Qui aurait cru qu’il y aurait encore des gens pour faire de la plongée récréative ? Peu de monde j’en suis convaincu. Jamais je n’aurai cru voir quelqu’un me contacter pour ça et pourtant, me voilà à attendre deux clients pour les emmener plonger dans les eaux de Seattle. Voilà une nouvelle qui me réjouit largement. Si bien que quand ce jeune m’a proposé de rejouer les moniteurs de plongé, j’ai accepté sans hésiter. Et quand j’ai vu les deux approcher, j’avais le sourire aux lèvres :

« Soyez bienvenu. » Je descends de mon bateau pour les accueillir avec le sourire, comme je l’avais si souvent fait avant, quand tout était plus simple. Une jeune femme blonde et un jeune homme blond, probablement un rendez-vous amoureux, je tâcherai de me faire discret. Je me présente rapidement : « Je m’appelle Tomas. » Ce petit semblait être quelqu’un avec la tête ne l’air, il ne m’avait même pas demandé mon nom lors de notre première rencontre, c’était dire à quel point il s’était montré imprudent. J’aurai très bien pu être un tueur en série ou alors l’appât d’un groupe de pillards. Mais heureusement pour lui, je suis totalement honnête et je me contente de les prévenir sur un point :

« Je ne pensais pas que vous seriez deux, je n’ai de l’équipement que pour une personne en plus de moi. » Ce serait donc l’un après l’autre s’ils voulaient plonger tous les deux. De plus, ça m’arrangeait car il fallait toujours quelqu’un sur un navire, pour éviter les mauvaises surprises, comme une ancre qui se décroche ou alors une visite impromptue de la part d’une bande de pirates :

« Nous verrons quand nous serons en mer. Il y a quelque chose que vous souhaitez voir en particulier ? » Nous avions de la chance, le soleil était magnifique, le temps agréable et l’eau était quand même assez claire pour permettre une très intéressante plongée, même à faible profondeur. Je commençais donc les manœuvres pour quitter le quai pendant que j’invitais mes deux clients à s’assoir dans un coin pour profiter du soleil et attendre que nous soyons en pleine mer. « Ne touchez à rien par contre, je suis seul pour la manœuvre et ce serait dommage de tout me dérégler. »

- T'es sûr qu'il est sérieux ? Demanda Kaycee alors que Jesse débarquait de manière inopinée dans son dispensaire pour l'avertir de la bonne nouvelle.

Cela faisait presque deux mois que le garçon était venu se faire soigner là. Kaycee l'avait vu régulièrement chez les jumeaux Gordon et ils étaient définitivement devenus de bons amis. C'était officiel ! Elle savait qu'il cherchait activement depuis quelques jours à rembourser sa dette auprès de la jeune fille. Elle ne saurait dire si elle était surprise qu'il eut trouvé quelqu'un pour les initier à la plongée si facilement.

Quoi qu'il en était, elle le suivit évidemment le moment venu avec excitation à l'idée de mettre en pratique quelque chose de simplement différent. Inédit pour elle aussi bien sûr, et unique ! Ce fut ainsi qu'elle rencontra Tomas. Elle ignorait son lien avec Ruben, Kaya et compagnie, qu'elle n'avait de surcroît pas vus depuis quelques temps. Enfin hormis Joaquim qui était passé avec Nolan par le dispensaire plusieurs fois dernièrement. Son regard s'attarda sur le bateau du blond.

- C'est quel modèle ? Lui demanda-t-elle après l'avoir évidemment saluer. Je fais du bateau aussi, j'ai retapé un Laser 2000. Elle l'avait d'ailleurs ressorti plus régulièrement depuis le mois de mai, alors que la rotation dans sa clinique de fortune lui offrait plus de possibilités pour s'aérer.

Elle échangea un regard avec Jesse alors que l'homme leur demandait ce qu'ils espéraient voir. Euuuh des poissons ? Elle haussa les épaules.

- Ce qu'il y a à voir, je suppose ? Répondit-elle, sans conviction. Tu as déjà plongé par ici, tu connais les endroits ? C'était quand la dernière fois que tu en as fait ?

Elle alla s'asseoir sur le bateau, observant le scandinave commencer ses manoeuvres et compara mentalement ce qu'il faisait à ce qu'elle avait l'habitude de faire aussi sur son petit monocoque. Ce n'était pas très différent.

- Tu crois qu'on trouve beaucoup de rôdeurs au fond de l'eau ? Demanda-t-elle soudainement à Jesse assis à côté d'elle, alors que cette éventualité la traversait. Ce ne serait pas une rencontre des plus glamours...

Je suis resté quelques secondes silencieux face à la question de Kaycee, elle m’a surpris, il ne fallait pas se mentir : « Je t’avoue que je ne sais pas exactement, la seule chose que je peux te dire c’est que j’ai utilisé un 420 biplace pour l’entrainement. » Je ne connaissais même pas le constructeur de mon navire, mais ce n’était pas très grave, tant qu’il naviguait, c’était bien la seule chose qui m’important dans l’affaire. Pour le reste, j’ai expliqué ce que j’avais en même du coup :

« Je crois avoir vu deux épaves un peu nord de la ville, deux navires qui se sont rentrez dedans et qui ont coulés ensemble. Ça pourrait être une bonne expérience de plongée, peu de profondeur. » Je savais que les épaves faisaient souvent office de récif artificiel pour les organismes sous-marins. En quelques années, il devait s’être développé une vie là-bas, ça pourrait être intéressant ? Je réponds d’ailleurs à la question de Kaycee :
« Je ne plonge pas régulièrement dans le nord de la baie, ce sera donc une découverte pour moi. Cependant, je suis moniteur de plongée depuis des années, j’ai… j’avais tout ce qu’il est possible d’avoir pour un plongeur en scaphandre humide. Excuse-moi un instant.» Je la laisse pour aller m’occuper de la navigation et je suis rejoint par le petit Jesse, qui me pose des questions sur le risque de croiser un homme creux :

« Les rôdeurs ne nagent pas, ils sont soit sur l’eau soit tout au fond. Ça devrait aller pour nous. » Voilà qui devrait rassurer le jeune homme pendant qu’il nous attend, puis, pour le rassurer, je dégaine le couteau que j’ai à l’avant-bras : « Nous avons toujours de quoi nous défendre. » Puis je le laisse pour aller préparer l’équipement. La combinaison, le masque pour la jeune femme, je lui fais signe qu’elle peut commencer à se changer. Pour ma part, je prépare les bouteilles et les détendeurs. Il y aura une petite cession d’explication sur la fonctionnement de celui-ci et puis on pourra aller dans l’eau.

- T’es sûr que tu veux pas en profiter pour essayer aussi ? L’occasion ne se représentera peut-être plus… rappela-t-elle à Jesse.

Elle questionna Tomas du regard. En réalité, avec un formateur sous la main, peut-être qu’ils pourraient réitérer l’expérience si cette dernière se passait bien… Finalement plus grand monde n’utilisait ces vieilles bouteilles d’oxygène, il ne devait pas être si complexe de mettre la main dessus, à partir du moment où on avait trouvé un filon.

La jeune fille esquissa un sourire alors que le bateau fendait les vaguelettes et que son ami vantait la température de l’eau. Elle grimpait par ici rarement au-dessus des 13, voire 14 degrés. Non, ce n’était définitivement pas très chaud… un peu d’embrun, comme ça, par-dessus la coque, cela rafraichissait agréablement, mais se glisser – et rester ! – intégralement dedans… brrr.

- On te fait confiance, j’imagine, répondit la petite blonde à la proposition du marin pour les mener vers des épaves.

Elle échangea un regard avec son complice du jour et haussa les épaules. Avant de changer de sujet et d’écouter Jesse tâcher de la rassurer au sujet des rôdeurs flottants. Après tout, qui disait naufrage, disait morts, n’est-ce pas ?... Par acquis de conscience, le garçon alla demander à leur skipper son opinion, et Kaycee perçut sa réponse. Elle discuta alors quelques instants de plus avec son copain, avant de se voir tendre une combinaison à enfiler. Elle fit un hochement de la tête et s’en empara. L’instant d’après, sans réelle pudeur, elle faisait tomber son pantalon, dévoilant sa vilaine cicatrice à la cuisse, pour se retrouver en culotte et passer les jambes de l’engin. Ça collait à la peau et elle galéra un peu à remonter le néoprène au niveau de ses hanches. Si les deux hommes pensaient alors qu’elle virerait le haut pour leur offrir le spectacle de la voir en maillot, elle n’en fit rien. Pour tout dire, elle n’en avait pas. Elle garda son T-shirt sous la combinaison, passant les bras, avant de se retourner pour demander à Jesse de l’aider à remonter dans son dos la fermeture éclair.

- Merci, souffla-t-elle, lorsque ce fut fait, tout en essayant de tirer un peu sur cette double peau, peu confortable. Du moins ici, à l’air libre… Car il ne faisait aucun doute qu’elle se révèlerait rapidement indispensable, quand elle se glisserait dans les flots. Son regard partit d’ailleurs vers les profondeurs. Tu sors beaucoup en mer ? Demanda-t-elle alors à Tomas, pour essayer de chasser une certaine appréhension. Il t’arrive de voir des dauphins ou des orques ? J’en ai aperçu une fois de loin. J’aimerais trop nager avec les dauphins, ajouta-t-elle. C’était une autre de ces choses qu’elle pensait devoir faire un jour.

Le norvégien termina alors de préparer la suite du matériel. L’heure de la grande expérience approchait…

Alors que Kaycee a fini de se changer, je réponds à ses question : « Au moins une fois par semaine, le plus souvent pour faire le trajet entre mon camp et le NML. »NE pas dire d’où je viens, ne pas le dire, faire attention pour éviter les accidents. Pour ce qui est des dauphins par contre, je suis désolé de devoir la décevoir :

« Je crois avoir aperçu les jets respiratoires d’une famille de baleine une fois. Mais je n’ai pas encore eu la chance d’apercevoir des dauphins de prêt. » A mon grand malheur je devrais ajouter, nager avec ces animaux est une chose passionnante, les voir bouger et évoluer : « J’ai eu l’occasion de nager avec eux une fois, à Bali, par contre… c’était magnifique. On dirait qu’ils ne sentent pas la résistance de l’eau, comme s’ils volaient. » Peut-être que je pourrais me mettre à utiliser ce navire pour chercher des dauphins et faire payer des gens pour les voir ? Du tourisme ? ça marcherait ? Faudrait que j’en parle avec Andrea et le conseil à l’occasion.

Nous finissons par arriver à l’endroit dont j’avais parlé Kaycee et Jesse, l’eau était relativement claire et nous pouvions voir les fameuses épaves. J’enfile ma combinaison en néoprène et je commence à équiper Kaycee. C’est lourd au début, mais une fois dans l’eau, elle se sentira bien plus légère. J’en profite pour continuer mes mises en garde : « Nous n’allons pas descendre très profond mais la luminosité et la température vont rapidement chuter. Surtout reste avec moi et ne panique pas. » Super Tomas, tu ne pouvais pas faire pire pour la mettre en confiance, mais en même temps, envisager le pire est toujours le mieux :

« Si nous avons des ennuis, surtout, sous aucun prétexte ne remonte à la surface. Tu en auras envie mais il ne faut pas le faire. Tu es bien plus mobile dans l’eau et tu risquerais un accident de décompression si tu remontais trop vite. » C’était surtout valable si on descendait à plus de 10 mètres, chose qui n’arrivera pas, mais mon but c’est de la dissuader de remonter quoi qu’il arrive.

Une fois que c’est clair, je reviens vers Jesse et je l’invite à rester tranquille tant que nous serons sous l’eau : « Jesse, ne touche à rien à part le banc de bronzage et la réserve de nourriture et d’eau. Ça, tu peux te servir en nous attendant. J’ai entre 25 et 30 minutes d’oxygène, après il faudra remonter. » Mais d’ailleurs, avant de plonger, je vais chercher un autre couteau de plongée pour le donner à Kaycee, au cas où…