Eh bah, elle en a dans l’gosier c’te p’tiote. Enfin, c’te p’tiote… Cette nana là quoi. Mais bon, je ne m’en doutais pas. C’est une Ranger après tout, et ces types avaient beau pas nous arriver à la cheville, ils étaient quand même capable de faire bien des surprises. J’me souviens d’ailleurs d’un ranger qu’avait pas froid aux yeux. C’t’enfoiré avait mitraillé les Talibans depuis une position en hauteur, et il avait prit tous les tirs dans la tronche ! On a pu contourner la position adverse, et voilà… C’était fini de cette demi-douzaine d’enfoirés. Ah, du beau combat.

« Eh bah ! S’retrouver ici, d’puis le Canada. Tu vas m’faire passer pour une p’tite bite ! »

La suite de la discussion arracha un rire gras au SEAL. C’était peu ou proue ce qu’il s’était exactement dit lorsqu’il est arrivé à Fort Ward. Il avait critiqué les mêmes tactiques, les mêmes aspects des choses, il avait analysé la façon de marcher, de fonctionner, avec un regard du militaire de l’ancien temps. Un temps où les guerres étaient conventionnelles, où des drones volaient dans les cieux, où des forteresses volantes pouvaient bombarder toutes les positions adverses possibles et imaginables, depuis des kilomètres en altitude, et avec une précision chirurgicale. A cette époque, l’ennemi réfléchissait.

Bon, New Eden réfléchit et à des moyens conséquents oui. Mais les rôdeurs, eux, et les petits groupes de survivants, eux, ils ne réfléchissent pas ou peu. Laisser un type en retrait surveiller le point d’extraction, bien-sûr que ça semble évident ! Mais ça veut dire le laisser seul face à une horde, et se déséquiper d’un type capable, durant l’opération frontale. Bref, c’était bien avant…

« Tout ça, c’était avant tu sais. Pour quadriller une zone, pour penser à l’observation, à l’éclaireur, au soutien, à la logistique, il faut une armée formée d’la même manière, c’qui est pas notre cas. Faut aussi des dessins tactiques… Et s’t’y réfléchis bien, not’ principal ennemi, il pense qu’à une chose : bouffer. Il s’fatigue pas, il ressent pas la douleur, il pense qu’à bouffer. » Bah ouais, du coup, tu combat pas la chose d’la même manière quoi. « C’te tactique fonctionne face à New Eden, ça, c’est clair ! Et faudra pas oublier nos bons réflexes ! Mais face aux rôdeurs, faut s’adapter. Et c’est frustrant carrément… »

J’espère en tout cas qu’ma malchance va vraiment finir par se barrer. J’sens bien là qu’elle pense que j’suis un cador, une élite parmi l’élite, et qu’avec moi, toutes les missions peuvent que bien s’passer. La preuve que non, j’me suis fait dérouiller à ma première mission avec Fort Ward… Enfin, j’ai quand même égorgé 3 de ces fils de pute, le tout en toute discrétion… Mais le dernier m’a eu comme une merde, et depuis, on ne peut pas dire que j’ai beaucoup brillé… M’enfin… C’est du passé.

Bref ! L’entraînement ! J’l’écoute, et je m’applique. Je regarde le fanion, je regarde ses schémas. J’écoute ce qu’elle me dit, avec ses conseils et tout. J’me souviens de quelques cours similaires, lorsqu’j’avais voulut prendre la formation d’mitrailleur. Bon, on n’avait pas autant d’informations sur le devenir d’la balle, puisqu’à 800 mètres, ça servait à rien de tirer, ah ça non ! « Alors… Alors… Ok… Hum… »

BAM !

La balle file à toute allure, et passe très prêt de la cible. Si prêt que le vent produit par la balle fendant les airs provoque un déplacement de la cannette sur le côté, et la terre, soulevée juste derrière et à droite, le propulse encore un peu plus loin de côté… Mais la cible est manquée. Bien que renversée, il était évident qu’aucun trou n’avait déchiré la cannette…

« Rhaaa Bordel ! C’est vraiment pas mon fort, putain ! J’suis meilleur à l’assaut ! Montre-moi toi ! »

Petite bite ? Le SEAL se met le doigt dans l'œil, Sarah n’est pas de ce genre là, on ne peut pas comparer l’incomparable. Elle prend néanmoins la chose pour un compliment, se doutant bien que c’était là que le militaire voulait en venir. Quant à son retour sur son analyse des approches “‘militaires” de Fort Ward, ses paroles semblent trouver écho chez son interlocuteur qui vient à nouveau lui apporter son opinion sur le sujet avec quelques éclaircissements en prime.

“Globalement tu prêches une convaincue. On ne doit en effet pas considérer les morts au même titre que les vivants… Mais New Eden représente quand même une menace qui peut nous tomber dessus n’importe quand en extérieur, vu leur nombre, ça arrivera forcément.” La prudence doit donc être de mise et selon elle, le camp doit au maximum prévoir le pire des scénarios : une patrouille surprise de New Eden. Sans compter que de ce qu’elle a compris, l’ennemi est au courant de leur position, surveiller leur déplacement peut donc être une tâche aisée pour eux et un facteur à prendre en compte. “Et après… l’équipe du canada aurait pu très mal finir si je n’avais pas été là. Un éclaireur ou un observateur aurait dû être sur place, ne serait-ce que pour surveiller les mouvements de la zone, ici en l'occurrence, c’était une horde surprise.” Et il s’agissait bien de morts et non de vivants, elle n’en démord pas, il faut que Fort Ward forme davantage ces soldats à des rôles bien précis. “Comme tu le dis, il faut une armée formée à ces différents postes. Et ça… ça peut se faire, suffit de se relever les manches et d’organiser ça bien.” De ce qu’elle sait, il y a déjà des formations pour les pilotes, il peut donc y en avoir également pour les autres corps de métier de l’armée. Tout du moins, c’est ce que son œil de nouvelle arrivante lui indique, il y a plein de chose à faire pour s'améliorer mais elle ne connaît encore que trop peu le fonctionnement du camp pour s’avancer davantage sur le sujet.

Sur ce, elle n’en dit pas plus et laisse le temps au SEAL de se concentrer sur sa cible. Avec ces nouvelles données, il devrait pouvoir s’en rapprocher. De ce temps, elle vient retrouver la terre, à plat ventre, son œil vient se coller à sa lunette pour admirer le nouveau tir. Nouveau tir qui ne se fait pas prier et qui rate de peu la canette, de très peu même vu la distance. “Ne sois pas si dur envers toi-même. Là, si la cible était humaine et que tu visais le torse, tu l'aurais eu, il serait mort.” C’est une victoire en soi, le coup de la canette, c’est vraiment pour les psychopathes comme elle, ceux qui ont passé des dizaines à ne faire que ça ou presque. Dans tous les cas, elle a toutes les données pour lui montrer comment on envoie cette canette en enfer, l’échec du SEAL va même l’aider à la tâche. “Ok ok, bouge pas.” Elle calibre sa visée et ajuste l’angle de son arme en prenant en compte la trajectoire de la balle, ce qui lui vaut plusieurs longues secondes de concentration absolue avant qu’elle ne vienne enfin appuyer sur cette gâchette.

Ses années d'entraînements lui permettent de toucher de justesse le cul de la canette, c’était moins une, sans quoi elle ne doute pas que le SEAL s’en serait donné à cœur choix pour lui envoyer une nouvelle pique, ouf. “À chacun sa spécialité. Je n’aimerais pas t’affronter au corps à corps !” Qu’il se rassure donc un peu.

Forcément, faut qu’elle fasse mouche putain… Et dans sa manière de visée, et dans ses propos… Elle fait mouche en parlant de tactiques qu’il faut adapter aux morts, et celles qu’il faut conserver avec les vivants. Ces salopards de New Eden, qui s’amusent à suivre un fou, un illuminé, un salopard d’enfoiré qui s’appelle ons’enfoud’tonputaind’nomd’connard qui donne des ordres illuminés, à des troupes d’illuminés, dans un esprit illuminé… Putain de merde, c’que j’donnerais pas pour crever cet enfoiré là… Chez nous aussi on à un immunisé, et bien qu’il ait un melon aussi gros qu’la bite d’un cheval, il s’prend pas pour dieu quoi ! Enfin, j’crois pas…

« Et moi, j’aimerais pas t’avoir contre moi à distance… Si j’devais aller au front, et t’savoir perchée quelqu’part d’où t’peux tout voir, j’serais putain d’pas rassurer ouais… »

Ouais parce que bon, si elle parvient à toucher une putain d’cannette d’là où on est, alors un bonhomme immobile, ou même qui marche ou qui court, ç’doit pas être bien difficile pour elle… Nan, pas bien difficile. T’me diras, j’ai bien hâte d’la voir à l’œuvre ! ça doit être de toute beauté ! Bien sanglant comme il faut.

« T’avais prévu d’autres trucs pour ton entraîn’ment ? Parce qu’là, j’me vois pas réessayer. T’veux faire quoi ? J’t’invite au bar ? »

Parce que ouais, là, j’prendrais bien un whisky… Il fait chaud, très chaud… Et il fait aussi très humide, donc, tu sue comme un porc, mais tu as aussi tout l’temps les vêtements humides, c’qui fait qu’t’es jamais sec, et c’est franch’ment dégueulasse… Un bon whisky, ça m’ferait bien du bien ouaip…

« J’imagine qu’peux offrir un verre à une camarade des forces d’élite ? T’fais partie d’notre armée j’imagine ? Sous les ordres de Stanley ? Et des autres chefs, comme Arizona, Levi, et June, évidemment. »

La discussion ne s’éternise pas autour du système militaire de Fort Ward, tout est dit ou presque, il n’y a plus qu’à agir maintenant. Et en parlant d’agir, le SEAL ne manque pas de faire remarquer à la tireuse d’élite sa crainte de l’avoir contre lui sur le champ de bataille. Un petit sourire vient étirer les lèvres de la tireuse alors qu’elle commence à régler son fusil pour dégommer la dernière canette, celle à mille mètres. Avec les tirs précédents, y compris seul de Logan, elle a largement de quoi faire pour calibrer proprement son prochain tir.

“Ah ah je te comprends ! Nombreux libyens et irakiens n’ont pas eu cette chance.” S’envoyer quelques fleurs, ça ne fait jamais de mal non ? Continuant son calibrage, son petit sourire s’efface doucement alors qu’elle reprend sa concentration.

“Nan rien d’autre de prévu. Juste cette dernière bitch à dégommer.” Il aura fallu quelques échanges seulement pour que Sarah retrouve sa vulgarité naturelle, celle qui sort tout seul et qu’elle a du mal à corriger en dehors des rapports avec des supérieurs. “Un verre ?” Il est encore tôt mais avec la chaleur, c’est tentant, de plus, elle se voit refuser cette offre face à un autre membre d’élite. C’est un peu comme une tradition dans l’armée, l’on peut se permettre de boire à tout heure pendant les jours OFF. “... avec plaisir.” Ça ne fera pas de mal et c’est une occasion de découvrir un peu plus en profondeur un nouveau personnage de l'île qui s’annonce prometteur. “Cela même, je pense qu’on va se retrouver rapidement sur le terrain. Tu n’es pas responsable toi d’ailleurs ? Les SEALs ne courent pas les rues, ton savoir devrait être  intéressant sur le terrain pour diriger les troupes." C’est par ailleurs le premier qu’elle croise, Fort Ward serait bête de ne pas s’intéresser à son CV et son expérience. La question n’est pas qu’une curiosité des plus banales, la militaire est carriériste et si un soldat d’élite peut obtenir une place avec responsabilité dans cette armée, ce serait un plus pour elle.

Trêve de bavardage, elle appose son index sur la gâchette de son fusil et prend une profonde inspiration. Trois longues secondes et elle vient enfin appuyer sur celle-ci sans même expirer. Le suspens ne dure pas bien longtemps avant qu’elle n’admire l’aluminium exploser en morceaux au travers de sa lunette, Parfait. “Au summer’s c’est ça ?” Elle ne commente pas son propre tir, ce serait présomptueux et préfère plutôt commencer à plier les pieds de son fusil puis ranger tout son matériel en vitesse. “Ça tombe bien, je n’y suis allée qu’une fois.” Adrienne l’avait déjà invité à boire un verre là bas, remettre ça lui semble de bienvenu. Terminant enfin de récupérer tout son matériel, elle referme la mallette et ouvre la marche en direction de l’armurerie, le bar sera la destination suivante. “Par contre, je te préviens tout de suite, après cinq ans sans biture, je ne tiens plus très bien l’alcool.” Pas de concours donc, comme cela pouvait arriver souvent entre soldats quand ils n’étaient pas de service. “Je serai donc raisonnable.” Plus facile à dire qu’à faire ça, sans compter qu’elle sera peut-être déjà pompette avec deux verres seulement, qui vivra verra donc.

Arrivés à l’armurerie, elle rend bien vite la longue malette empruntée, les jumelles et le lot de balles à gros calibres qui va avec. Direction le bar maintenant ! Elle réajuste sa casquette en chemin et vient fourrer ses mains dans les larges poches de son treillis pour s’offrir une démarche plus décontractée. “Et comment tu es arrivé ici du coup ?” Les SEALs n’ont pas été déployés quelque part quand le merdier à commencé ?

Ah, les Libyens et les Irakiens… C’te phrase m’fait penser à tout c’que j’ai pu faire par le passé dans ces foutus pays… Bon, pas en Libye, mais en Irak, pas mal de fois, et aussi en Afghanistan. Ah, ces foutus Talibans et autres extrémistes… Bon, je n’étais pas en tireur d’élite moi, ça non. J’n’avais pas eu la qualification d’ce drill, l’état-major, à l’époque, m’voulait en assaut avec la qualification d’sous-officier d’command’ment. J’ai dû m’taper une année d’formation en plus, comme pour à peu près toutes les formations SEALs, mais bordel, c’tait rien comparé aux combats à v’nir.

Elle m’pose une question, bien-sûr, mais j’préfère attendre qu’elle finisse son tir. Elle est concentrée, elle sait c’qu’elle veut faire, si j’commence à déblatérer ma vie ou la sienne, ça va la déconcentrer, et moi, j’détesterais qu’on m’déconcentre avant une séance d’tir. Ouaip, ça m’ferait bien chier.

BAM !

Eh bah la voilà, c’te foutue détonation ! Et même si j’ai plus l’œil dans la lunette, les p’tits bouts d’aluminium qui reflètent c’foutu soleil bien trop chaud, servent d’indication suffisante ! Ouaip, elle a fait mouche ! Et pas qu’un peu c’te fois-ci. Bordel, j’espère qu’elle s’ra aussi efficace au combat ! J’donne pas cher d’la tête des futurs New Eden qui s’ront face à nous. Ça f’ra un sacré spectacle putain !

« Nan, j’suis pas encore responsable d’quoi qu’ce soit. Mais p’t’être des entraîn’ments, un peu plus tard. » Voilà qui est répondu pour la question d’tout à l’heure, maintenant, la suite des festivités ! J’me relève, reprend mon fusil et l’fou en bandoulière. « Ouaip, au Summer’s. T’inquiète, l’but c’pas d’se foutre une murge juste… D’oublier un peu c’te chaleur putain. Aller, go ! »

L’chemin du retour s’fait dans l’calme et la bonne humeur, même si on pue grave putain… La transpiration, j’crois qu’à un moment, ç’doit être ça l’pire dans ces histoires d’entraîn’ment et d’combat. Mais là, pfouah… J’serais pas contre une bonne douche… On dirait vraiment qu’cette apocalypse s’passe aussi dans la météo putain… Quelle galère.

Une fois arrivés à l’armurerie, on dépose nos armes. Les types vérifient qu’les numéros correspondent, comptent nos munitions et consignent tout dans un cahier bien propret. Les armes sont neutralisées, rangées sur des étales, et les munitions sont rangées dans des tiroirs et des cartons annotés. Et v’la, j’me sens à nouveau nu comme un putain d’vers !

Bref, on ressort de l’armurerie, et on s’dirige vers le Summer’s, et j’vois qu’Sarah est en mode OFF. Chill. Décontracte. Moi ? Bah j’continue à marcher comme d’habitude : le buste droit et les bras le long du corps. Faut dire que les mains dans les poches, c’était pas trop fait pour moi ça.

« J’t’expliqu’rais ça autour d’un verre »

Ouais parce qu’là, j’ai trop soif putain. Du coup, on marche… On marche, et nous v’la au Summer’s. On entre, parce qu’ici, c’est presque toujours ouvert, et j’commande une ‘teille d’whisky pour nous deux. Ma note, j’la connais, et pour l’instant, j’suis dans la neutralité : j’consomme autant que c’que ramène au Summer’s. Du coup, une bouteille, ça n’mettra personne dans la merde. Sinon nos foies p’t’être.

La bouteille arrive, avec deux verres. Cool ! C’est rapide aujourd’hui ! On voit qu’Zelda est pas là ! J’nous sers tous les deux, et puis bah… J’crois qu’j’ai une question à lui répondre, il m’semble.

« Heum… » Un p’tit shot cul sec, et j’me ressers. « J’étais en Irak, quand tout à commencer. On nous à rapatrié en urgence, en Californie. Là, on nous à d’mandé d’rester équipé, d’faire le plein d’munitions et d’vivres, et d’partir pour une p’tite ville de merde : Spokane. Là, on était avec la police militaire, et deux ou trois unités d’polices civiles, et d’militaires de réserve. Autant t’dire que quand on est arrivés, et qu’ils ont vu not’ emblème, ils ont compris qu’c’était la merde. Mais nous, on avait jamais rien vu d’tel putain. On est resté pendant des jours, des s’maines même, à défendre un camp contre des hordes de rôdeurs. Jusqu’à-ce qu’les communications soient coupées, et qu’not’ commandant s’suicide. Il nous à laissé l’choix : partir, prendre les véhicules qu’on veut et les armes qu’on veut, dans la limite des stocks pour chacun. Alors, avec onze bonhommes, on s’est barrés et… Voilà. Ça a été la merde après ça. »

Pas de murge de prévu à l’horizon comme il dit, c’est parfait et presque étonnant venant d’un SEAL désireux de trinquer avec un autre membre d’élite. Comme quoi, les temps ont bien changé, les militaires sont devenus raisonnables et ont désormais d'autres choses à prouver que le rythme de leur descente et la résistance de leur foie.

Les affaires rendues à l’armurerie et la démarche désormais décontractée pour l’une, toujours aussi maintenue pour le second, les deux soldats progressent vers le Summer’s. Une bouteille est vite commandée, du whisky, son petit péché mignon, un excellent choix de la part du SEAL, il n’aurait pas pu faire mieux la concernant. “Très bon choix Logan.” Son verre est bien vite rempli et à demi, une première portion généreuse.

Alors qu’il commence à répondre à la question laissée en suspens, la militaire lui confie une oreille tandis que son nez s’enfonce dans son verre pour humer l’odeur de ce précieux nectar oublié. Ses paupières se closent pour cet exercice qui la ramène plusieurs années en arrière auprès de sa jumelle et des nombreux apéritifs qu’elles s’accordaient en tête à tête. Autre temps, autre moeurs mais qu’elle n’oublie pas pour autant. Nostalgie prenante mais qu’elle repousse pour s’en retourner vers son vis-à-vis qui lui explique son arrivée ici.  

“Ah merde, y a mieux comme début...” Démarrer l’apocalypse en Irak, c’est tout de même un sacré faux départ, surtout pour défendre son pays d’une crise aussi conséquente et dévastatrice. “Spokane ?” Répète-t-elle tout bas, presque pour elle-même. Étrange, elle aurait plutôt vu l’arrivée des SEALs aux pieds de la maison blanche ou ailleurs, dans une ville bien plus conséquente que Spokane. “Ahah ouais j’imagine bien leurs petits yeux brillants là...” Souffle-t-elle après une première chaude et fine gorgée de whisky qui lui arrache un très léger râle de satisfaction. “Oh shit, ça a du être un coup dur ce suicide.” Chez les rangers, le lien d’équipe était fort, chaque membre de l’escouade était comme un frère, elle imagine sans mal qu’il devait en être de même chez les SEALs. “Vous avez donc bourlingués jusqu’à Seattle et là vous êtes tombés sur ce groupe ? Comment ça s'est passé ?” Est-il le seul des onze SEAL dans le secteur à avoir survécu ? C’est bien ce qu’elle semble avoir compris...

Spoiler:

« Un coup dur ? C’suicide ? Nan, on en n’avait rien à branler bordel de merde. C’t’ait un putain d’officier d’la conventionnelle t’vois ? Genre, l’type était un gars bien hein, j’dis pas l’contraire ! Il avait des valeurs, et puis, il avait franch’ment du charisme, y’a pas à chier. Mais il était juste un bidasse d’l’active conventionnelle. A côté d’nous, c’était un pisse lait quoi. Il s’est suicidé pour des conneries, bon… Bah ça veut dire qu’au combat, ou durant la survie, on aurait pas eu confiance en lui quoi. T’vois ? »

Ouais, ouais, je sais c’que vous vous dites… Ouais j’ai l’air d’avoir un cœur d’pierre, genre d’être un fils d’enfoiré qu’est pas foutu d’se mettre deux secondes à la place d’l’officier envoyé dans c’bourbier tout seul, qu’à abandonné sa famille pour faire son devoir, qu’est r’trouvé seul face au silence d’Washington, face aux questions d’ces hommes, face aux hordes d’rôdeurs qui s’faisaient méga impressionnantes à c’t’époque… Ouais, si j’avais eu une famille, et qu’j’savais que j’l’avais abandonné pour défendre un coin d’terre de merde, j’aurais p’t’être eu envie d’me foutre en l’air… Et encore, c’est lâche quand même, non ? Hein ? Ouais rho, y m’faudra 6 ans pour essayer d’me foutre à la place d’l’autre con, mais j’essaie quoi… Bordel.

Enfin bref, c’pas grave, car Sarah à une autre question intéressante. J’comprends jusqu’où elle veut m’emmener la futée : elle veut savoir s’il y a d’autres SEALs dans l’coin ! Histoire qu’elle s’trouve des copains d’élite, ou d’savoir si j’suis l’seul enfoiré d’marin dans l’coin quoi.

« Ouais, on à bourlingué pendant des s’maines et des mois même. Au départ tous ensemble, pis ensuite on à vécu des merdes… On est tombé sur un groupe d’enfoirés d’fils de putes, j’ai essayé d’les pister, j’les ai trouvés, j’ai buté les survivants… Mais l’temps que j’revienne jusqu’aux miens, ils s’étaient barrés… Du coup, j’me suis retrouvé tout seul dehors, pendant 3 ans… J’sais pas trop si y’a d’autres d’mes potes encore en vie… Si j’ai réussi, pourquoi pas eux ? »

C’est vrai quoi, y’avait des types jeunes plus forts qu’moi, y’avait des types plus vieux qu’moi encore, et qui étaient des supérieurs à c’moment là… j’sais pas… Merde ! Et si un d’mes copains avait rejoint New Eden ?!