En émergeant, le corps à nouveau recouvert d’une collection de bleus et d’hématomes plus importants, Juliet peine à respirer. Les yeux encore à peine ouverts, elle tâtonne discrètement et sent le contact râpeux d’une couverture. Par réflexe, elle agrippe celle-ci et la serre contre sa poitrine, alors que les flashs commencent à l’assaillir. Difficile de savoir s’il s’agit de véritables souvenirs ou du fruit de ses cauchemars, mais très vite, sa gorge se noue et ses yeux s’embuent.

Reniflant légèrement, elle déglutit pour chasser la boule qui grandit lentement, s’obligeant au calme. Elle n’est pas encore sortie d’affaires. Elle n’est pas encore sortie du bâtiment tout court, en vérité. Ce qui veut dire que ses supplices ne sont peut-être pas terminés. Elle doit trouver un moyen de sortir, et vite.

Peu à peu, un parfum attire son attention. Intriguée, Juliet tente de tourner discrètement la tête pour en chercher l’origine du regard, mais grimace en sentant son cou craquer. Soudain, un son auquel elle ne s’attendait pas résonne dans la pièce. Une voix de femme, qui la surprend à peu près autant que la question elle-même. Sans plus prétendre être encore endormie, Juliet parvient à ouvrir les yeux et, après un moment, à distinguer la chevelure flamboyante d’une rousse, autour d’un regard sombre.

A la deuxième question, la blonde hésite un instant à répondre par un sarcasme, avant de se raviser. Non seulement son esprit est encore trop embrumé, mais en plus de cela, la jeune femme semble mortifiée. Ravalant les insultes qui lui brûlent les lèvres, elle choisit la vérité.

- Oui, beaucoup, croasse-t-elle douloureusement, la bouche rendue pâteuse par la drogue.

Elle regrette presque instantanément son choix, en voyant la rousse se décomposer et se confondre en excuses. Sourcils froncés, Juliet tente de se redresser sur un coude mais abandonne rapidement. Elle n’en a pas la force. A la place, elle tend une main et tapote maladroitement celle de la jeune femme.

- Là, là…

Sa vue se précisant de plus en plus, elle aperçoit maintenant des marques violacées à la base de son cou, qui tranchent violemment avec l’ivoire de sa peau. Un frisson parcourt la blonde tandis qu’une nausée lui tord l’estomac et qu’un nouveau sanglot monte à l’assaut de sa gorge meurtrie. Péniblement, elle chasse les images qui s’imposent à elle, et malgré ses lèvres déformées par les larmes qu’elle contient, s’efforce de réconforter la jeune femme.

- Si on se présentait ?... Je suis Juliet, et vous ?

Putain, pourquoi elle fait ça ? Pourquoi elle essaie d’être gentille avec cette femme, alors que celle-ci est de toute évidence avec les hommes qui les ont attaqués ? S’il n’y avait pas ces marques, ces foutues marques… ce serait plus facile de la haïr.

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- Betsy, répète-t-elle doucement – plus à cause de sa gorge irritée que par gentillesse.

Et pourtant, Juliet est déchirée entre la haine qu’elle ressent, alimentée par ces flashs qui ne cessent de jaillir dans son esprit, et la compassion à l’égard de la jeune rousse. Comme elle, Betsy est une victime, la cible de ces hommes au sadisme débordant. Mais elle ne semble pas avoir suffisamment de courage pour fuir. Ou peut-être n’a-t-elle pas de raison de le faire ; personne qui l’attende dehors, personne pour espérer son retour. Ce n’est pas le cas de Juliet. Et cette dernière n’entend pas mourir ici.

Hochant la tête, elle esquisse un faux sourire. Même si elle imagine l’emprise qu’exercent ces hommes sur Betsy, même si elle comprend qu’elle est tout aussi prisonnière qu’elle, Juliet n’hésitera pas à tirer parti de sa culpabilité. Si cela peut lui permettre de s’échapper…

- C’est – c’est très gentil à vous, merci…, murmure-t-elle d’une voix faible. J’aimerais bien me changer, oui… je sens encore son odeur sur moi…

Elle n’a pas besoin de simuler son dégoût, pas plus que les larmes qui perlent à ses yeux et la grimace qui déforme son visage. De sa main libre, tremblante, elle esquisse le geste pudique de chasser l’eau accrochée à ses cils, déglutissant en même temps.

- Si vous pouviez me détacher, ajoute-t-elle timidement, craignant que sa geôlière ne retire sa proposition malgré tout. Craignant que tout cela ne soit qu’une nouvelle forme de torture sadique, autant pour elle que pour Betsy. Peut-être que vous pourriez me dire pourquoi vous êtes désolée ?...

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Surveillant la rousse du regard alors que celle-ci s’approche pour desserrer les liens qui retiennent encore son poignet, Juliet surprend le coup d’œil de Betsy vers la porte. Attrapant délicatement le bout de ses doigts lorsqu’ils passent à proximité de sa main, la blonde les serrent dans un geste réconfortant.

- Je ne vais pas m’enfuir, Betsy, vous pouvez me faire confiance…, murmure-t-elle avec un sourire doux.

Un pieux mensonge, évidemment. Mais le mal-être de la jeune femme est une arme précieuse pour Juliet, qui n’a pas l’intention de laisser la moindre chance lui échapper. Alors que Betsy s’éloigne, la cavalière se redresse péniblement sur les coudes, étouffant un petit bruit plaintif, avant de s’asseoir précautionneusement au bord du lit.

Sans brusquerie, elle recueille les produits que lui tend Betsy, ne la quittant pas du regard alors qu’elle que celle-ci se livre peu à peu à elle. Se mordant les lèvres à l’évocation des deux hommes dans la cellule, elle associe sans difficulté nom, visage et description. Des informations qu’elle n’est pas prête d’oublier.

- Ce sont eux qui vous ont fait ça ?

Doucement, elle tend une main vers Betsy, comme pour effleurer son cou, avant de se raviser. Elle-même ne supporterait pas d’être touchée sans en avoir donné l’accord, et elle ne doute pas que la rousse ressente la même chose. Baissant les yeux vers le savon qu’elle tient à la main, elle effleure machinalement la gravure artisanale, s’interrogeant vaguement sur sa signification.

- Je ne vous en veux pas, Betsy…, articule-t-elle péniblement. Comme elle voudrait la haïr… Vous avez fait ce que vous avez pu, vous n’êtes pas responsable. Ce sont eux, les coupables.

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