avait pas peur ou tout du moins, elle ne lui montrait pas. Forte à l’extérieur, mais probablement apeurée en son sein et pourtant, aux yeux de Hayley, elle était exemplaire. Une vraie tête de leader. Elle réagissait avec assurance, sang-froid. Hayley quant à elle, pleurait. Elle courait au rythme des pas de sa sœur alors que les larmes fouettaient son visage. La peur était omniprésente. Blake se munit d’armes alors qu’elle glissa un couteau militaire dans la main de Hayley. Perdue, un peu déboussolée alors qu’elle n’avait jamais tenu une arme, ni même ne savait se servir d’un tel engin. Aucune des deux n’étaient préparées à cela, mais chez Blake, c’était comme inné, comme si elle était faite pour ça. Le plus difficile, ce fut de sortir d’ici, alors que la mort n’était pas loin, toujours plus proche. « Ne me laisse pas devenir comme ces choses, Blake ! » Voix chevrotante alors qu’elles tentèrent toutes deux de se dégager de là et de trouver un véhicule afin de quitter au plus vite ces horreurs.

Installées dans l’un des véhicules militaires, Hayley s’effondra. Elle se bouchait de ses deux mains les oreilles afin de ne plus entendre ces cris. Des cris qui lui déchiraient le ventre. Le nombre de survivants était moindre et elles n’avaient pas pu faire grand chose si ce n’est survivre. Personne n’est préparé à ça, personne et pourtant, il était temps pour les Rhodes de se préparer à toute éventualité car, le cauchemar ne faisait que commencer...  

Hiver 2017 - Maple Groves / Evergreen Ridge

Deux ans. Deux ans qu’ils survivaient tous du mieux qu’ils pouvaient. Deux ans à rester à l’affût du moindre bruit suspect. Un groupe s’était formé parmi les quelques rares rescapés. Ils étaient indemnes, mais ils ne seraient plus jamais les mêmes. Dehors le danger était tel que personne n’était tenté de sortir et pourtant, quelques groupes se mirent en avant afin de récolter quelques victuailles, des produits nécessaires. Des choses importantes à la survie. Hayley restait proche de sa sœur, ne souhaitant pas la perdre de vue. Il ne lui restait qu’elle et elle n’accepterait pas de la perdre elle aussi. Cet épisode au stade avait rapproché les deux frangines. Même si elles n’avaient plus vraiment parlé de ce qu’il s’était passé, ni même n’avaient évoqué les parents. Ils ne vivaient plus, ils survivaient. La vie qu’elle avait mené jusque-là lui semblait bien ridicule à côté de ce qu’elle vivait maintenant. A l’écoute des besoins de l’aînée, Hayley la secondait alors qu’elle se prenait au jeu. Être aux petits soins pour ceux qui en avait le plus besoin lui semblait primordial. Elle avait l’intime impression d’être quelqu’un d’important au sein du groupe. Dévouée au bien-être de chacun, elle apportait un petit quelque chose. Garder la tête froide pour ne pas penser au pire. Et quand Blake n’avait plus besoin de son aide, elle allait volontiers surveiller les gamins. Cela lui faisait du bien aussi de voir la vie de cette façon, de trouver un autre sens à sa vie aussi. Ici, ils cherchaient à se rassurer qu’ils étaient en sécurité.

Hayley ne restait jamais loin de sa sœur et c’était un fait. Pourtant, cela ne l’empêchait pas de se lier à d‘autres survivants. Chacun à sa façon tentait de se reconstruire. Ce n’était pas facile tous les jours, ce n’était pas une véritable partie de plaisir, mais au moins, ils étaient encore en vie. Certains militaires enseignaient aux volontaires les rudiments à la survie et de loin, Hayley les observait. Elle ne voulait pas prendre part à ça, ni même tuer. Elle n’en était pas capable. Elle avait gardé le couteau accroché à sa cheville certaine qu’un jour elle devrait s’en servir, mais le plus tard serait le mieux. Elle entendait cependant les recommandations du militaire, la façon qu’il fallait tenir son arme afin de l’enfoncer dans la cervelle. Elle retenait tout ce qu’elle pouvait pour le jour où elle devrait se servir du couteau. Puis l’espoir est revenu dans le cœur de la jeune femme alors que le chef du groupe allait accueillir avec sa femme, un bébé. Cette nouvelle avait enchanté la jeune femme. Son cœur s’était remplit de joie. Un jour, peut-être qu’elle connaîtra aussi les joies de la maternité, même si ce n’était pas à l’ordre du jour. Personne ne l’intéressait, enfin, ce n’était pas vraiment cela le problème, le problème était qu’elle se trouvait repoussante depuis l’épidémie. La belle n’était plus à son avantage et le peu d’hommes qui la considéraient, en avait fait une amie. Simplement une amie avec qui, ils pouvaient plaisanter. Elle n’avait jamais éprouvé le besoin de s’attacher jusqu’à présent. Blake ne serait pas toujours là et la simple idée d’y penser, la culpabilise. Il lui arrivait même de penser qu’elle était un réel fardeau pour le groupe, pour sa sœur.

Le coup dur fut de découvrir que le leader du groupe qu’ils formaient leur confia son souhait de partir avec le bébé sous le bras pour tenter de survivre. Personne ne s’était attendu à ce genre de nouvelle et encore moins, Hayley. Elle était en colère, désorientée aussi. Comment pouvaient-ils croire qu’ils s’en sortiraient mieux à trois ? Le groupe était soudé et il était même prêt à se défendre et puis un bébé, ça peut attirer l’attention des rôdeurs. Cependant, comme presque tous, Hayley accusa le coup. Que pouvait-elle faire ? Ils étaient inconscients et déjà, elle pleurait toutes les larmes de son corps à l’idée que ce bébé ne puisse pas grandir, ni même profiter de la vie. Pourtant, la vie du groupe ne s’arrêtait pas là et il fallait continuer à avancer coûte que coûte. Un autre chef prit le lead du groupe. Les rations commencèrent à s’amoindrir et il était même envisagé qu’ils devaient partir pour trouver refuge ailleurs. Hayley n’était pas convaincue qu’il faille prendre la route, vu le danger qui les guettait, mais elle prit son courage à deux mains pour partir en expédition. Jamais trop loin de Blake et de Logan avec qui elle avait sympathisé. Alors non, entre eux ce n’était pas une relation fusionnelle, ni même une relation sexuelle. Ils étaient potes et même si la blondinette pouvait se montrer agaçante, elle avait réussit à en faire un allié. Elle avait même parfois taquiné sa sœur sur le fait qu’ils iraient bien ensemble, mais c’était taquin et quelque part, c’était comme retrouver un semblant de normalité dans cette sombre désolation.

Evergreen. Un lieu qui leur permirent de tenir encore un peu dans cette lutte à la survie. Dures épreuves de la vie, destin qui se joue d’eux, tous les moyens étaient bons pour trouver un refuge convenable. La pression était moins intense et tout semblait aller pour le mieux. Hayley partagea une maison avec Logan, Blake et quelques autres survivants. Elle avait une chambre rien que pour elle. Un peu d’intimité qu’elle avait tellement réclamée et pourtant, la première nuit, elle l’avait passée aux côtés de sa sœur. L’épée de Damoclès était toujours au-dessus de sa tête et la perceptive d’être éloignée de son aînée la torturait un peu plus. Comment s’en sortirait sans elle ? Blake était tout pour elle. Son pilier, sa bouée, son héroïne. Difficile à dire, mais même si lors de leur enfance, elles n’avaient jamais été aussi proches, c’est comme si là, elles l’avaient toujours été. Cette nuit-là, pour la première fois depuis des mois, elle dormit avec sérénité. La vie à Evergreen n’était pas différente, mais elle leur donnait à tous, un peu de répit. Chacun y trouvait son compte et surtout, certains rapprochements commencèrent. Surtout celui entre Logan et Blake. Hayley l’avait prédit et elle était même flattée que Blake puisse se confier à elle. Alors elle s’effaça pour leur laisser profiter de cet amour naissant, sans chercher à être envahissante. Hayley l’était, mais pas pour de mauvaises raisons. Seule, elle ne serait pas capable, pas autant qu’en était capable sa frangine, mais au moins, elle pouvait lui laisser savourer cette plénitude, elle le méritait tellement.

Quelques mois après leur arrivée, ils durent affronter une fois de plus un drame. Un soir, début de la nuit, une maison prit feu. Incendie accidentel qui ne pouvait être maîtrisé. Hayley se réveilla en sursaut, la gueule enfarinée alors que ça commençait à s’agiter de part et d’autre dans la baraque. Elle se hâta d’enfiler ses vêtements et ramassa son sac à dos. « Fais chier, merde ! » Ils allaient devoir fuir encore une fois de plus. Pourquoi ? La vie lui semblait vraiment chienne tout à coup, à croire qu’ils n’avaient plus le droit au bonheur ! Elle appela sa sœur, Logan aussi. Elle ne savait que faire. Elle avait peur, et la terreur se lisait dans ses yeux. Blême, elle aperçut sa sœur. Un mince sourire à son encontre alors qu’elle tenta de contenir ses larmes. Il fallait évacuer les lieux. Trop dangereux pour rester ici. Elle en avait assez de courir sur les routes, assez de tout quitter. Décidément, ça ne s’arrêtera jamais. Blake était chargée d’escorter tout le monde jusqu’aux voitures et alors que Logan grimpait déjà dans l’une d’elles, Blake attrapa en coupe le visage de sa sœur. La cadette de son côté n’était pas prête à ça, elle n’était pas prête d’entendre ces mots. Elle plongea dans les yeux de sa sœur et ses lèvres se mirent à trembler. Elle déglutit en silence. « Je te le promets, Blake ! Reviens-moi... » alors qu’elle enlaça sa sœur tout contre elle. Le temps était compté pour tous. C’en était déchirant, son cœur ne s’en remettrait pas, elle en était convaincue. « Je t’aime ! » alors que sa sœur se mit déjà à courir à l’opposé. Jamais elle ne lui avait dit qu’elle l’aimait et probablement qu’elle n’avait rien entendu. Elle espérait sincèrement qu’elle lui reviendrait. Elle n’avait pas le droit de les laisser seuls Logan et elle. Hayley grimpa en voiture alors que Logan appuya déjà sur l’accélérateur. Elle pleura en silence, longuement. La douleur était palpable, elle avait mal, terriblement mal. Elle était comme ça, Blake, héroïne dans l’âme, c’était tout à son honneur. Nerveusement, la cadette fouilla dans son sac à dos. Elle regarde furtivement la photo de famille qui représente les trois membres qui constituaient sa famille, famille qui était à présent déchirée. Elle sortit un paquet de clopes et s’en alluma une. Elle n’avait plus fumé depuis des mois et la première bouffée lui tourna la tête. « Elle est forte ! Elle s’en sortira, hein ? » Elle n’attendait pas de réponse, elle voulait simplement se rassurer. Ils trouvèrent refuge dans un magasin abandonné. Hayley n’aspira qu’à une chose : Celle de revoir indemne, sa sœur, Blake. Elle était vide à l’intérieur, vide à l’extérieur aussi. Elle garda cependant l’espoir car, c’est ce qui lui permettait de rester en vie...

Les jours, les semaines s’égrainaient sans que Blake ne fasse son retour. Était-elle perdue ? Morte ? Personne ne le savait et plus Hayley se mettait martel en tête et plus elle avait mal. Trop sensible, trop à fleur de peau, elle se terra dans une profonde tristesse. Elle n’avait plus goût à rien. Irrationnelle, elle ne s’attendait plus à revoir le visage de sa sœur. Il y avait tant de choses qu’elle aurait voulu lui dire, mais elle ne pouvait plus revenir en arrière. De son côté, Logan tentait de la raisonner, de lui faire entendre raison, mais la cadette était complètement à bout de forces. Épuisée, lasse de patienter ainsi dans le flou total. Elle ne dormait plus car, les rares fois où elle s’endormait, elle faisait toujours le même cauchemar. Toujours la même image qui hantait son esprit. Celle de Blake transformée en une chose monstrueuse. C’en était trop pour elle. Elle réalisa que cette absence lui causait bien plus de tort qu’elle ne l’aurait cru. Jamais, elle n’avait ressentit le besoin de l’avoir contre elle, sa voix lui manquait. Parfois, Hayley l’agaçait, parfois, elle la secouait pour lui faire comprendre qu’il était temps qu’elle se remue, qu’elle devait aussi se battre pour sa vie. Mais à présent, cela valait-il le coup ? Elle ne mangeait plus ou presque plus. L’appétit lui manquait autant que pouvait lui manquer ce lien familial, ce dernier rempart qui la rapprochait un peu plus de ses parents. Elle pouvait cependant compter sur le soutien de Logan, mais il n’arrivait plus à faire naître ce sourire légendaire. Elle s’était éteinte. La jeune femme était à prendre avec des pincettes tant elle était envahie de sentiments néfastes, tant de noirceur dans le cœur. Il était temps qu’elle réagisse, sinon, le chagrin l’emporterait. Oui, on pouvait mourir de chagrin. Elle en était convaincue.

Deux mois. Deux longs mois sans voir la lumière. Ce matin-là, elle se força toutefois à prendre un peu l’air, sous les recommandations de Logan qui en avait assez probablement de voir cette loque se morfondre dans le chagrin, dans la culpabilité aussi. Elle se sentait coupable, coupable de ne plus croire en son héroïne. Elle n’y croyait plus, plus assez en tout cas. Elle était méconnaissable, amaigrie alors qu’elle n’était déjà pas épaisse, mais là, elle flottait dans ses vêtements. Elle n’était pas non plus à l’article de la mort, mais elle n’en était pas loin. Son visage ravagé par la peine semblait avoir pris au moins dix ans. Traits fatigués, cernes sombres au coin des yeux. Puis, alors qu’elle avait perdu tout espoir, quelque chose interpella la jeune femme. Quelque chose de différent dans l’air. Au loin, ils avaient tous entendu le moteur qui vrombissait. Et la silhouette qui se dégageait du véhicule attira l’attention de Hayley. Hallucination collective ? Non, c’était différent. Là dans son cœur, quelque chose se produisit. C’était comme retrouver l’âme sœur qu’on attendait tant depuis des jours. Sans réfléchir, Hayley courut en direction de Blake alors que les larmes roulèrent une fois de plus sur son minois. Ce n’étaient plus des larmes de tristesse, mais de joie. Elle qui pourtant n’avait plus eu la force de se battre, venait en un instant puiser dans ses dernières forces. Elle n’avait jamais courut aussi vite de sa vie et quand enfin elle arriva à hauteur de sa sœur, elle se jeta dans ses bras. Son visage niché dans le creux de son épaule alors qu’elle la serra davantage au point de presque l’étouffer. « Blllaaaakkkeeee... Tu m’as tant manquée... Merci de m’être revenue... » Elle resta un instant lovée contre cette sœur, sa sœur qu’elle aimait profondément. Les larmes n’en finissaient plus de tomber alors que les rires de joie commencèrent à s’extirper de sa bouche. L’émotion était palpable pour chacun d’entre tous. Seule ombre au tableau, l'absence de Logan qui resta perché sur le toit. Ce soir-là, elle dormit comme un gros bébé. Elle n’était plus seule. Et désormais, elle avait une autre famille avec qui survivre en ces temps difficiles...  

Novembre 2017 - Lakewood - Washington

Depuis le retour de Blake au sein de la communauté, le groupe avait repris ses marques. Hayley avait également repris du poil de la bête, malgré les faibles rations de nourriture, mais au moins, elle avait retrouvé un visage beaucoup plus jovial et beaucoup plus charmant. Elle savourait tous les bienfaits de ses retrouvailles avec sa sœur, bien qu’elle n’avait pas pu le faire pour ses parents. Pas croyante pour un sou, elle s’était mise à remercier le ciel de lui avoir rendu Blake. Souvent, le répit n’était de courte durée et elle se demandait dans combien de temps, ils seraient contraints de fuir ce lieu. Toujours le même cercle vicieux : Bonheur, catastrophe, fuite et nombreuses pertes. Pourrait-elle survivre encore si elle venait à perdre de nouveau ? Ces personnes n’étaient plus des personnes lambda, mais des amis, des alliés sur qui elle pouvait compter. Les plus proches, les plus intimes étaient sa « famille ». Elle ne cherchait pas à tout prix à changer de famille, bien au contraire, mais c’était quelque chose qui rendait la chose plus vivable, plus acceptable. Il n’y avait aucune honte à cela, après tout, elle était encore libre de choisir avec qui elle se sentait le plus en confiance. Les jours se suivent et se ressemblent. Un schéma régulier du matin au soir. Personne n’était mis à l’écart; tout me monde avait trouvé sa place et l’entraide était de rigueur. Il est vrai que tout le monde ne pouvait pas s’aimer, mais chacun mettait de l’eau dans son vin afin qu’une bonne entendre règne dans le groupe.

Difficile de contrecarrer les plans de Mère Nature. Une fois de plus, elle venait de leur foutre des bâtons dans les roues. Une fois de plus, elle mettait à rude épreuve les membres du groupe. Un séisme. Catastrophe naturelle qui décimait tout sur son passage. Une fois de plus, ils ne furent pas épargnés et le réveil fut aussi violent que celui qui s’était produit au stade. Un réveil en fanfare alors que Hayley une fois de plus perdit tous ses moyens. Non, elle en avait assez de ce bordel sans fin ! Ça ne s’arrêterait donc jamais ? Le centre commercial tomba en ruines alors que les secousses se firent violence. A croire qu’ils étaient de trop et qu’on cherchait en vain à les anéantir. Cet épisode marqua l’esprit de Hayley qui redoutait une fois de plus d’être séparée de sa sœur et si elle avait pu s’accrocher à elle, elle l’aurait fait. L’angoisse l’anima alors qu’elle était encore en proie à ses vieux démons. Elle ne supporterait pas de revivre encore une fois de plus tout ça. Dans sa tête, il était certain qu’ils allaient tous mourir dans d’atroces souffrances et elle n’était pas prête à embrasser la mort, pas maintenant, pas de cette façon. Trop jeune pour mourir !

Les pertes étaient telles que le centre commercial ne ressemblait plus à rien. Ils étaient tous ébranlés par la pertes des uns et par les blessures causées par le séisme. Blake, Logan furent légèrement blessés. Rien de bien grave en somme. Blessures superficielles qui auraient pu être fatales. De son côté, Hayley avait eu quelques ecchymoses, rien de bien méchant. Elle avait chuté dans sa course à plusieurs reprises, s’éraflant par moment la peau des mains et des genoux. Elle s’en sortait plutôt bien au final. Ce n’était pas le cas de Nathan qui était décédé sur le coup. Et dire qu’elle aurait pu être à sa place, pire, Blake ou Logan... Elle préférait ne pas y penser, alors qu’elle resta ces deux nuits aux côtés de sa sœur, incapable de bouger ou bien de parler.

Ils reprirent la route pour s’établir à un autre endroit.

Mai 2018  - Ravensdale – Washington

Blake avait pris le commandement du groupe. Cela n’avait guère étonné Hayley qui avait toujours vu Blake comme une cheffe. Une femme faite pour affronter toutes les épreuves de la vie à bras le corps. Elle avait ça dans le sang. Une femme forte. Oui, Hayley l’admirait, parce qu’avant tout ça, elle ne l’avait jamais vue que comme une sœur avec qui elle n’avait que très peu d’affinités. La fatalité avait finit par les rapprocher. Elle était heureuse pour elle aussi, heureuse qu’elle puisse vivre quelque chose de beau parmi ces atrocités en compagnie de Logan. Avait-elle succombé par dépit ? Ou était-ce vraiment de l’amour ? En tout cas, Hayley n’avait pas manqué les quelques regards qu’ils se lançaient, les quelques sourires également et tous ces gestes semblaient si naturels qu’il n’y avait aucun doute sur cet amour naissant. La vie semblait plus belle malgré le cauchemar dans lequel ils vivaient depuis quelques années. Bien sûr, le destin n’était pas plus clément depuis le début de l’épidémie, la preuve en était que les survivants devaient sans cesse trouver de quoi augmenter les provisions car, celles-ci commencèrent dangereusement à manquer. Le groupe était contraint de trouver ailleurs ce qu’ils avaient tant besoin à la survie. Des expéditions furent lancées et la décision avait été prise ce jour-là alors qu’ils se lançaient en direction de Buckley.

Personne ne s’était préparé à cette embuscade. Personne ni même Blake. Ils furent assaillis. Il n’y avait aucune échappatoire que d’abdiquer et le groupe fut obligé de rendre les armes. Hayley croisa le regard de sa sœur afin d’y chercher du réconfort. Ses muscles se crispèrent et son souffle lui manquait. Son cœur s’affola et elle avait l’impression qu’elle était même capable de compter le nombre des battements au-travers de ses tempes. Elle n’entendait plus rien de ce qu’il se passait tellement elle était affolée. Pourquoi ?! N’y avait-il pas moyen de trouver un compromis, de s’entraider ? Après tous les survivants étaient tous dans la même galère, non ? Elle croisa également le regard de son assaillant, celui qui semblait être le chef. Il faisait régner l’ordre, mais ce n’était qu’un monstre aux yeux de la jolie blonde. Un monstre sorti tout droit d’un cauchemar. Elle préférait cent fois les rôdeurs, au moins eux, n’avaient jamais envisagé de les attacher comme des animaux. Que craignaient-ils ? Savaient-ils qu’ils ne feraient pas le poids face au groupe que menait de front, Blake ? Oui, c’était ça ! Des petites couilles molles ! Peur panique dans les yeux alors qu’elle cherchait Blake des yeux. Elle avait peur, vraiment peur. Elle ne pleura pas, mais elle était à deux doigts de le faire alors que ses lèvres se mirent à trembler. Elle sursauta quand un des sadiques frappa l’un de ses amis en plein dans le bide. Un méchant coup de pied. Hayley avait retenu son cri de stupeur. Elle se renfrogna un peu plus pour éviter de se prendre un coup elle aussi. La violence des coups lui était insupportable. Comment était-ce possible ? Étaient-il en proie à la folie ? Quel merdier ! Tout ça pour récolter des informations sur leur campement, mais personne ne cracha pas le morceau. Pour une fois, Hayley ferma sa gueule alors que sa sœur l’intimait des yeux de rester forte. Elle en était capable, mais ne supportait plus cette violence, cette fureur qui se dégageaient des ces gros rustres. Elle était forte et pourtant, en son for intérieur, elle n’en menait pas large. Blake ne fut pas épargnée par les coups parce qu’ils cherchaient un moyen pour faire pression sur elle. Personne ne parla. Personne. C’en était top pour les attaquants. Quelque chose se passa alors que l’autre leader attrapa avec force la tignasse de Hayley après l’avoir détachée, afin de la traîner au sol face à ses amis. Elle supplia le tortionnaire, ses larmes ne la quittèrent plus tant elle était frappée d’effroi. Elle trembla comme une feuille morte alors qu’elle commença à sentir une vive douleur au niveau de son oreille. Les yeux embués, elle regarda Blake alors que cette dernière se mit à hurler, se débattant comme une lionne pour se dégager de ses liens. La douleur n’en finissait plus alors qu’elle hoqueta à la vue du sang qui se répandait sur sa fine chemise. Sa tête tomba lourdement alors qu’elle se mit à gerber ses boyaux. Et ce fut le trou noir. Elle sombra dans l’inconscience la plus totale. Les méandres. Un soubresaut dans le corps alors qu’elle reprit furtivement connaissance. Elle avait mal. Les membres endoloris alors qu’elle peinait à lever la tête. « Bbbllllaaaakkkkeeeee... ? » S’assurant que sa sœur était encore en vie, mais n’attendit pas de réponse alors que son corps l’abandonna une nouvelle fois. Elle émergea de nouveau. Deux jours qu’elle avait dormi. Le premier visage qu’elle retrouva fut Blake. Elle lui sourit faiblement alors que la douleur la ramena à la réalité. Une grimace déforma son visage alors que sa main se surélevait déjà afin de tâter les bandages. Elle s’abstint de le faire alors que son esprit lui ramenait en mémoire ce qu’il s’était passé. Elle pleura. Les doigts de Blake enserrèrent sa main comme elle l’avait fait ce jour-là à leur arrivée au stade. Elle n’avait plus aucun repaire.

Elle apprit plus tard ce que Blake avait fait pour elle. Elle avait tué des gens. Hayley ne lui en voulait pas, après tout, elle en aurait fait autant si on avait fait du mal à sa sœur. Elle en était convaincue. Le plus dur avait été de se faire à l’idée qu’elle ne retrouverait plus l’ouïe gauche. Qu’elle serait à jamais un monstre. Totalement défigurée par ce dramatique épisode de sa vie. Elle cachait cette marque, cette tare aux yeux des autres. Même elle, elle ne supportait plus de voir cette immonde cicatrice. Un monstre. Elle en était devenue un. Ce matin-là quand elle découvrit ce qu’on lui avait fait, elle ne pleura pas. Étrangement, elle ravala ses sanglots et étudia longuement du bout des doigts la marque indélébile laissée par cette machette. Enfin, elle ne se rappelait plus ce qu’il portait ce jour-là et puis, elle n’était pas aussi calée que les autres en ce qui concernait les armes. Elle qui avait eu l’espoir de vivre un jour ce que vivait sa sœur, elle n’était plus sûre de le vouloir. Qui pouvait s’intéresser à ce... ? Elle aurait voulu mourir. A quoi bon vivre encore alors que le danger était encore présent ? Qu’ils ne pouvaient plus s’établir dans un lieu et y rester sous peur d’être attaqués, de périr par manque de nourriture. Elle avait été tentée de demander à Blake ou bien à Logan de la tuer, mais elle n’avait pas trouvé le courage de les confronter...

En février les relations entre Logan et Blake se ternirent. Blake changea du tout au tout. Des tensions s’étaient installées entre eux qui entachaient parfois l’entente du groupe. Hayley comme à son habitude s’était immiscée pour comprendre ce qu’il se passait, mais aucun des deux ne cracha le morceau. Elle était en colère, déçue aussi que personne ne veuille confier l’étendue du problème. « C’est quoi ce bordel, Blake ? Qu’est-ce que vous avez tous les deux ? Tu veux rien me dire, hein ? C’est ça alors ? Après tout ce qu’on a traversé toutes les deux, tu refuses encore de te confier à moi ?! Alors si c’est Logan qui a fait le con avec toi, t’as aucune honte à avoir tu sais... Moi aussi, j’ai eu une fois un mec qui m’a trompée ! Ça fait mal, mais tu peux pas rester comme ça ! C’est toi la plus forte d’entre nous. On a tous besoin de toi et moi, plus que les autres. Parle-moi, Blake, je t’en prie... » Hayley soupira tout en sentant la rage l’envahir. « Je vais aller lui dire deux mots à ce fils de pute ! » Puisque Blake ne voulait rien dire, elle irait s’occuper du cas de Logan ! Puis, ça la défoulerait un peu parce qu’il y en avait assez des connards ! Elle était remontée et quand elle trouva Logan, elle l’interpella. « Qu’est-ce que t’as fait à ma sœur ? » Tandis que ses mains posées sur le torse de Logan tentaient de le pousser ! « Elle méritait vraiment que tu la trompes ? C’est qui la greluche avec qui tu la trompes ? Putain... Elle semblait heureuse avec toi et voilà que tu lui fais du mal. Elle ne le méritait pas ! » Hayley était bien loin du compte, mais aucun des deux ne lui dirait la vérité.

Plus de tensions ! Il était temps ! A plusieurs reprises, Hayley avait menacé sa sœur de se barrer, parce qu’elle supportait plus de les voir se déchirer de la sorte, mais ce n’étaient que des menaces en l’air. Tout le monde savait qu’elle ne ferait pas une chose aussi stupide. Hayley ne survivrait pas plus d’une heure si elle était seule. Blake n’avait donc rien à craindre, ce n’était pas maintenant qu’elle la perdrait. Pour l’heure, le groupe s’était installé dans l’ancienne station de ski, mais pour combien de temps ? Combien de temps resterait-il ici ? La cadette Rhodes appréhendait l’instant où il faudrait fuir cet endroit car, ici, elle se sentait bien et c’était ici que l’histoire d’amour de Blake et Logan avait repris. C’était peut-être un bon signe, non ?

Novembre 2019

Coup dur pour Hayley qui une fois de plus se retrouva confrontée à sa plus grande crainte : celle de perdre une fois de plus sa sœur. Le fait qu’elle puisse partir en expédition la ramena quelques années en arrière, ce fameux soir où elle avait du quitter Blake alors qu’un incendie avait été déclaré. Elle embrassa sa sœur avant de la laisser partir. Elle n’était pas sereine, pas vraiment à l’aise alors que durant ces deux jours, elle se mit à s’inquiéter. Au lieu de penser à tout ça, de se faire du mal pour rien, elle avait passé la journée à s’occuper des chevaux. Leur présence la rassura parce que quelque part, ça lui permettait de ne pas ressasser. Logan pouvait comprendre son ressenti, il était là lui aussi, mais elle n’avait pas jugé utile de le marteler de questions, ni même de lui montrer à quel point elle avait peur. C’était une réaction parfaitement humaine, mais se faire du mouron de la sorte, c’était encore pire. Les deux jours passèrent relativement vite et pourtant, en début de soirée quand Blake ne rentra pas à l’heure convenue, son cœur se mit à s’agiter davantage. Il s’était sans doute passé quelque chose. Oui, ils avaient du soit se faire attaquer soit... pire. Il était tard quand Blake rentra et Hayley fut soulagée alors qu’elle se précipita déjà à son cou. Cette nuit, Elena Hortos fut rescapée d’un accident de la route. Un ancien visage apaisant qui faisait plaisir à voir. Blake s’occupa de la rééducation de la jolie brune et parfois, Hayley la seconda parce qu’elle s’intéressait à son travail. Et puis, qui sait, elle pourrait avoir besoin des connaissances de son aînée, ça pouvait servir !

Mars 2020  - Poste de Police Annexe  - Industrial District – Seattle – Washington.

La vie suivait son cours. Jusqu’en mars 2020 où le groupe prit la route afin de s’établir dans un ancien poste de police. Le No Man’s Land comme on l’appelait afin d’être proches de d’autres survivants. La décision fut prise et au début du mois de mars, le groupe s’installa dans ses nouveaux quartiers. Il fallait donc retrouver ses marques. Plus ils seraient nombreux et plus, ils avaient des chances de s’en sortir. Était-ce enfin la fin du cauchemar ? Personne ne pouvait répondre à cette question. Pour Hayley, cela ne changeait pas vraiment grand chose à sa vie, tant qu’elle était toujours entourée de sa « famille » et de ses amis. De toute façon, même si cela ne l’enchantait guère de partir sans cesse à la recherche de l’endroit parfait, tant qu’elle était avec sa frangine, le reste lui était égal. Hayley suivrait sa sœur jusqu’au bout du monde.

Plus rien n’a de sens depuis le début de l’épidémie. Sans cesse aux abois, sans cesse la peur au ventre. Ici, au No Man’s Land, elle a très vite retrouvé des repères. Chaque matin suit un rituel très particulier. Au réveil, avec minutie, elle s’arrange pour cacher cette monstrueuse cicatrice tout en peignant ses cheveux de ses doigts. Quand elle le peut, elle profite également d’une bonne douche après s’être assurée être seule. Non pas qu’elle a le moindre complexe avec son corps, mais depuis ce jour où elle fut le dommage collatéral pour faire pression sur Blake, Hayley a le sentiment d’être devenue un monstre et elle évite de se montrer sous son plus simple appareil. Elle a été blessée, meurtrie au plus profond de son âme. Une fois habillée, elle va rejoindre sa sœur. Quelque chose qu’elles n’avaient jamais fait durant leur adolescence, ni même durant l’enfance. Des petits moments privilégiés qui n’appartiennent qu’à elles deux. Elle s’avale un café accompagné d’une cigarette avant de rejoindre l’écurie de fortune. Elle passe la plupart de son temps ici, en solitaire. Même si Hayley faisait figure de petite bimbo, elle se salit les mains pour nettoyer les box. A force l’odeur ne l’incommode plus. Elle s’y est faite à cette vie de dur labeur. C’est elle qui prend en charge les soins des canassons, elle veille sur eux et semble avoir trouvé quelque chose qui la passionne.

Elle prend part aussi aux expéditions quand cela est nécessaire surtout. Un peu trop fragile depuis l’épisode qui lui a coûté une oreille. Et puis, contre toute attente, elle s’est liée à Elvis, un génie de chimie ou une connerie de ce genre. Elle aime passer du temps avec lui, elle aime qu’il lui explique les choses. Et puis quand elle est avec lui, elle oublie un peu l’extérieur, ce qui se passe au-delà ces murs. Cela lui fait du bien.

La cadette trouve toujours de quoi s’occuper et puis, elle aime aussi prendre soin des siens, prendre du temps pour eux, même si certains sont agacés par elle, parce que oui, quand elle commence, elle ne s’arrête plus. C’est un peu le bébé de la bande, un peu celle qu’on doit constamment prendre sous son aile. Celle qui a besoin d’être protégée et d’être constamment rassurée.

Ici, chacun n’a pas le temps de s’ennuyer et puis, les journées sont parfois très intenses. Quand elle se lève, elle n’a juste une envie, c’est de pouvoir se recoucher à bout de forces.