« Mon équipe est en train d’analyser tous les plats servis pour voir ce qu’il en est. » Pour ce qui était du comment en parler aux autres, l’autrichien laissait le soin aux autres responsables du camp de réfléchir sur la question. Il mettait suffisamment d’efforts sur sa propre concentration. Il était beaucoup trop détendu par rapport à l’urgence de la situation – vivement que Quinn ne franchisse cette porte. Il était de toute façon d’accord avec ce qui se disait, ils pouvaient difficilement laisser passer une chose pareille.

« Empoisonner la nourriture qu’on leur échange ? C’est vicieux comme plan, même pour vous Maverick… J’adore. » Beaucoup trop détendu. Il a un petit sourire, avant d’amener sa tasse de café à ses lèvres. Cela dit, outre sa réflexion déplacée, c’était une méthode qui leur permettrait d’éviter de perdre inutilement des gens dans un affrontement trop frontal. Bon sang, elle arrivait quand Quinn ?  

« Alors… » Commença-t-il quand Stanley lui demanda quels étaient les risques de manger de la viande contaminée. « On a exploré cette piste, en effet. De toute façon, on n’en saura pas plus sans les résultats d’analyses mais, en gros. Ce n’sera dangereux pour nous que si la viande humaine qu’ils nous ont servie provient d’un rôdeur. Si cette viande a été prélevée avant la transformation alors… alors ce n’est rien d’plus que de la viande humaine mijotée. » Il a un petit sourire, trahissant une envie de rire totalement déplacée à cette heure et il en avait terriblement conscience. Il fronça les sourcils avant de passer une main sur son visage. « Excusez-moi, Saint-Germain ne devrait plus tarder. » Dit-il, pour excuser son comportement. Ce n’était pas réellement dans ses projets de la soirée de tenir une conversation plus que sérieuse, ce soir.

Spoiler:

- Je partage effectivement votre opinion. La transparence mettra notre communauté bien plus en confiance. J’espérais simplement pouvoir compter sur la discrétion de certains. Ce qui nous aurait laissé le temps de déterminer quoi faire avec tout cela. De leur offrir immédiatement un plan d’action. Il va de soi cependant qu’il ne faut pas laisser les gens du banquet sans réponses.

La brune frissonnait à l’idée qu’ils avaient peut-être ingéré de l’infecté. Que se passerait-il ? Combien de temps avaient-ils ? L’heure n’était pas à la panique. Il fallait réfléchir intelligemment, ne pas laisser les émotions gagner le meilleur de leur jugement.

- Je rejoins Mister Maverick. Il ne serait pas bénéfique pour nous de retirer une certaine partie de nos hommes pour punir les Skagit. Nous devons ‘’rationner’’ nos munitions, nos protections tout comme nos soldats. La nourriture me semble être quelque chose de bien plus faisable. Mister Eden semblait penser que l’empoisonnement était ce dont ils parlaient. Fallait-il en arriver là ? J’imagine que nous pourrions empoisonner les vivres que nous leur envoyons, cependant… Si cela venait à se savoir dans les autres communautés auxquelles nous tentons de faire du charme… L’image est importante dans notre combat.

L’Anglaise réfléchissait un petit instant, marquant une pause dans son petit laïus.

- L’automne s’est installé et bientôt l’hiver sera à nos portes. Avons-nous un moyen de les rendre malades ? De laisser la maladie les emporter ? L’idée était lancée comme cela. L’Anglaise n’avait certainement pas les connaissances nécessaires pour aller très loin dans ses propos, peut-être que Mister Eden pourrait les éclairer, s’il avait encore assez d’esprit.

Tant de questions persistaient pourtant. L’on parlait déjà de décimer une communauté, mais… ladite communauté était-elle seulement responsable ? Pouvait-on avoir un doute ? Ou est-ce qu’ils visaient juste.

- Croyez-vous qu’il pourrait y avoir des taupes chez les Skagit ? Des New Eden qui chercheraient à nous diviser, à nous faire perdre des alliés ? Si cela est possible, je suggère que nous nous en assurions avant de tenter quoi que ce soit d’irréversible.

Comment faire toutefois ? Fallait-il retarder le châtiment ?

- J’imagine que nous aurons une meilleure opportunité de nous aiguiller une fois que Miss St-Germain nous rejoindra.

Spoiler:

Une fois n’est pas coutume, Quinn avait décidé de ne pas se mêler aux autres pour célébrer ces cinq années de survie. Ou peut-être que si, justement. Ces derniers mois, l’épidémiologiste s’était considérablement isolée, profondément marquée par la mort de son compagnon. Un repliement sur soi chargé de colère, tant à son égard qu’envers les autres. Avec le temps, sa hargne avait fini par s’apaiser, sans toutefois disparaître totalement. Il faudrait encore probablement quelques mois avant qu’elle puisse repenser aux événements de cette nuit tragique sans sentir monter en elle cette bouffée de rage pur qui l’animait parfois.

Restée seule, ou presque, dans le complexe, Quinn profitait du silence bienvenu. Ce calme lui était plus que bénéfique et elle travaillait sans craindre de surprendre un regard appitoyé sur elle. Un calme qu’elle voit soudainement bouleversé par l’arrivée de Friedrich, les yeux légèrement rougis et une drôle d’odeur flottant autour de lui. Surprise, elle l’écoute lui exposer la situation d’une voix pâteuse tout en lui préparant un café très chargé. Café qu’elle laisse exploser au sol en l’entendant prononcer les mots chair humaine. Aussitôt, un frisson glacé la saisit et elle fixe le généticien d’un air ahuri, se sentant blêmir.

Elle se ressaisit finalement et hoche la tête, acceptant du même coup de procéder aux analyses que lui demande Friedrich. Manipuler les tissus humains n’a rien de problématique pour elle, mais elle s’efforce de faire abstraction de la situation. Travaillant rapidement après le départ du responsable, il ne lui faut pas longtemps pour détecter la présence de viande et établir sa provenance. En revanche sa nature précise lui reste encore inconnue et elle quitte le complexe à son tour, après avoir chargé ses collègues de poursuivre des analyses plus poussées. Celles-ci prendront probablement quelques heures mais elle espère bien savoir. La possibilité qu’il s’agisse de viande infectée la débecte mais ne peut être écartée.

Rejoignant à grandes enjambées le bureau de June, elle s’annonce par trois coups et pénètre dans la pièce. Les regards se tournent vers elle et Quinn lit l’attente anxieuse sur leurs visages. Crispée, ses yeux résolument fixés sur June, elle s’arme de courage avant d’énoncer sa sentence. Elle le fait sans s’embarrasser de politesse ou de précautions. Ils n’en ont pas le temps. « Tous les plats à base de viande issue de mammifères sont partiellement ou totalement constitués de chair humaine. » Elle laisse passer un instant, pour leur laisser à tous le temps d’enregistrer cette information, avant de reprendre. « J’ignore encore s’il s’agit de viande contaminée ou non. Mais dans le doute, je recommande vivement d’isoler les personnes ayant consommé ces plats et de les placer en observation. Les premiers résultats devraient nous parvenir d’ici quelques heures mais en attendant, il n’y a rien à faire les concernant. Au moins les vaccinés sont vraisemblablement immunisés... » Du moins l’espère-t-elle. La situation est inédite et rien ne l’avait préparée à cela. Personne ne l’était, à vrai dire.

Spoiler:

- Friedrich, êtes-vous en état d’avoir cette conversation ? Demanda-t-elle sèchement en voyant le généticien sourire en commentant qu’il « adorait » l’idée de Stanley.

Elle n’avait rien contre les petits plaisirs, ce n’était pas le problème. Néanmoins, elle se serait attendue à ce que le responsable du pôle scientifique, qui a tout de même la responsabilité de leur avenir – littéralement – évite de se mettre dans un tel état en public. Lawrence était déjà suffisamment extravagant, elle aurait souhaité ne pas troquer un hurluberlu pour un autre. Pour le reste, elle avait entendu les opinions de l’intendante et du jeune militaire. Si elle pouvait converger vers l’idée de ne pas faire une démonstration de force brute, elle n’était pas d’accord avec l’analyse de Layla. June finit par s’asseoir à son bureau en cogitant, ses prunelles insondables dans le vague, quelques mèches échappées de son chignon sur ses joues. Elle allait enchainer quand, justement, Quinn se présenta.

… et la sentence tomba. Tout ou partie des plats étaient composés de chair humaine. La rouquine poussa un soupir, ses mâchoires se contractèrent brièvement.

- Donc ce n’est pas une erreur, traduisit-elle froidement.

Elle parut se figer une paire de secondes, profondément pensive, puis elle se réanima soudainement. Incisive, pragmatique.

- Si besoin, consultez Briana Rhodes sur son passif. Elle a vécu plusieurs mois chez des cannibales. L’expérience est restée un trauma pour elle, mais si vous arrivez à la faire parler, en comparant ses témoignages à son état de santé, vous pourriez avoir un point de départ dans vos estimations, un vague point de départ, mais ce n’était pas de son ressort ; à la place, elle revint aux propositions de la britannique : ça va faire un an qu’on en a des échos, qu’on les observe et qu’on les confronte, ça ne correspond pas au profil de New Eden. Ils persuadent d’autres communautés, ils nous font passer pour des menteurs au passage, preuve étant : l’expérience avec le groupe de Jack, mais ça…, l’avocate secoua légèrement la tête, je ne pense même pas qu’ils s’embarrasseraient d’une telle stratégie contre nous.

Le rapport de force était toujours démentiel, alors prendre la peine d’infiltrer un autre camp, qui leur préparera des plats cannibales pour les déstabiliser, même au risque qu’ils ne réalisent jamais la manœuvre ? La rouquine n’y croyait pas.

- Par contre, ça peut correspondre à des chasseurs qui ont voulu… disons « tirer profit de la situation », du style : garder l’essentiel du gibier pour eux et honorer leur part du marché commercial avec des produits douteux, …combien de temps pour préparer un poison à base de belladone et de cigüe ? Revint-elle aux scientifiques.

Spoiler:

« Pardon ? Oh, non pas vraiment. C’est pour ça que Quinn… La voilà justement ! » Sans doute avait-il un peu parlé un peu plus fort sur la fin, parce que Saint-Germain lui offrit un regard quelque peu courroucé quant à son attitude. Il avait même tendu son bras comme on présente une vedette de cinéma qui entre en scène. Bras qu’il referma doucement pour se concentrer sur sa tasse de café très chargée pour laisser parler les personnes sobres. D’autant plus que les nouvelles n’étaient pas bonnes. S’il n’avait pas partagé ce pèt’ avec Casey, il n’aurait pas autant de difficultés à éclaircir ses idées pour répondre avec savoir-vivre aux attentes des autres. La vérité, c’est qu’il était en colère contre lui-même. Du moins, le sera-t-il quand les effets des herbes se dissiperont.

Il écoute cependant, à défaut de pouvoir utiliser son verbe comme il faudrait, il écoute et enregistre ce qu’il se dit. Pour le reste, maintenant que Saint-Germain était arrivée, il n’avait plus trop de soucis à se faire : elle était aussi la voix du complexe. En l’occurrence, elle était sobre et pas lui. Tout simplement. Il a un petit ricanement quand June s’adresse à eux pour savoir en combien de temps ils pourraient préparer un poison à base de belladone et de cigüe. Il leva ensuite la main pour s’excuser – encore – avant de répondre. « Suffisamment rapidement pour répondre à la demande, mais il s’agit d’un domaine qui sied mieux à ma très chère collègue. » Ce n’est pas comme si ces plantes étaient cultivées et récoltées depuis un moment déjà, mais cela relevait plus du domaine de Quinn, pour le coup. Et lui, allait s’atteler à se taire, et écouter. C’était mieux pour tout le monde.

Spoiler:

Mrs Phelbs n’avait pas tort, sans doute qu’à vouloir trop chercher a exploré toutes les avenus, l’Anglaise perdait de vu les habitudes bien établit de leurs ennemis. Cela aurait sans doute été possible de la part d’un plus petit groupe sans doute… Jones n’était pas expérimenté en guerre et en coups du genre, elle souhaitait donc réagir avec précautions, avec sans doute trop de précautions.

La décision semblait être prise de toute façon et la jolie brune n’était pas du tout contre. Ce serait propre et définitif, mais un peu aléatoire s’ils n’étaient pas présents pour s’assurer qu’il ne resterait aucun survivant pour raconter leur châtiment. Encore une fois, l’esprit de l’ancienne adjointe revenait à cette histoire d’image, de réputation.

Il fallait réfléchir, bien jouer ses cartes… Être certain qu’ils ne se douteraient de rien, profiter du poison à leur disposition, mais également profiter de tous leurs acquis durant ses derniers mois. Ce crime ne pouvait pas rester impuni. Si par chance, il ne s’agissait pas de viande d’infecté lambda, ils auraient un peu de temps devant eux pour bien s’organiser. Pour rendre justice à cet affront immoral.

- J’ai peut-être une idée. Annonça Layla en reprenant la parole, s’adressant à tous ceux présents. Chacun serait concerné par ce plan, de près ou de loin. Une façon pour notre communauté de participer à la condamnation des Skagit, même nos civils, mais également de s’assurer hors de tous doutes que chacun y passera. On peut dire que je souhaite couper la poire en deux. Par sécurité, par efficacité et par économie. Comment formuler tout cela ? Ne serait-il pas le bienvenu d’inviter une partie de nos soi-disant ‘’alliés’’ à un banquet pour les remercier ? Pour souder davantage nos liens commerciaux suite à la grande réussite de notre propre banquet ? Il serait bien plus aisé de s’assurer qu’ils seront empoisonnés sans aucune exception de cette façon. Servis par ceux qu’ils pensaient flouer. Pendant ce temps, nous pourrions envoyer un petit détachement chez eux et liquider le reste de leur communauté. De mémoire, cela ne devrait pas trop affecter nos ressources, vu la totalité de leur groupe. Un peu de poison, quelques balles… J’imagine qu’ils ne souhaiteront pas se déplacer sans protections, ce qui en laisserait logiquement un peu moins à leur campement. Moins de résistance en les séparant. Qu’en pensez-vous ?

Spoiler:

Les réponses d’Eden étaient fumeuses, comme son esprit certainement, et l’arrivée de Quinn remonta le niveau. Elle leur révéla en tout cas les premiers résultats et l’information qu’ils attendaient le plus : tous les plats de viande étaient concernés. Stan fit une grimace dégoutée, avant de lâcher un juron, conscient qu’il était toutefois trop tard pour vomir. Risquait-il une contamination ? Seules les heures qui viendraient le lui diraient… d’ici là, il se contenterait d’être attentif à d’éventuels symptômes et continuerait de faire son job.

L’hypothèse que venait alors de soulever Layla, et qui se voulait modérée, tomba à plat. D’autant que June avait raison : ça ne ressemblait pas aux manières de leurs ennemis. Les dents serrées par la contrariété que lui causait ce coup bas et tout connement dégueulasse, le jeune militaire réfléchissait. Il ne voyait aucune échappatoire à un nouveau massacre. Isoler les coupables, au risque de manquer des complices : impossible. Donner à leurs partenaires un simple avertissement : trop léger. Ne punir que quelques éléments pour l’exemple : trop risqué. Il devait se rendre à l’évidence, la confiance était perdue et le plus propre et le plus sûr était alors d’éradiquer le groupe entier. Sans exception.

Il leva les yeux vers l’anglaise qui soumettait une idée. Une « attaque » en deux temps : un groupe empoisonné ici, et le reste massacré là-bas.

- Ça demandera beaucoup d’logistique, réagit-il tout de suite. Un point noir. Inviter les autres, les faire venir, aller s’attaquer au reste du groupe en attendant. Ce ne serait pas si simple à mettre en place, ni très rapide. Alors qu’un colis piégé et ça pouvait être réglé. Néanmoins, cela soulevait un point intéressant. Mais j’crois qu’t’as raison. C’est important de faire davantage participer tout l’monde effectivement. Qu’ce soit pas toujours les mêmes qui s’salissent les mains. A savoir lui, Arizona et ceux de leur trempe. Ils sont encore trop nombreux à oublier certains concepts d’une guerre. Ou à préférer laisser le sale boulot aux autres. Mais y aura des réfractaires… ajouta-t-il, sans rien apprendre aux autres pour autant. Ils devaient toutefois s’y préparer.

Spoiler: