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Le discours de June lui fait l'effet d'une douche froide. Voilà donc ce qu'ils devenaient, étaient déjà devenus ? À la moindre « trahison » ils se transformaient en une bande de mercenaires dénués d'âme ou de conscience et parlaient d'exterminer jusqu'au dernier un autre groupe ? Leur histoire était-elle destinée à se répéter inlassablement ? Allaient-ils répéter le même schéma encore et encore et espérer un résultat différent ? C'était là l'exact définition de la folie. Le pouvoir seul semblait justifier qu'on puisse de manière aussi soudaine et arbitraire prendre ce genre de décisions.
Et alors que la chirurgienne s'attend à des protestations ou au moins à des discours contraires pour tempérer la situation, elle les voit tous acquiescer aux dires de leur leader. La bergère a parlé, les moutons suivent. Et c'est d'une telle normalité pour eux, d'une telle banalité. Partir en vendetta sonne comme partir à l'usine. Fais attention chéri, je t'attendrais pour le dîner ce soir. C'était tellement absurde ! Un non sens absolu. Personne n'était mort, on ne les avait pas attaqué de front. Un acte sournois dont ils ont certes été les victimes ne justifiait aucunement une réponse aussi définitive.

Son regard s'attarde quelques instants sur Arizona et Quinn mais son esprit est dans les limbes que personne ne peut atteindre présentement. Son corps est ici, toujours assise sur la chaise occupée pendant les test sanguins, mais ses idées sont à mille lieux d'ici.
Seule Adrienne fait finalement front, allant contre le discours de June et refusant de participer à cette pâle copie de justice. Une personne. Une seule. Si la chair humaine dans leur plat et l'odeur de vomi qui plane toujours dans la salle ne lui ont pas retourné l'estomac, ce triste constat lui donne la nausée. La nouvelle prend à nouveau la parole et elle se retient de lui crier de la fermer. Comment pouvait-on sortir autant d'inepties en si peu de mots ?

Se redressant, elle jette un regard vide à l'assemblée. « Si vous avez besoin de moi, je serais au dispensaire. » Et alors que quelques regards se tournent vers elle, son regard se pose sur la leader. « Je refuse de cautionner cette parodie de justice. » Et sans un mot de plus, la chirurgienne quitte la pièce pour prendre la direction de son refuge à elle, loin de toute cette agitation sordide.

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Après avoir rassuré Misha sur l'avenir de la petite Coleen, Ivy hocha la tête au premier discours de June. Elles allaient avoir une surcharge de travail, c'était inévitable, mais les médecins se tiendraient prêts. Elle salua également Quinn du regard avant de faire passer la dernière fiole de sang à Jason. Le reste du discours ne lui plut pas du tout. Une vengeance, un génocide pur et simple, c'était donc ça leur plan ?

Ce qu'elle entendait lui faisait froid dans le dos, ils voulaient éradiquer un autre peuple parce qu'ils leur avaient livrer de la viande humaine. Quelque chose ne tournait pas rond. Elle allait se réveiller, c'était un cauchemar, mais non, elle était bien là, dans cette salle de classe, à écouter des propos hallucinants.

Tout tournait à mille à l'heure dans le cerveau de la brune. Que se serait-il passer si c'était Joy qu'ils avaient empoisonné ? Si ce n'était pas de la viande humaine mais du poison qu'ils leur avaient livré ? Si des enfants, des innocents étaient morts ce soir à cause de ce peuple ? Mais pour autant, est-ce qu'ils devaient se rabaisser à leur niveau en allant les exterminer ? Non, bien sûre que non. Aux yeux d'Ivy, rien ne justifiait le recours à la violence ou au meurtre. Le monde dans lequel ils vivaient été déjà suffisamment dur pour que les humains ne s'entretuent encore et encore. Elle avait le choix entre trois options : rester au banquet et assister à la mise à mort des invités, prendre part au combat ou rentrer chez elle en ignorant tout ce qui allait se passer. Maeve choisit de quitter les lieux et Ivy hésita à suivre ses pas. Un instant, la brune espéra que personne ne se manifeste et ne se porte volontaire, mais si, plusieurs personnes ne tardèrent pas à prendre la parole. Certains n'avaient probablement jamais porté une arme, comme la petite nouvelle qui semblait si frêle qu'elle risquait de tomber au moindre petit coup.

La jeune médecin ferma brièvement les yeux en entendant la réponse de Jason. Elle se contenta d'hocher la tête, en silence. A ce moment précis, elle mourait d'envie d'aller retrouver sa fille, en sécurité dans leur petite maisonnette. Elle ne cautionnait pas du tout cette revanche. A ses yeux, il y avait toujours d'autres solutions... Ivy posa son regard sur June. "Je vais venir. Il y aura forcément des blessés, alors je serais là pour les prendre en charge." Et puis, il était hors de question de rester là, à assister à l'assassinat de personnes invitées chez eux. Friedrich l'avait dit, il y aurait également des enfants, des personnes innocentes qui allaient agoniser par leur faute. Au banquet, elle ne tiendrait pas sa langue, elle vendrait le morceau, elle en était certaine. Ivy ferait uniquement son rôle, elle s'assurerait que tous rentrent en vie parce que rentrer chez elle et fermer les yeux sur tout ça était hors de question. Son ancien mari, militaire, lui avait dit que parfois, il fallait être là lors de certains combats même si sa conscience en dictait autrement. Là, elle ferait son rôle de médecin. Certaines blessures ne pourraient peut-être pas attendre un retour au Fort.

Ce qui était certain c'est que sa petite vision idyllique de la vie sur l'île avait pris un certain coup.

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Je n’ai finalement pas eu besoin d’intervenir pour maintenir l’ordre, qui semble suspendu de lui-même dans un équilibre précaire. Je n’ai alors rien fait de plus qu’attendre dans mon coin jusqu’à que les patrons reviennent. Ils ont les têtes des mauvais jours alors je suppose qu’ils ne vont pas nous annoncer qu’ils ont trouvé le remède à l’épidémie. L’avantage, c’est que l’alcool est redescendu alors je suis en de suffisamment bonnes dispositions pour entendre ce qui se dit.

Et les mots de June ne trompent pas : on parle d’une mission « définitive », « punitive ». Il est question de tuer des gens – beaucoup de gens. De féroces représailles que je ne me permets pas de discuter, pas même en pensée. Pour être concentrée sur l’objectif et éviter de me faire flinguer, je n’ai pas d’autre choix que de faire abstraction de la tentation d’avoir une opinion. Ou si, j’en ai un : ces types ont quand même délibérément préparé, cuisiné et troqué de la viande d’autres êtres humains. Si ça ne mérite pas une correction, je ne vois pas ce qu’il faut…

- What the f…

Ça, c’est la réaction que me fait venir Friedrich quand il se lance dans une description de la mort par empoisonnement. Était-ce indispensable ? Non. Était-ce utile ? Non plus. Était-ce intelligent ? Hell fucking no, sir. La situation es déjà assez difficile, je ne crois pas que les gens ont besoin de ça après une soirée aussi tendue. C’est bien parce que je suis une meuf disciplinée que je ne dis rien, mais je meurs d’envie de lui conseiller gentiment de laisser les discours guerriers à ceux de qui c’est le job, pour se consacrer à ses éprouvettes et son vaccin.

- Putain de merde…, marmonna-t-elle ensuite dans sa barbe, hallucinée des échanges et, notamment, de la prise de parole d’Adrienne.

Malheureusement, la vie n’est pas un épisode de Zorro où on se défie à l’épée, cape volante et une main dans le dos. Ce serait plus rigolo. L’honneur est une vaste blague : il y a ceux qui survivent et ceux qui meurent. Et clairement, je préférerais que des vendeurs de viande humaine fassent partie de la deuxième catégorie. Discrètement, parce que y’a déjà eu assez de bruit comme ça, je fais un signe de tête en direction d’Arizona pour signifier que je la suivrais. Toujours, fidèle à la patrie.

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Je soupire en comprenant que Zelda et Kassandra décident – encore une fois – de n’en faire qu’à leur tête. Mais Aodhan et Ela se lancent rapidement à la recherche des deux fugitives. Quelques minutes plus tard June revient pour nous annoncer les résultats des tests et nous expliquer qu’il s’agit d’une tromperie des Skagit. Je l’écoute avec attention alors qu’elle expose alors ses plans pour les « punir ». Une fois son discours terminé, je m’avance vers elle pour lui déclarer d’un ton assuré. « June. Vous pouvez compter sur moi. » Sûrement qu’elle le sait déjà. Et bien que la méthode qui sera employé me paraît toutefois horrible, il faut reconnaître que nous n’avons pas d’autres choix. « Voulez-vous que j’aide Madame Jones à la planification de ce banquet ? » Bien évidemment, je me porte volontaire pour l’organisation du repas.

C’est alors que la voix de Zelda résonne dans la pièce. Je me tourne alors, restant impassible et échangeant un simple regard avec Ela, lui confirmant ses dires. « Je suis entièrement d’accord avec vous Madame Amrani. Par leur agissements de ce soir, Miss Anderson et Miss Taylor, nous ont prouvé qu’elles n’étaient pas en mesure de faire preuve d’une maturité suffisante pour se joindre à de telles responsabilités. Je pense qu’elles devraient être mises à l’écart de tout cela. Nous ne pouvons pas nous permettre de débordements durant ce repas. »

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Franchement ? Y’a que le discours de June pour réussir à me rendre sobre. C’est inquiète que je croise le regard de Stanley finalement. Après la prise de sang, une vague discussion avec Ivy, toutes les dispositions qu’on a pris pour savoir si ça allait pas virer marron caca dans pas longtemps, tout s’éclaire et devient plus sombre à la fois. Je crois que j’ai du mal à comprendre comment c’est possible… De faire des échanges avec de la viande humaine ? C’est quoi leur but ? Si c’est pas nous rendre malade ? Juste nous convertir à la cause des cannibales dégénérés pas si anonymes que ça ?

Franchement, y’a un sale truc pervers dans l’idée, et ça me fout les nerfs d’avoir pu manger tout ça. Au final, j’ai profité d’un bref moment de battement pour confier Esther à Hokulani, qui a eu de quoi faire pour s’occuper des enfants. Mais à côté des autres, la décision doit être prise. Je suis franchement pas enchantée à l’idée de devoir partir en guerre contre des gens qui auraient dû nous être utile, mais le mot est donné de toute façon, on s’en prend pas à nous sans en payer les conséquences. Et ça ? C’est pas loin d’être plus ignoble que ce que font les New Eden.

De toute façon on les veut pas comme alliés, mais on a pas non plus envie qu’ils soient copain avec New Eden et qu’ils retrouvent leurs rangs, que je souffle. Un groupe comme ça, ça peut pas coller à une société comme la notre. Ou à n’importe quelle société qu’on a envie de construire.

C’est clair non ? On fait des efforts pour éviter de s’entretuer les uns les autres, c’est pas pour se manger ! Non mais allo !

Je resterais ici, pour le banquet, au moins c’est tranché. Je sais à peu près ce que Stanley va faire de son côté de toute façon… Mieux vaut pas qu’on se gêne.

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