Baissant la tête alors que Betsy écarte ses cheveux d’un geste doux, Juliet ne peut réprimer un frisson lorsque la rousse prononce à nouveau le nom de Chris. Se mordant les lèvres, elle la laisse parler sans l’interrompre, espérant glaner le plus d’informations possible. Et comprendre, enfin, la raison de leur présence…

Fixant un point invisible sur le mur qui lui fait face, elle s’efforce de faire refluer la colère. Si elle parvient à éprouver de la compassion pour Betsy, c’est très loin d’être le cas en ce qui concerne Oliver. Elle se fout complètement qu’il ait eu beaucoup d’ennuis. Ce n’est certainement rien, comparé à ce qui l’attend lorsqu’ils mettront la main sur lui. Elle, Selene, et tous les autres…

Juliet se fige lorsque que Betsy évoque Chris, et l’impossibilité de sa rédemption. Avec une grimace de dégoût viscéral, elle tourne la tête vers Betsy.

- Il n’en aura pas le temps.

Sa voix est dure et implacable. Juliet n’a jamais été du genre à chercher la vengeance mais à cet instant, elle rêve de voir Chris allongé sur une table, maintenu de toutes part et à sa disposition, un arsenal complet destiné à le faire souffrir. A le briser, comme il l’a brisée.

Détournant à nouveau la tête, elle entreprend d’humidifier le savon puis l’éponge, et de faire mousser le premier avec la seconde. A nouveau, ses yeux sont attirés par la gravure sur le pain qu’elle tient entre les mains et, sur le ton de la discussion, questionne Betsy à ce sujet.

- Ça veut dire quelque chose ?

Spoiler:

Un peu surprise par la réponse de la jeune femme, Juliet lui décoche un coup d’œil, la tête légèrement tournée. Elle-même n’a que très peu de souvenirs de moments de complicité avec sa propre mère et entendre Betsy évoquer les siens… cela l’émeut, quelque part. Surtout au regard de la jeunesse de la rousse. Tournant à nouveau la tête pour baisser les yeux sur ses mains pleines de mousse, Juliet hoche la tête en signe de compréhension.

Il lui faut un peu plus de temps qu’elle ne l’imaginait pour se savonner entièrement. Même si Betsy lui a assuré avoir fait sa toilette, Juliet ne parvient pas à se défaire de l’impression d’être recouverte d’une crasse incrustée. Et elle a beau frotter, ce sentiment ne s’en va pas tout à fait. De plus, chaque centimètre carré de son corps est douloureux, comme si elle était passée sous un bulldozer. En un sens, c’est un peu le cas…

Dos tourné à Betsy, elle se rhabille rapidement, peu à l’aise même en présence d’une femme. Alors qu’elle ferme les derniers boutons de sa chemise – jusqu’au col, par habitude – elle est désarçonnée par la question de la rousse. Lentement elle se retourne et se rassoit au bord du lit, prenant quelques secondes pour réfléchir.

- C’est… différent. Tout ça – elle promène un regard dégoûté sur la pièce puis sur le cou de la jeune femme – ça ne fait pas partie de notre quotidien.

Sur l’instant, c’est sans doute la meilleure réponse qu’elle puisse lui donner. Parce que décrire Nisqually n’aurait pas de sens. Parce que leur mode de vie parfois archaïque ne ferait rêver personne – à moins de quitter l’enfer. Et c’est probablement ce que vit Betsy.

Spoiler:

Juliet se fige, comme frappée par un uppercut. Quelque part, elle se doutait que tout ne se terminerait pas ici. Qu’on ne lui ouvrirait pas en grand la porte d’entrée, avec un baiser sur le front et des vœux de prompt rétablissement. S’il y avait une once de vérité dans les récits qu’elle avait entendus, alors elle était la parfaite candidate pour leur communauté. Leur secte. Le dixième cercle de l’Enfer.

Lèvres pincées, elle tente en vain de contenir les larmes qui, cette fois, dévalent pour de bon ses joues exsangues. Elle ne veut pas aller là-bas. Plutôt mourir. Cent fois, mille fois. Tout, plutôt que de subir encore et encore ce cauchemar. Tout, plutôt que de voir chaque jour le visage libidineux de Chris.

Le souffle coupé, il lui faut un instant pour comprendre la proposition que lui fait Betsy. Pour comprendre qu’elle a atteint son but, et même un peu plus. Devant elle s’ouvre une porte de sortie. Pour eux tous. Et pour Betsy, aussi. Car Juliet n’envisage pas de la laisser derrière elle.

S’essuyant les yeux d’un revers de la main, elle s’humecte les lèvres du bout de la langue. L’idée d’abandonner les autres l’éperonne déjà douloureusement. Qui sait combien de temps elles mettront à rejoindre Nisqually. Qui sait ce qui arrivera à Selene, Nihima, Raina et Corray, lorsqu’Oliver s’apercevra de son absence. Tellement de choses peuvent échouer… mais elle doit tenter le tout pour le tout.

Lentement, elle hoche la tête en signe d’acquiescement, encore sous le choc de sa décision et de l’horizon qui s’ouvre devant elle.

- D’accord, souffle-t-elle du bout des lèvres. On part ensemble, on prévient les autres, et on revient chercher Selene…

Cette seule idée – revoir Selene, la serrer contre elle, enfouir son nez dans ses cheveux, pleurer tout son saoul, laver l’infamie – suffit à la faire sangloter de plus belle, pliée en deux, le corps agité de soubresauts.  

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Avec appréhension, Juliet observe les menottes que lui tend Betsy, et dont elle a eu tant de mal à se débarrasser. Ce ne sont sans doute pas les mêmes que celles qu’elle portait avant d’être amenée à Selene, mais leur seule vue suffit à lui donner la nausée. Tremblante, elle hoche la tête et laisse la rousse la mettre aux fers. 


Lorsqu’elle lui tend le sac, Juliet a un nouveau mouvement de recul. C’est trop. Tout simplement trop. Mais elle n’a pas le choix, elle le sait. Betsy n’a pas besoin de le lui dire : son plan consiste visiblement à prétendre déplacer la prisonnière, le plus naturellement du monde, comme si Oliver ou quelqu’un d’autre lui en avait donné l’ordre. C’est leur seule chance, à toutes les deux, de quitter cet endroit. Les yeux encore embués de larmes, elle attrape le sac et le glisse sur sa tête, le cœur au bord des lèvres. L’obscurité qui s’abat sur elle la fait déjà suffoquer.


- Vous avez intérêt à ce que ça ne soit pas un piège...


Oh, pourvu que cela n’en soit pas un. Pourvu que cela ne soit pas une nouvelle forme de torture mise au point par Oliver. Pourvu que, sous ses airs perdus, Betsy ne se révèle pas un agent double. Pourvu que la rousse ne la conduise pas tout droit dans la gueule du loup. 


Et pourvu que Juliet ne mène pas New Eden directement à Nisqually…

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