Rappelez-moi pourquoi de je fais ça déjà ? Pourquoi je me retrouve dehors, le cœur tambourinant, l’angoisse me bouffant littéralement de l’intérieur, à scruter la nuit toute seule ? Je m’attends presque à avoir un point rouge sur le front, mais ils ont peut-être pas de sniper quand même… Et puis, ça m’évite d’entendre à nouveau les cris, et ce craquement horrible. Ça m’évite un peu de me rouler dans la culpabilité. Elle est entre de bonnes mains, ils le sont tous. Dans un camion. Loin. Peut-être en danger aussi.
Je tourne la tête pour les voir en train de finir de se positionner à l’intérieur de la grange.

On se retrouve tout à l’heure.

J’arrête de respirer. Je me recule dans l’ombre, un peu, juste pour avoir quelques secondes de plus, juste pour…
Je me mets à courir, entre et claque les portes derrière moi. Et je cours. Jusqu’au fond de la grange, où se trouvent les autres, ou se trouve l’autre porte. J’ai le temps de les rejoindre, j'ai le temps de trouver Duncan, accrochant son regard. Je sais pas si Connor m’entend, mais je fais comme je peux. « Neuf. Gardes. Je crois. Et des… fermiers. Trois. Les vieux. Et des chiens. Deux. Deux putains de chiens. » Je reprends mon souffle, essayant de me rappeler les autres détails, jetant des coups d’œil nerveux vers la porte principale.

Sauf qu’il n’y a rien.
Le vide.
Le silence.

Avant que je ne laisse échapper un cri en me recroquevillant quand les tirs résonnent de partout. Le vide et le silence laissent place aux rafales et aux explosions.

Et plus rien de nouveau.
Le vide.
Le silence.

Avant qu’il ne prenne la parole.

Cinq minutes.

On se retrouve tout à l’heure.

Spoiler:

Spoiler:

Connor se redressa péniblement quand les balles cessèrent de pleuvoir. Sa première inquiétude fut pour les siens, de savoir si quelqu'un était blessé. Mais sans avoir le temps de le demander, il eut la réponse. Plan avorté, leurs choix se restreignaient mais Duncan le disait : pas question de se rendre. Retrouvant les autres et invitant chacun à faire de même, il eut un regard pour la porte arrière où Joséphine et Cassidy avaient pu se planquer... Duncan avait passé le message et, il fallait agir.

On se rend pas, fit Connor d'une voix ferme. Et aux autres dehors, il prit sa meilleure voix troublée : On... On sort ! Tirez pas ! On se rend ! Ses yeux se posèrent sur la blonde : Sors nous ton meilleur jeu d'actrice et ta meilleure voix suppliante pour dire qu'on va mettre un peu de temps, que quelqu'un est blessé ou que toi tu es blessée, que tu peux pas marcher, fit-il.

Finalement, il demande des volontaires pour aller lancer la grenade. Bruce fut sur le point de se porter volontaire mais Joséphine l'interrompit. Elle lui prit la grenade des mains, et s'écarta du groupe pour sortir de la grange.

Spoiler:

Je hoche la tête en les regardant tour à tour. On va s’en sortir ouais. Evidemment.

Je fixe Connor et déglutis. « Okay. Je peux faire ça. Mais… Vous devriez sortir. La grenade les tuera peut-être pas tous, ils ont des gilets et… enfin, ce serait bien que vous soyez moins loin, pour intervenir et… » Et les combattre. Les achever. Je sais pas trop.

Je me rapproche – un peu – de l’autre porte, restant autant planquée que possible, là où il n’y a pas vraiment d’impacts de balles. Je ferme les yeux et je n’ai pas vraiment à en rajouter beaucoup pour rendre ma voix tremblotante.

« Tirez plus !… S’il vous plait. On voulait pas… On… » J’inspire et ma voix se fait plus fêlée encore. « Je voulais pas. Je voulais pas… S’il vous plait. J’ai… Il arrive plus à bouger. Je voulais pas être là. J’arrive pas à le porter. Ils avaient dit qu’ils reviendraient. Mais ils sont partis… Ils nous ont laissés… Je veux pas mourir. S’il vous plait. S’il vous plait… »

Si j’ai haussé le ton pour qu’ils m’entendent, je suis plutôt fière de ma prestation de puppy désespérée, à la voix saccadée et effrayée. En même temps, comme dit… J’ai pas à trop en rajouter.

Spoiler: