Le soleil, il devenait un repère auquel se fier, pour deviner plus ou moins l'heure qu'il pouvait être... Et assisse, tranquillement, avec le matériel adéquat dans cette bicoque qui m'avait protégé pour la nuit, son contenu et celui de mon sac à dos m'ayant permis de me faire bouillir un petit thé, pour admirer le lever du soleil. J'avais dû rester jusqu'à ce que l'orange crépusculaire avait laissé place à la grisaille d'une journée de... Chiottes !

Une voiture, puis deux... Empressée, quittant Redmond, du moins, c'est ce qu'il semblait vu la direction qu'elles empruntaient me laissant à peine le temps, au son des pneus crissant sur un bitume abîmé par les années de non-entretien, de me lever de la caisse qui me servait de chaise pour me cacher à l'intérieur de la maison et de m'y planquer en espérant qu'aucun des occupants n'aient eu l'occasion de me repérer, même entraperçu.

Il fallait avoir les moyens de continuer à trouver des pièces pour les entretenir, ces véhicules et surtout le processus permettant de fabriquer de l'essence pour les faire rouler, celle-ci devenue périmée au fil du temps...
Ca ne laissait aucun doute sur un fait que je savais déjà, il valait mieux ne pas se présenter aux autres êtres humains autant que faire se pouvait. Quand y'a de la vie, y'a de l'espoir disait-on avant ? Maintenant quand il y avait de la vie, il y avait danger.

Mais je pus souffler en passant le front, zieutant avec prudence que ces derniers continuaient de s'éloigner bien loin. Non sans me poser la question de la vitesse à laquelle ce minuscule convoi avait débaroulé de nul part.... Y'avait-il un camp ici ? Fuyait-il quelque chose ? Ou n'était-ce qu'une simple expédition terminée de ces nombreux groupes que je préférais éviter ?

Qu'importait, dans le doute, je finissais ma tasse à la va-vite, me brûlant la langue par la même occasion, essuyant les quelques gouttelettes avec le pan de mon top avant d'enfiler ma veste kaki assorti au treillis qui m'avait servi de pyjama.

- Bon... Direction Monroe, ça sert à rien d'emprunter la même direction...

Le plan de base, c'était d'essayer d'aller troquer les quelques morceaux de ferraille qui se baladait dans mon sac au No Man's Land aujourd'hui. Mais avec ce que je venais de voir, autant prendre la direction opposé, je pouvais bien laisser cette idée de côté. De toute façon, si aucun bricoleur du dimanche n'était intéressé, je m'exposerai à visiter cet endroit que je préférais éviter pour rien. Autant planquer ce sac, dessous le lit de cette chambre de gamin, de redescendre. Attraper le sac à dos de l'adolescente en attendant de venir récupérer le mien, y fourer le nécessaire, puis attraper mon fusil et repartir... Direction, les forêts pour atteindre ma destination. Ne savait-on jamais si d'autres personnes ou véhicules se trouvaient dans le coin.


J'avais quitté la ville sans encombres après dix milles détours, pour éviter les avenues à découvert, ou les quelques rôdeurs. Mais depuis un certain moment, j'avais l'impression d'être suivie. Comme pister par quelqu'un qui restait dans l'ombre, observait mes faits et gestes alors que je fixais l'horizon, le ciel... A la recherche d'un oiseau perché sur un arbre... Un simple oiseau qui me permettrait de me nourrir une fois les abords de Monroe rejoint lorsque enfin, par un coup d'oeil vif derrière mon épaule, j'avais repéré cette crinière brune.

- Walk a walk again... The way is... Fis-je mine de chantonner à voix très basse, attentive aux pas de ma suiveuse, jusqu'à 'lapercevoir et faire volte face pour la mettre en joue. Bouge plus ! Pourquoi tu me suis ?

Cette petite route de campagne que je rejoignais enfin était plus rassurante que la forêt que je venais de traverser en ayant cette foutue impression d'être traquée comme un chevreuil. Mieux valait rejoindre un peu de bitume, c'était de toute façon le moyen le plus rapide pour arriver à Monroe maintenant, le plus rassurant aussi maintenant que les hommes aux véhicules devaient s'être éloigné de dizaines de miles depuis. Il y avait peu de chance de tomber sur d'autres vivants. Et tant mieux.

Du moins c'est ce que j'avais cru, avant de comprendre que cette impression d'être suivi était légitime, puisque je l'étais réellement. Depuis combien de temps ? Un moment si j'en croyais l'impression qui devenait réelle là, en la sentant dans mon dos et faisant volte face pour la mettre en joue avant de me faire surprendre. Si c'est ce qu'elle cherchait à faire, en attendant le moment propice pour m'attaquer.

- Mais bien sûr !

Baisser mon arme avant que ça ne parte en "couille" ? J'avais bien peur de devoir refuser son offre, il y avait bien plus de risque que ça parte comme cela si je décollais la crosse de mon épaule justement, puisqu'elle disait me chercher ? Moi ? Que ça lui avait été demandé ? Qui ? Pourquoi ? J'avais pourtant éviter le No Man's Land depuis un temps et n'avait rien fait pour m'attirer des ennemis si ce n'était ces deux filles qui avaient connus Finan. Etait-ce la brune au teint pâle qui aurait envoyé cette fille à mes trousses ? Leur groupe entier ?

- Baisser mon arme c'est ça, alors que t'en as une dans la main et que t'auras plus qu'à m'en coller une dans le citron si je m'amuse à t'écouter ? Non, je n'crois pas non.

Si elle pensait être tombé sur la dernière des pigeonnes, elle s'était trompée. Si elle avait voulu paraître moins menaçante, elle n'aurait pas fait l'erreur de garder cette arme dans sa paume, même si elles étaient levés. Ca ne m'inspirait aucunement l'envie de lui faire confiance. Surtout qu'elle avait eu un ton pour le moins surprenant. Calme, posé... Des paroles surprenantes mais ça, c'était justement le point sur lequel j'allais insister.

- Je baisserai rien du tout, toi, tu vas foutre ton flingue par terre et tu le pousses en donnant un coup de pied vers moi. Pas de geste brusque ou suspect vers ton fusil ou je te la colle. Je veux savoir qui me cherche et pourquoi ? En attendant, tu peux rester les bras bien en évidence, ça m'évitera de devoir t'en coller une si j'ai l'impression que t'essaies de me doubler... Qui sait c'qui s'cache autour de nous, faudrait mieux qu'on évite de se faire remarquer tu crois pas ?

Attentive au moindre de ses mouvements, mêmes oculaires, je l'avais remarqué zieuté vers la carcasse de voiture à son flanc. Ca n'augurait rien de bon mais j'avais pour ma part un chêne au tronc assez gros pour me couvrir et stopper les balles de ce pistolet. Mais le fusil qu'elle trimballait dans le dos devait avoir des balles bien plus creuses. Cela couplé au fait qu'elle pouvait peut-être ne pas être seul et qu'avoir tourné le dos me mette en danger... Mais je me devais de ne pas jeter de coup d'oeil au dessus de mon épaule. Prudence avant tout. Si quelqu'un m'approchait, je l'entendrais comme je l'avais entendu elle.

- La balle est dans ton camp. Si elle ne voulait pas qu'elle finisse entre ses deux sourcils en tout cas. - Et tu ferais mieux de répondre rapidement si tu veux que je baisse mon fusil, si t'es intelligente, tu devrais savoir que c'est ni bon pour toi, ni pour moi de rester statique si longtemps en pleine race campagne.

Si elles pouvaient rester dans cette situation pendant des heures ? Si aucun rôdeur, ni aucun être humain ne venaient se mettre entre elles, Chiara en était bien capable. Tenir son fusil jusqu'à ce que ses muscles lui ordonnent eux même de se baisser... Ca pouvait prendre un peu de temps. Beaucoup de temps. Un temps où elles continueraient tout deux de s'observer. Un temps qui lui ferait prendre le risque que l'autre tire la première...

- Parce que je ne tue pas pour m'amuser, répondit-elle sèchement.

Oui, la cadette O'Malley n'escomptait pas trouer le crâne de cette inconnue sans même savoir pourquoi elle s'était amusé à la suivre. Alors effectivement, rien n'indiquait qu'elle ne serait pas la première à tirer, mais si elle le faisait, ce ne serait clairement pas dans la caboche qu'elle viserait. Mais bien dans les genoux, ou n'importe quel os qui immobiliserait la brune et lui permettrait de savoir ce qui l'avait amené à se faire discrète depuis Redmond comme elle le vendait seule. L'arme toujours pointée en direction de la veste en cuir de sa vis-à-vis, Chiara poursuivit.

- Tu vois, ça n'me donne aucune envie de dévier mon canon. Reprit-elle, prête à tirer cette fois.... Avant que finalement, la fille aux protections de skate obéisse, sans geste brusque. La blonde l'observa, attentive au moindre geste et surtout, lorsqu'elle se redressa car, même sans chargeur, il suffisait d'une seule balle, celle qui devait reposer dans la chambre du canon pour l'achever. Oui... Bien...

Très bien même ! En plus de prouver sa bonne foi, elle se mettait à sa merci en laissant l'arme au sol. Si elle avait le malheur de faire un geste en direction de celle-ci, Chiara n'hésiterait pas cette fois. Surtout au vu des informations qu'elle continuait de lui donner et qui ne laissait rien présager de bon...

Un groupe de six personnes la cherchait donc ? Etait-ce la faute de ses recherches quand à ces fameux Scarecrows qui avaient torturés son frère... En faisaient-ils partis ? En faisaient-elle partie ?

Hésitante un instant, la jeune femme finissait par baisser son canon, gardant tout de même l'arme à son flanc en avançant prudemment vers sa traqueuse. A l'écoute de chaque mot... Une innocente... Si elle savait. Depuis le début de la fin, l'innocence de Chiara avait fichu le camp pour la faire ressembler à ses frères. Elle n'avait plus de pitié pour ses ennemis et quand enfin, elle fut à deux pas de celle qui semblait, d'après ses dires, ne pas en être une... Elle hésita à lui coller un coup de crosse dans le ventre... Avant de se raviser.

- Qu'est-ce qui te dit que je suis innocente ? Qui t'a payé ? Qui t'a envoyé ? Où t'ont-ils trouvé ? Est-ce qu'ils étaient masqués ? Que me veulent-ils ?

Ca faisait peut-être beaucoup de questions d'un coup. Mais sa paranoïa reprenait le dessus. Sa paranoïa et ses envies vengeresses. Si c'était ceux qu'elle cherchait qui eux-même envoyer des gens la traquer ? Elle devait savoir. Tout savoir !

- Réfléchis pas et réponds vite où tu te prends ma crosse dans le bide compris ?

Bon, la prévenir lui donner une chance d'esquiver vu comme elle semblait agile mais ses nerfs étaient à vifs.

Qu'elle se détrompe... Ces cinq années et les survivants qui avaient croisé ma route m'avait changé la vie. Ils m'avaient changé à vie. En bien pour certains, en mal pour les autres. Tout dépendait des gens qui avaient été "mes amis" ou "mes camarades" là où d'autres étaient de "cruels ennemis" pour les premiers. J'étais devenue aussi dure et froide que l'était mon père avec mes frères. Une partie de Patrick O'Malley couplé à certains traits de ses aînés, c'est ce qu'elle était devenue et la famille était bien connu du quartier new-yorkais où ils habitaient pour être de véritables aimant à emmerdes et faire preuve de tout, sauf de bonne foi et de bonté malgré le chapelet qui ornait le mur de l'entrée de leur appartement, rappelant sans cesse le catholicisme poussée qu'ils entretenaient. Je suis plus du genre à tendre la joue comme Jésus-Christ maintenant ma grande, tu t'trompes !

Néanmoins je m'étais également trompé sur ses intentions puisqu'elle avait abdiqué, elle était à ma merci maintenant son chargeur à terre, elle n'aurait que la balle qui hypothétiquement pouvait rester dans la chambre qui risquait de la mettre en danger mais Chiara en avait profité pour se rapprocher petit à petit et être à une juste distance pour pouvoir lui plonger dessus si elle s'amusait à tenter sa chance malgré ses dires.

Ce sont ses révélations qui étaient les plus intéressantes. Même si d'autres questions se posaient maintenant, puisqu'elle n'était même pas au courant qu'un contrat courait sur sa tête. Des mercenaires. Qui savait combien avaient été engagés pour la traquer comme celle qui venait de réussir ?

- Et donc, parce que j'te parais sympathique tu vas faire une croix sur tout ce qu'ils t'ont promis ? D'ailleurs, qu''est-ce qu'il lui avait promis ? Combien valait ma vie aux yeux de ces inconnus ? Qui étaient-ils, ça... Je n'voyais toujours pas. Un groupe de 6 ? Etait-ce ces deux femmes du camp de Finan qui avaient envoyés certains des leurs commander les services de gens comme cette brune ? Ouais, ouais, je m'en fiche de comment tu bosses, ton contrat c'est bien de me ramener non ?

Là, même la faim disparaissait et j'en oubliais mon objectif premier... Une idée folle m'était apparu. Comme une ampoule qui venait de s'éclairer au dessus de mon crâne, si nous étions dans un cartoon, une idée émergeait dans ma tête pour avoir de vraies réponses. Au moins, elle ne semblait pas mentir sur les quelques informations qu'elle me donnait. Ou alors elle y allait au compte goutte pour mieux me maîtriser ? Je me devais de rester sur mes gardes...