Let's Talk ft Alan

Comme indiqué par Bruce, j'ai emmené Alan à sa caravane avec l'aide de Otis. Je lui ai ensuite demandé de nous laisser après l'avoir remercié pour son aide. Il a bien vu à mon air sérieux qu'il fallait nous laisser seul. Nous avons posé Alan sur son lit, toujours dans le gaz après qu'il se soit évanoui et je suis passé dans le petit salon pour fumer une clope en faisant les cent pas. Bien sûre que je suis inquiet pour lui, mais il est hors de question que je me laisse attendrir. Pas après avoir entendu le récit d'Alex et ce qu'elle avait à dire sur lui. Il faut que je sache, il faut que je puisse comprendre. Je suis tiraillé, mais déterminé à ne pas le montrer. Je dois tirer tout ça au clair et ça ne peut pas attendre. Je bouillonne de l'intérieur, encore bien trop chamboulé par tous les éventements de cette soirée. Je passe rageusement ma main dans mes cheveux. Oh si j'avais dû suivre Alex chez ses fanatiques religieux, je l'aurais fait, même si ça signait ma perte. Probablement qu'il y a une part d'égo dans tout ça, pas question de me l'avouer pour autant. Je pousse tout de même un soupire de soulagement qu'elle et moi on y ait échappé. Je termine de fumer ma clope avec une avidité poussée par les nerfs avant de me diriger vers l'espace cuisine. J'écrase ma clope dans l'évier et je remplis un verre d'eau. J'inspire profondément avant de rejoindre Alan dans la chambre.

Je pose le verre d'eau sur sa table de nuit et mon ventre se contracte violemment. Est-ce que Alex a dit la vérité ? Est-ce qu'elle a exagéré sur certains points ? Je me dois de laisser le bénéfice du doute à Alan avec tout ce qu'on a vécu ses derniers mois. Il n'en mérite certainement pas moins. Alors, je viens m'asseoir sur le bord du lit et ma main glisse le long de sa joue en tapotant doucement du bout des doigts.

Alan ! Réveille-toi. Ça va aller. C'est passé maintenant.

Ma main passe dans ses cheveux et s'écarte brusquement quand je me vois imposer l'image de la façon dont il était prêt à étrangler Alex ce soir. Je l'ai déjà vue la bête, mais de la voir cibler mon amie, c'est une toute autre histoire. Je frissonne et ma main se pose sur les draps que je serre violemment entre mes doigts. Désemparé par les sentiments contradictoires qui se bousculent en moi. Je secoue la tête et reprends la parole à voix basse.

Faut qu'on parle tous les deux. Réveille-toi et bois de l'eau. Reprends toi et raconte moi ce qu'il s'est passé avec Alex. Tout ! Depuis le début.

Et je m'empare du verre d'eau en le tendant vers lui pour qu'il s'en empare quand il aura repris ses esprits.

Let's Talk

I can do anything for you,
I'll swear I'll protect you,
But the beast inside me
Makes me crazy.

Le brouillard total. Plus rien. Alan avait été transporté mais en lui, quelque chose semblait exploser. Un feu d'artifice interne, un tourbillon d'émotions contradictoires. L'envie de tuer, de mettre à exécution ses menaces, l'envie d'éliminer la menace pour que tout redevienne comme avant. Mais aussi l'envie d'être mesuré, stratège et confiant. L'envie de faire confiance. Pas à n'importe qui mais aux bonnes personnes. Kaz... Kaz le bel éphèbe qui venait troubler les pensées du galeriste depuis plusieurs mois désormais... Sa confiance, il lui avait livré toute entière. Il aurait dû le faire depuis le début et s'en remettre à lui en rangeant ses pulsions. Mais celles-ci étaient trop fortes et c'était la première fois qu'elles s'exprimaient sans le feu vert d'Alan.

Ce dernier reprit connaissance après un moment et se sentit engourdi. Des courbatures semblaient le maintenir sur le matelas. Les sourcils froncés, il sentit la main de Kaz sur sa joue. Alan secoua la tête lentement en tentant, comme il pouvait, de sortir de sa torpeur. En ouvrant les yeux lorsqu'il tomba sur le visage du jeune acrobate, un soupire de soulagement le gagna, et il se détendit. « Kaz... » Murmura-t-il d'une voix rauque avant de fermer étroitement les paupières pour tenter d'ignorer la douleur de ses mâchoires. Pendant le choc, le cinquantenaire avait tant serrer la mâchoire qu'il avait eut de la chance de ne pas simplement se sectionner la langue. Les convulsions avaient été impressionnantes et le choc lourd. Alan rouvrir les yeux et tenta comme il put de se redresser légèrement. Mais sa tête lui tournait.

« Je... Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » Alan ne comprenait pas. Il avait été debout, derrière Milow tandis que celui-ci se faisait agresser par Connor... Il y avait eut Kaz et les autres, qui étaient revenus avec Alex... Alex... Pendant quelques secondes, son cerveau l'avait éliminé de sa mémoire. Pour un instant de répis peut-être. Mais le compagnon du galeriste se chargea de lui rappeler son nom en arrivant avec des questions. Rouvrant les yeux clairement, Alan aperçu une lueur dans le regard bleuté du jeune homme. Le doute... La peur... Il avait besoin de réponse, et le cinquantenaire l'avait compris. Mais comment expliquer des actes qu'il n'avait pas l'impression d'avoir commis ? Car Alan ne se rappelait pas d'avoir agressé Alex, du moins pas clairement. Seules des bribes de la mémoire sanguine de la Bête subsistaient dans son esprit. Le reste ? Envolé.

Mais la voix calme et basse de Kaz aida Alan à sortir petit à petit des limbes dans lesquelles il était resté enfoncé. Il se redressa quelque peu et saisit le verre d'eau qu'il lui tendit. Attardant ses doigts sur les siens, Alan ressenti de soulagement de savoir Kaz bien vivant, ici, à ses côtés. Il poussa un soupire de soulagement, sincère, puis but une gorgée d'eau. « Je ne sais pas ce qu'il s'est passé... Je... Kaz qu'est-ce que j'ai fait ? » Dans sa voix, une réelle inquiétude se fit entendre, un léger tremblement dans cette voix si rauque et si confiante d'ordinaire. Une lueur brillait dans les yeux sombres du galeriste qui chercha le regard de Kaz. Il en avait besoin.

« Alex... Je... Depuis le début j'ai eu des soupçons. Sa manière d'agir, de vouloir tout savoir sur nous, sur notre façon de vivre, nos alliances et nos faiblesses... Je savais qu'il y avait quelque chose. » Car oui, s'il devait tout raconter à Kaz, autant commencer par le début. Il poussa un nouveau soupire, d'épuisement et de lassitude cette fois, puis poursuivit. « Au début, je me suis contenté de rester en retrait et de l'invité à trouver sa place. Mais plus tard, elle m'a parlé de toi, elle m'a parlé du groupe... Et je me rappelle que cette chose en moi l'a menacé. Si jamais il arrivait quoi que ce soit à l'un d'entre vous... » Alan baissa la tête, les sourcils froncés, tentant de se rappeler distinctement de ce qu'il avait pu lui dire, mais comme à chaque fois que la Bête prenait le dessus, il ne conservait que des bribes d'informations. « Quand elle a disparu, pendant votre absence, j'ai voulu savoir où elle pouvait etre. J'avais toujours des soupçons qui devenaient de plus en plus légitimes. J'ai fouillé sa caravane et trouver plusieurs indices... » Un rire jaune et amère traversa Alan qui secoua la tête. « Dire que j'ai raté le plus important... Ces bombes qu'elle cachait... Mais je me suis souvenu d'elle... Et de son père. J'avais déjà vu Alex bien des années auparavant, cela a perturbé mon sens de l'observation, je n'en sais rien... »

Plissant les yeux sous la douleur que lui provoquait l'entièreté de son corps, Alan tenta de s'étirer pour se redresser sur ses oreillers. Il fixa le visage de Kaz qui semblait en proie à un vrai dilemme, et pencha la tête sur le côté. « Quand elle est entrée dans la caravane, elle a vrillé totalement, je n'avais pas compris tout ce temps qu'elle subissait les sévices d'autres assaillants... Nous l'avons soigné avec Milow, j'ai vu les marques sur son corps... Et son ventre... Mais ce soir... Je ne sais pas ce que je lui ai fait... Mais quand je l'ai vu tenant en joue les autres... Je ne sais pas ce qu'il s'est passé... C'était comme la dernière fois. » Kaz saurait qu'elle était cette dernière fois, celle où Alan avait simplement tué de sang froid de hommes qui avaient agressé Kaz. Il avait eut cette même absence totale de contrôle.

« Je pensais tout avoir sous contrôle... Mais... J'ai la mémoire comblée de trous et ce qui s'est passé tout à l'heure... Je ne sais pas ce qu'il s'est passé Kaz. Je n'en ai aucune idée. J'ai vu Alex arriver, je voulais rester calme mais quelque chose en moi s'est rebellé... Ça n'avait jamais fait ça avant... » Dans la voix d'Alan, quelque chose tremblait. Quelque chose de profondément inquiet. Car si ce galeriste de renom aimait avoir le contrôle sur tout ce qui l'entourait, cette perte de contrôle de son propre corps l'avait effrayé. Sans s'en rendre compte, il avait posé sa main sur celle de Kaz et l'avait serrée, un peu, par peur. C'était la première fois qu'Alan avait peur de ce qu'il avait pu faire.

Il reprend conscience et je serre les dents. Je dois me montrer doux et indulgent après ce qu'il vient de vivre et pourtant ça bouillonne en moi. Les paroles d'Alex qui repassent en boucle et les images qui m'envahissent la rétine comme en contre jour devant son visage. Il me demande ce qu'il s'est passé et je ne dis rien parce que je suis trop occupé à me retenir de me mettre à hurler. Trop, ce soir c'est trop pour moi. L'empathe a eu sa dose et je n'ai pas du tout envie de continuer à me contenir. Je me permets même de lever les yeux au ciel, agacé. Il s'empare du verre d'eau et je suis tout de même inquiet sous la colère alors mon regard s'adoucit un instant, mais je refuse de me laisser prendre au piège de mes sentiments. Il me demande ce qu'il a fait et entre mes dents serrées, je réponds.

T'as failli tuer Alex. Si je ne t'en avais pas empêché. Mais c'est pas la question, j'ai besoin de savoir...le reste.

Et il entame alors ses explications. Ok, il a eu des soupçons, il n'est pas le seul ici et il s'avère finalement que c'était en partie fondé. Je reste pourtant persuadé que si la plupart d'entre nous avaient pris les choses différemment avec Alex, on aurait pu gagner sa confiance et la mettre totalement de notre côté. Évident que le règne de la peur ça ne fonctionne pas avec elle. Alors, tout le monde n'est pas capable de faire preuve de la même humanité, mais ma relation avec elle est pour moi la preuve qu'en lui offrant de bonnes intentions et de la douceur, c'est le meilleur moyen d'obtenir quelque chose d'elle. La mâchoire serrée, j'écoute le récit en attendant patiemment mon tour. Il ne se souvient pas, mais moi cela ne me suffit pas . J'ai plein plus de questions, bien plus de doutes.

Il pose sa main sur la mienne et je baisse les yeux pour les regarder quand il sert ses doigts autour des miens. Non. Je refuse encore de me laisser parasiter, je dois garder la tête froide. Mes doigts se serrent brièvement en retour autour des siens avant de rompre le contact. Je me lève et entame de faire les cent pas au pied du lit. Je soupire et entrouvre les lèvres à plusieurs reprises pour les refermer aussitôt. Je ne sais pas très bien comment aborder les choses. Oh et puis fuck. Ça viendra comme ça viendra. Je m'arrête finalement de marcher et lui fait face depuis le bout du lit. Menton qui se redresse alors que mon regard se braque dans le sien.

Tu parles de ce qu'il y a en toi, mais y a plein de moments où tu avais le contrôle et ça ne t'a pas empêché de faire n'importe quoi. Si tu avais des doutes, pourquoi t'en a pas parlé ? Aux autres, à moi ? Surtout à moi. Et de quel droit tu penses pouvoir dire à Alex de ne pas m'approcher sans même m'en parler? Je ne suis pas un joli objet qu'on range dans un coin et qui ferme sa gueule. Tu aurais dû m'en parler. Personne ne décide pour moi.

Mon regard se fait plus dur avant de me détourner dans un autre soupire et de serrer le poing pour ensuite reprendre la parole.

Je ne comprends même pas ce que tu racontes. Qu'est-ce que t'as trouvé dans sa caravane et quel est le rapport avec le fait que tu la connaissais avant ? De tout façon rien ne justifie la façon dont tu l'as traitée et dont tu as eu si peu de considérations pour moi.

Je pousse un grognement et je continue.

Ce soir tu as failli la tuée. Tu me fais peur Alan , tu lui fais peur à elle aussi. Qui dit que ce ne sera pas quelqu'un d'autre la prochaine fois ? Hein pourquoi pas Milow, Connor ...ou moi ? Ce dont tu es capable, ça me révolte et même si ça se cache sous le principe que tu veux défendre les tiens. Non, je n'accepte pas ça et ce n'est même pas juste de tout remettre là-dessus. Toi aussi tu as fait de mauvais choix.

Sans même m'en rendre compte, mon index s'est pointé vers lui et j'ai élevé la voix. Je ne tiens plus et je suis tenté de partir sans même lui laisser une chance de me répondre. Mais, là ce serait moi qui ne me montrerait pas juste alors je me contente d'allumer une clope et de tirer dessus avec avidité. Même pas convaincu que j'ai envie d'entendre ce qu'il va pouvoir me répondre, mais je lui accorde tout de même cette faveur pour tout ce que nous avons partagé tous les deux.

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