J’crois qu’on appréhende quand même ce qu’il va se passer. C’est normal, non ? De se dire qu’on va regarder des gens droits dans les yeux, leur parler, peut-être apprendre à les connaitre. Et se rappeler, comme une boucle dans nos esprits, ce qu’ils ont fait. Que quand ils nous causent, on peut sentir l’haleine fétide de la chair humaine qu’ils ont décidé de manger pour survivre. Qu’ils sauront pas qu’on sait, jusqu’au dernier moment, quand le glas aura sonné. Je souffle. J’ai repris ma place au bar, bouteilles en main, prête à servir des semblants de cocktails ou au moins des verres qui auront du sens.

J’ai noté dans mon esprit toutes les boissons qui ont du poison, et comment les servir. Comment les présenter. Certains passeront peut-être entre les mailles du filet. Ceux-là, j’entends les recevoir avec le couteau qui est coincé entre mes reins, derrière ma ceinture. J’adresse un sourire à Indiana quand nos regards se croisent. Elle va m’aider pour l’occasion, en tout cas permettre de servir pour que nos convives aient pas à tous se déplacer.

Maintenant que je le vois, je crois que ça m’étonne pas, que je lui souffle.

Leur Leader, il a la gueule de l’emploi. Et je dis pas seulement de mec qui mérite sa place. Si je devais m’imaginer un cannibal, je crois que je pourrais pas le penser autrement qu’avec cette mâchoire carrée et puissante. Comme un requin, ou… Quelque chose de ce genre là. Dans mon cœur, y’a quand même quelque chose qui cogne fort, qui gronde presque.

Bien, il est temps.

Spoiler:

Nous y sommes. Après plusieurs de préparation, l’heure fatidique est enfin arrivée. Accompagnée de Layla, nous accueillons le groupe des Skagit et leur leader non sans appréhension. Les heures qui vont suivre ne vont pas être une partie de plaisir et nous n’avons pas le droit à l’erreur. Alors comme à mon habitude, je reste impassible, ne montrant pas cette peur qui me tiraille l’estomac. Le couteau à ma ceinture, dissimulé sous la veste de mon tailleur ne me rassure pas vraiment… Mais je ne dois pas laisser mes craintes prendre le dessus.J’affiche mon plus beau sourire, accueillant nos hôtes du jour avec mon enthousiasme habituel, ce visage chaleureux en angélique qui me caractérise si bien. Ils ne doivent pas se douter de ce qu’il les attend…

Avec l’anglaise, nous les menons jusqu’au lieu du banquet, où Madame Phelbs nous attends. Toujours aussi calme, je laisse à l’avocate d’accueillir nos invités à son tour. Placée à quelques pas de là, j’entends finalement les dires du leader adverse. Une pointe de colère monte subitement en moi, je n’ai jamais apprécié ce genre de remarques déplacées. Mais je prends sur moi pour ne pas réagir, me contentant finalement d’offrir à notre hôte un petit sourire en coin en réponse à son œillade insistante.

Spoiler:

« La blonde est pas exactement comestible... »

La remarque fuse, presque innocente et surtout incontrôlée, à l'intention du chef des connards. Zelda est un brin irritée par ce type qui trouve quelque chose d'intéressant à Maddie. Il est bigleux ou quoi ? Layla, clairement, c'est compréhensible. Elle fait tourner la tête aux mecs et aux femmes. Mais... la secrétaire ? Il est maso ou quoi ?!

En tout cas l'adolescente ne développe pas davantage sa pensée. Déjà parce que June est à deux pas d'elle et que cette dernière a été claire : elle doit servir correctement. Tout doit être parfaitement splendide. Et l'australienne entend bien plaire à son idole. Et puis aussi parce qu'elle est stressée. Cette nuit-là, l'idée d'empoisonner tout le monde était plaisante. Aujourd'hui, maintenant qu'elle voit les gens qui vont mourir, elle n'est pas bien fière.

« Si vous voulez bien vous donner la peine de poser vos fesses sur la chaise, s'vous-plaît... » Et la voici qui ramène ladite chaise vers l'avant, de manière à ce que le moche puisse s'installer dessus sans se retrouver par terre. Alors oui, franchement, elle avait envie de la retirer au dernier moment. Mais bon, ce serait mal vu...

Et la voici qui se déporte sur le côté de l'homme avec le pichet de vin. June a dit qu'elle devrait s'occuper de lui en priorité. Elle ne sait pas si c'est pour la surveiller ou parce qu'elle lui fait confiance. Peut-être parce qu'elle a un visage parfaitement innocent ? Oui, ça doit être ça ! « Sa Skagiterie souhaite-t-elle du vin ? » demande-t-elle en présentant le pichet à l'imposant bonhomme, en faisant de son mieux pour réprimer ses tremblements et arborer un sourire encourageant.

le p'tit résumé:

Ils y étaient donc. Les Skagit étaient là, et d'ici quelques heures tout au plus, la lame de la dague viendrait achever les mourants. Chaque fibre musculaire que contenait son corps tendu à l'extrême, bien que son visage n'en montre rien. Rendant son sourire à Casey, se sentant rassurée d'être à ses côtés pour servir leurs hôtes en observant le leader.

Je vois ce que tu veux dire, bizarrement. Fit-elle remarquer à Casey dans un souffle. Le sourire carnassier, certainement. Ou le regard froid. Mais dans tous les cas, il collait parfaitement à l'idée d'être un anthropophage. Et dans un sens, ça la soulageait. Gardons ça en tête pour la suite. Parce que quand arriverait le dernier souffle... Ce serait plus simple de s'en rappeler ainsi. Plutôt que de rester sur ce qu'ils pourraient apprendre d'eux ce soir. De leur passé, de leur famille.

Elle n'était de toute manière pas la pour le sentimental, mais exécuter la tâche qui lui était confiée. S'assurant que la petite ne serait pas visible à l'œil nu, avant de commencer à préparer les plateaux pour le service à venir.

Spoiler:

Spoiler:

Elle n’avait pas peur – pas au sens propre. Ou plutôt, elle n’avait pas peur de regarder la mort en face. Après toutes ces attaques, toutes ces exécutions, tous ces charniers… son âme était anesthésiée et tuer n’était plus devenu qu’une mesure comme une autre. C’était horrible. Dawn avait probablement raison à son sujet. Et si le Dieu de leur nonne local existait, alors elle se savait damnée pour l’éternité.

Mais dans son monde, il n’existait pas.

Elle s’était préparée comme un jour important. Ses cheveux impeccablement tirés en chignon, un col roulé vert bouteille qui relevait sa rousseur flamboyante, un jean noir galbant et des bottines cirées. Une tenue équilibrée, quelque part entre la survivante et l’avocate qu’elle avait été. A la chaleur des braséros, June accueillit leurs prochaines victimes et leur chef, qu’elle savait déjà amateur de bonnes choses – elle n’aurait toutefois jamais pensé que l’allusion puisse être littérale. Sa remarque à propos de ses hôtesses lui arracha donc un frisson glacé, qu’elle effaça derrière un sourire de connivence. Zelda n’échappa d’ailleurs pas à un regard noir, bien que l’intéressé ait ri grassement à la répartie, mais la rouquine dû l’oublier pour présenter l’homme qui s’asseyait :

- Merci de votre attention à tous. Voici donc Alistair et quelques membres de son groupe, avec qui nous commerçons depuis deux mois. L’idée d’une rencontre de ce genre plane depuis longtemps et…, elle pencha ses yeux verts sur le concerné, la concrétiser avant l’hiver nous paraissait être une bonne idée.
- Exactement ! Et il parait qu’on a un ennemi commun alors… puis qu’on va p’tête crever ensemble, on peut au moins trinquer ensemble, pas vrai, s’exclama-t-il à l’assemblée, oh, votre délicieuse agricultrice n’est pas là ? s’étonna-t-il en se pencha vers June.
- Non, elle n’a pas pu être présente, répondit-elle non sans relever l'adjectif.
- Quel dommage…

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