Forcément à son air grave, j’ai un nouveau rire. « Okay, deal. J’espère que t’as prévenu le grand méchant loup que t’allais pas rentrer par contre. Parce que je te laisse pas filer dans la rue bourrée, je préviens. Rapport à la sécurité, tout ça. » Alors ouais, l’idée de l’avoir pour moi toute l’aprem et cette nuit, j’aime bien. Plus que bien même. Mais bon, on en est pas là je crois. « Essaie déjà de me mettre minable ce soir et on verra pour la suite. » J’ai un clin d’œil alors que, encore une fois, je me rends compte à quel point je me sens bien en sa compagnie.

Sans compter que la douceur qui se dégage de nos échanges me plait. Que ce soit des bisous esquimaux, des bisous dans le cou et j’en passe. « Parler de baseball alors qu’il y a plus de matchs  pas grand intérêt. Mais j’note. Y a d’autres trucs qui te saoulent ? » Histoire qu’elle me traite pas de beauf au bout de 10 minutes quoi. « Oh j’suis sûr que t’as des secrets, des trucs que tu gardes que pour toi jeune et jolie petite fée. » Perso, j’ai un paquet de trucs en stock. Et le pire, c’est que je pourrais les lui balancer si j’avais pas peur de la voir fuir direct.

Je hoche la tête quand elle continue avant de souffler, à mi-voix. « Et pas de promesse qu’on est pas sûr de pouvoir tenir. J’aime pas ça. » Mais ça rejoint l’honnêteté et le respect j’imagine. Et je me dis que ça me fera du bien. D’être vraiment honnête avec quelqu’un. Parce que j’en ai envie en plus avec elle. J’ai un temps quand même, quand elle me propose de venir habiter avec eux. Et j’effleure sa joue doucement avant de secouer la tête. « J’ai pas suivi mon frère de cœur dans son groupe parce que j’avais besoin d’être seul. Pour… me trouver. C’est pas pour aller dans un autre groupe. Même si le fait que tu sois dedans joue grave en leur faveur, faut pas se leurrer. » J’aime bien le regard qu’elle me lance en tout cas. « Ah ouais ? J’demanderais presque à voir, mais ça sonnerait bizarre. »

Finalement, on se retrouve à l’étage. Et, à sa remarque, j’ai un haussement d’épaules. « J’avais envie que ça te plaise. Suis content de pas m’être raté. Et je te l’ai dit, j’suis loin d’être parfait Sasha. Vraiment loin. » Mais ça me fait plaisir de l’entendre me dire ça, même si je me doute bien que c’était pour déconner. Comme l’histoire du Scrabble. Mais je me contente de rire à sa question sans lui répondre, alors que je passe mon bras autour d’elle, laissant mes doigts glisser sur son bras. Et je finis par souffler, à sa question, dans un murmure. « On a passé le troisième rencard, c’est tout ce que je sais. »

La voilà qui balance un secret. Et pas des moindres. Pour quelqu’un qui disait pas vraiment en avoir, elle se pose là. « Et… tu lui as dit quoi ? A ton père ? » J’attrape le joint qu’elle me tend avant de souffler, fixant le vide. « J’ai pas réussi. A tuer ma mère. Quand tout ce merdier a commencé. C’est mon frère qui l’a mordue et j’étais là comme un con, sans savoir quoi faire. J’étais totalement paralysé et j’ai flippé comme jamais j’avais flippé de ma vie. C’est mon grand frère qui m’a sauvé. C’est aussi pour ça que je l’ai suivi pendant des années. Parce que je savais pas quoi faire d’autre. Avant qu’il finisse par partir en vrille. » Je fronce les sourcils. Le reste, elle connait déjà. « Ca vaut pour un secret ou pas ? [/color]» Faut dire que ouais, la mort de ma mère, j’aime pas vraiment en parler. Comme beaucoup de trucs.

Quand elle revient sur l’histoire du Scrabble, j’ai un rire avant de tourner la tête et de l’embrasser longuement. « Franchement ? J’ai été soulagé quand tu m’as dit que t’en avais pas… mais… j’ai pas envie de te forcer à faire autre chose. Alors, ouais, si c’était ton délire, j’aurais fait avec. » Enfin, vu la façon dont je la regarde, je pense qu’elle peut se douter que c’est clairement pas l’envie de jouer à ce jeu à la con qui me vient à l’esprit là, de suite. Mais je toussote avant de désigner le lecteur dvd. « Y a un paquet de trucs. J’ai trouvé pas mal de conneries à regarder. Si tu veux chercher ton bonheur. » Possible que ma main ait migré de son bras à sa taille, là comme ça, l’air de rien.

« Pour ma sécurité, mmh ? »

L'argument a l'avantage d'être mignon. Mais Sasha n'y croit pas trop. Parce qu'elle n'a jamais été autant en danger qu'à ses côtés. C'est la deuxième fois seulement qu'ils se voient. Et pourtant ils ont déjà été traqués par des malades et même, un chien. « C'est surtout qu'tu peux plus t'passer d'moi ! » Elle aimerait que ce soit vrai et elle sait pourtant que c'est faux. C'est encore trop tôt pour ça. Quant au fait d'essayer de le mettre minable... « Challenge accepté ! » Elle lui trouvera bien un gage si jamais elle parvient à ses fins. Un truc sympa, pas trop humiliant mais plutôt amusant.

« On en sait rien, ça ! Si ça s'trouve y'a encore des matchs qui sont joués quelque part dans l'monde... » Mais ça ne change rien au fait qu'à Seattle, il n'y a plus vraiment d'équipes. Ca, elle doit bien le lui accorder. La pharmacienne hoche ensuite la tête lorsqu'il lui demande s'il y a d'autres choses qui la saoulent : « Plein de trucs ! » Et elle a déjà pas mal d'exemples qui lui viennent à l'esprit. « Le meurtre de chatons, les voleurs, les pieds mouillés, les ongles qui crissent sur des tableaux, les voitures qui n's'arrêtent pas au passage pour piéton, les toiles d'araignées qu'on s'prend en plein visage, la plupart des trucs qui essaient d'me bouffer ou encore... heu... les boutons ? » Elle hausse les épaules. La liste n'est pas exhaustive. Et comme souvent, elle mérite une petite précision : « Les boutons sur la peau ! Pas sur les vêtements ! » Ce n'était peut-être pas utile de s'attarder là-dessus. Mais être claire, c'est important. « Tout l'monde aime les boutons qui ferment des trucs... » À sa connaissance, du moins. « Et toi ? C'est quoi ton top dix des trucs qui t'saoulent le plus ? » Hormis les choses désagréables qu'ils ont déjà évoqué, évidemment. Sinon ce n'est pas drôle !

En tout cas il a vu juste lorsqu'il lui dit qu'il est sûr qu'elle garde des secrets. Et là encore, elle hoche la tête ! « Une fée à toujours des secrets ! » confirme-t-elle. « Mais j'peux pas encore t'avouer que j'suis une reptilienne envoyée sur Terre pour dominer la race humaine ! J'crois pas qu'on soit déjà assez proches pour c'genre de révélations ! » Mais ça viendra ! Du moins, l'espère-t-elle. Et les voici qui évoquent les promesses qu'on ne peut pas tenir. Et que Zack, dans la foulée, refuse poliment son invitation à rejoindre son groupe. « T'es pas obligé d'te justifier, tu sais ? » lui glisse-t-elle simplement lorsqu'il évoque son désir de solitude. Oui, bien sûr qu'elle est déçue. Si bien qu'elle est presque tentée de lui faire voire cette fameuse violence qu'il souhaite découvrir. « Continue comme ça et tu n'auras pas longtemps à attendre.  » Elle fait contre mauvaise fortune bon gré. Et pousse même le jeu jusqu'à écraser son poing contre son épaule. Un peu pour détourner l'attention et ne pas plomber l'ambiance avec sa frustration.

Et celle-ci s'évade bien vite lorsqu'il la monte à l'étage, qu'elle découvre les lieux et se retrouve affalée sur le canapé.  « T'arrêtes pas d'me dire que t'es pas parfait mais sois tu caches tes défauts, soit t'en as pas ! » se sent-elle obligée de répondre lorsqu'il insiste bien sur le fait qu'il n'est pas parfait. « M'enfin j'ferai pas l'étonnée quand j'découvrirai qu'ta passion, c'est de découper des jeunes femmes en cubes... » L'idée que ce soit réellement le cas lui effleure l'esprit. Mais elle la chasse rapidement. « C'est notre deuxième rencard et demi, tricheur ! » Du moins si elle se fie à l'improbable échelle qu'ils ont mis en place. « C'est des maths basiques ça, pourtant, M'sieur l'ingénieur... » se moque-t-elle avant de le gratifier d'un clin d'oeil.

L'ambiance ne tarde cependant pas à changer tandis qu'ils partagent un joint et que Sasha lui parle de ses parents. Zack lui demande ce qu'elle a répondu à son père concernant l'argent, la pharmacienne hausse tristement les épaules. « J'lui en ai donné... » Et elle regrette de l'avoir fait. « J'avais pas la force de m'battre avec le cancer d'ma mère et l'alcoolisme de mon père ! Mais j'aurais dû ! » assure-t-elle. C'est un regret évident. Une tâche sur sa conscience. Mais elle n'a pas eu, elle, à être confrontée à des proches revenus d'entre les morts. La photographe écoute le récit de Zack et déglutit. Sa faiblesse, c'est aussi de pouvoir se mettre un peu trop aisément à la place des autres. Sa main vient caresser l'avant-bras qui repose contre sa poitrine. « Tu as fait c'que tu pouvais ! Je n'pense pas que beaucoup d'gens s'en soient pris à leurs proches après la Chute. C'est peut-être pour ça, aussi, qu'il y a eu autant de morts dès les premiers jours... » C'est sa théorie. Elle vaut ce qu'elle vaut. Les gens ont préféré mourir que lutter contre ces cadavres qui furent, autrefois, les gens qu'ils aimaient. « T'as réagi comme un humain... » Elle ne sait pas trop s'il s'en veut. Mais il n'a aucune raison de se montrer trop dur avec lui-même. Sasha hoche la tête lorsqu'il lui demande si cet aveux compte comme un secret. Oui, bien sûr. Car plus qu'une histoire, c'est une part de son âme qu'il vient de dévoiler.

« Tu recommences à être parfait ! » s'amuse-t-elle lorsqu'ils en reviennent au Scrabble et qu'il lui avoue qu'il aurait été prêt à y jouer pour lui faire plaisir. Ils ont besoin de parler d'autre chose, d'un truc plus léger. Et la facilité avec laquelle ils passent de l'émotion aux rires prouve bien qu'ils sont faits pour s'entendre, ces deux-là. « Le jour où j'amènerai un jeu du genre à un pre... second rendez-vous, s'il-te-plaît, fais-moi un joli p'tit trou dans la tête... » rigole-t-elle. Ils échangent un baiser et leur étreinte se raffermit. Tant et si bien que Sasha n'a pas vraiment envie d'aller farfouiller parmi les dvd's pour trouver un film susceptible de les distraire. Elle l'est déjà suffisamment, là. « J'ai une bien meilleure idée, j'crois ! » Elle se dégage de son emprise pour mieux monter sur lui, à califourchon. Elle tapote du bout des doigts sur son torse, songeuse. « On est d'accord qu'on est des adultes, hein ? Alors on pourrait p't-être réviser les bases de la biologie ? » La pharmacienne se penche pour mieux l'embrasser. Les yeux dans les yeux, coupés du monde par ses cheveux qui tombent sur les flancs du visage de Zack, ils s'observent un instant. « T'es pas puceau, hein ? » La question lui échappe avec une innocence certaine. Ce serait bizarre. Mais il est si prompte à faire un scrabble ou à regarder un film alors qu'ils se trouvent tout deux sur ce charmant matelas que la question mérite peut-être d'être posée...

Je hoche la tête avec un sourire en coin. « Pour ta sécurité, exactement. » Au reste, je me contente de secouer la tête, non sans hausser les épaules. Ouais, ouais, tout ça en même temps. Est-ce que je peux me passer d’elle ? Elle m’a manqué les trois derniers jours, faut pas se leurrer. Mais, même s’il y a clairement un truc fort entre nous qui se dessine, j’ai pas non plus envie de jouer au mec transi d’amour qui peut pas respirer si la fille qui lui plait est pas là. Alors, je préfère me concentrer sur autre chose. « J’sens que je vais regretter ce challenge… » Ou pas. Faut voir quoi.

Je croise les bras alors qu’elle reprend, mon sourire se faisant plus large à mesure qu’elle énumère les trucs qu’elle déteste. « Un top 10 ? Rien que ça… hum… » Je me tapote le nez, vaguement pensif. «  Les gens qui savaient pas écrire mon prénom au Starbucks, les miettes dans les claviers d’ordinateur, le tic-tac des horloges, les gens qui replient la page d’un livre pour le marquer… » J’ai un rire avant de reprendre. « J’peux faire un break et reprendre dans un cinq minutes ? Ah euh ! Les scratchs sur les baskets. Je déteste ça. » Marrant de réfléchir à ça en fait, ça change comme conversation.

Et pendant que je réfléchis à ça, on évoque ses secrets. Mon sourire se fait plus doux. « Une reptilienne, rien que ça ? » Je me penche et je relève ses cheveux pour faire mine de l’examiner. « Va falloir que je vérifie ça. » Au reste, quand elle parle de son groupe, j’ai un haussement d’épaules. « Je sais que j’suis pas obligé. Mais j’ai pas envie de te raconter des cracks. » Je fais mine de frotter mon bras quand elle me cogne. « Hééé ! La violence n’est pas solution… il parait en tout cas. » Pas comme si j’étais baigné là-dedans depuis des années.

Je me laisse tomber à l’étage avant de lever un sourcil quand elle reprend. « C’est juste que tu me supportes pas à longueur de temps. J’te garantis que j’suis chiant à supporter au quotidien. » Hum, j’devrais ptet pas dire ça comme ça en vrai, c’est pas super vendeur. « En triangle, c’est vachement plus stylé. Les cubes c’est surfait. » Et je me marre au reste. « Je compte comme ça m’arrange. Mais j’suis à peu près sûr que ça fait plus de trois. J’ai fait de longues études, crois-moi sur parole. » En vrai, c’est pas comme si c’était important au final. On est bien tous les deux, il se passera ce qui doit se passer. J’ai pas envie de forcer les choses ou de les freiner avec elle. Juste de tout prendre comme ça vient et d’apprécier les moments qu’on passe tous les deux.

Ca me fait bizarre qu’elle me parle comme ça de son passé. Mais c’est comme le reste avec elle. C’est spontané et ça dénote pas avec le reste. « Des fois, faut accepter de lâcher prise aussi. T’avais trop à gérer en même temps. » Mes doigts continuent d’effleurer son bras avant que ma main se pose plus franchement sur elle. « Possible ouais. Pas comme si je pouvais revenir en arrière de toute façon. Mais c’est naze de réagir comme un humain des fois. » Je grimace alors qu’elle finit par hocher la tête pour confirmer que ça compte bien pour un secret. « C’est à toi là du coup ? » Même si c’est plus facile avec elle, j’ai toujours du mal à vraiment parler de moi. Alors ouais, c’est plus simple de l’écouter.

J’ai un froncement de sourcils quand elle me dit que je recommence à être parfait et je me contente de souffler, pas très assuré. « J’sais juste que c’est quand… on te force la main. Alors si on peut éviter de pourrir l’ambiance… » Enfin, je vais éviter de trop entrer dans les détails, ça risquerait justement d’avoir l’effet que je voulais pas. « Hey, ça dépend du type de jeux ! » J’ai un sourire malicieux avant de lui proposer un dvd. Sauf que je reste un peu quand elle me… monte dessus. Oh. Okay. Cool. Et j’ai un bref hochement de tête à sa question. « Ouais, on est des adultes. » Bon, j’ai le cerveau qui freeze un peu quand elle commence à m’embrasser, mais j’ai un temps d’arrêt quand elle reprend la parole. « Quoi ? » J’ai un éclat de rire alors que ma main glisse sur sa nuque et que je vais l’embrasser longuement. « Celle-là, je l’avais pas vue venir. Et nan, j’suis pas puceau. Mais t’es toujours sûre que t’es réelle toi ? » Je passe mon bras autour de sa taille pour la plaquer contre moi, reprenant un peu mon sérieux. « Des révisions alors… »