Je l'ai vue, cette hésitation passer dans son regard le temps d'un instant. En même temps, il avait de quoi ; pourquoi tenterait-il de m'aider alors que notre dernière rencontre ne s'est pas passée comme je l'aurais souhaité ? Mon regard ne quitte pas le sien cependant, comme si avec ce dernier j'arriverais à le rallier à ma cause, pendant quoi je vois dans son dos la silhouette floue de mon agresseur se rapprocher dans le dos de Peter. Si il devait prendre un choix c'est maintenant, pas demain, maintenant. Et contre toute attente il prend le bon, sous mon regard surpris et mon silence.

Peter se tourne et tente de faire le gros dur, en même temps il n'avait pas grand chose à faire, je le détestais mais n'était pas aveugle ; il est grand, bien bâti, et son visage n'inspire pas la sympathie aux premiers abords. Son début de réplique me fait doucement sourire de fierté et je croise les bras pour faire face à ce Bobby, dans une attitude de petite amie fière de la force mentale et physique de son compagnon. Mais l'effet désiré ne vient pas. À la place, Peter se prend un méchant coup dans l'estomac qui lui fait tomber un genou à terre dans une respiration difficile et bruyante. Peter!! Que je gueule prise de panique, rejoignant aussitôt l'homme au sol qui peine à redémarrer ses poumons. Une main dans son dos et l'autre sur sa poitrine, j'essaye de capter son regard pour m'assurer qu'il n'allait pas claquer là. La colère avait finalement laissée sa place à l'inquiétude, et je n'étais pas mauvaise au point de souhaiter sa mort à cet instant alors qu'il a voulu se racheter. Ça va ? Tu m'entends ?

Mais je n'ai pas le temps de recevoir une réponse que mon agresseur, devenu celui de Peter aussi, se rapproche de moi pour je ne sais quelle raison. C'est quoi ce monde de tordu ? À croire que l'apocalypse a fait ressortir le mauvais chez les gens. T'approche pas enfoiré ! Menace ridicule. Faut dire que je ferais même pas peur à une souris. Pourtant je ne bouge pas. Mais il ne faut qu'une main à l'inconnu pour m'attraper le pull et me balancer plus loin, à l'écart de Peter. Je tombe lourdement dans la boue, dans un couinement de douleur, lorsque la voix de mon faux compagnon s'élève. La mâchoire serrée je me redresse doucement pour m'asseoir et croiser au même moment le regard de Peter, à glacer le sang. Mais je n'y accorde aucune attention, il y a bien plus important.

Les deux hommes sont à présent au sol, luttant dans un combat acharnée puisque Bobby ne semble pas vouloir lâcher prise. C'est quoi le plan maintenant ? Risquer que Peter se fasse tuer alors qu'il souhaitait se racheter ? Dans un espoir inutile je commence à tâter de mes mains le sol recouvert de boue, comme un myope à la recherche de ses lunettes, espérant pouvoir retrouver mon couteau à beurre. Ce n'est pas une arme à feu ni un objet contondant, mais bien utilisé j'arriverais sûrement à lui provoquer une blessure qui nous laissera le temps de partir. Mais ce n'est pas le couteau que je trouve, plutôt une grosse pierre sur laquelle je louche quelques secondes. Ce sont les râles de rage de Peter qui le ramènent à la raison, et je n'hésite pas à transporter le gros rocher jusqu'aux deux hommes, profitant alors de la supériorité de Bobby qui me tournait le dos pour m'approcher en silence.

Pierre au-dessus de ma tête, je la laisse lourdement tomber sur celle de mon agresseur tout en gardant les mains dessus pour l'empêcher de rejoindre celle de Peter dans sa chute. Moi qui espérais l'assommer assez longtemps pour qu'on puisse s'enfuir, le voilà qui tombe de tout son poids, inerte. Un pas, deux pas, je recule doucement sous l'inquiétude. Et d'une voix fébrile, je souffle doucement : Il.. Il est... Mort ?

Spoiler:

À sa réponse, je tourne le regard vers le corps de ce fameux Bobby, inerte, où il était possible de voir encore sa cage thoracique se lever et redescendre lentement, signe qu'il respirait. Mais avec la tonne de sang qu'il perdait au niveau de son crâne, c'est sûrement qu'une question de secondes, voir se minutes avant qu'il décède réellement, pour revenir à nouveau faire chier son monde. Je m'attendais évidement à ce que Peter s'en charge, animé par la vengeance ou je ne sais quoi, mais finalement il m'annonce de m'en charger. Je lui lance un regard partagé, pour finalement le fusiller du regard lorsqu'il me dit que c'est ma merde. Bah oui, c'est vrai, suis-je bête ! J'avais oubliée que je passais mon temps au camp à me faire agresser pour finalement achever mes agresseurs. Je laisse tomber aussi une perte de temps de jouer à : tu le fais, non toi, non nous, etc. Davantage lorsqu'il est bien décidé à ne pas s'en charger et préfère fouiller son sac à la recherche de plusieurs choses intéressantes. Je retiens un juron entre mes dents, ainsi qu'un rire sarcastique ; finalement, il n'a pas tellement changé. Toujours aussi avide d'avoir les affaires des autres.

Lorsque je remarque que la respiration de notre agresseur s'est arrêté, je m'empresse de récupérer le gros cailloux qui m'a servi d'arme et viens m'agenouiller près de sa tête, pierre au-dessus de celle-ci, un instant hésitante. Déjà que j'ai du mal à achever des morts pendant les entraînements, mais alors là.. Alors je pense aux hommes, femmes, et enfants qui traînent au hangar plus loin. Ils n'ont pas besoin d'avoir un mort de plus dans les environs. Avec la force qui me reste, je frappe de toutes mes forces sur le visage de Bobby, les yeux fermés et la tête tournée.

— Ce que tu cherches à dire sûrement, c'est 'pardon'. Et m'appelle pas p'tit canard!

Que je grogne dans mon coin en relâchant la pierre, et en me relevant pour faire face à Peter même si il était bien plus grand que moi. Trempée à cause de la pluie et tachée de sang, je le dévisage cette fois ci de haut en bas sans être dérangée, ni animée par la rage de l'etriper. Il n'a pas changé d'un pouce, toujours le même mec arrogant sur qui tu as envie de déverser une pluie de poings. Néanmoins je tente de paraître amicale, comme je l'ai toujours été, même si la tâche est dure.

— J'ai été séparée de ma partenaire. C'est la première fois que je viens ici, et je sais pas comment rentrer au camp. Celui de The Haven. Je sais même pas si il a des points de ravitaillement.

Je préfère jouer la carte de la sincérité, et de toute façon, avec le combat qu'il vient de subir, je le vois très mal essayer d'abuser de la gentillesse une seconde fois. Et puis je me rassure en me disant que je suis bien plus forte que la fois où il a essayé d'abuser de moi. Toujours sous une pluie battante, je crois les bras sur mon torse, une mine renfrognée sur le visage.

— Tu.. tu sais où je pourrais passer la nuit ? Ou trouver à manger autre qu'ici ? Et.. me sécher.

Après une bonne nuit de sommeil, j'aurais l'esprit plus clair et tranquille, et la nourriture ici est hors de prix ; je n'avais rien à échanger même contre une boîte de conserve. Et l'idée de me sécher, j'aimerais bien éviter d'attraper la crève maintenant.

— Je sais que je t'en demande beaucoup, mais.. tu as qu'à me dire comment faire et je me démerderais.