Ivy reprend son stéthoscope et écoute à nouveau le cœur de son patient. Une fois de plus, ce qu'elle entend ne lui plait pas. Le cœur bat trop vite, plus qu'il ne le devrait et ce n'est pas à cause de son stress. Pire, le patient se met à tenir des propos confus, il hésite, bafouille. Son visage a perdu toute couleur. Il est anémié, la perte de sang est trop importante. Que faire ? « Eva ? » L'homme la regarde, son regard se trouble. « Non, je suis Ivy, votre médecin... » lui répond-elle doucement. Ses yeux se posent sur elle sans la voir.

Ivy ne sait pas que faire de plus. Elle a fait son possible. Elle jette un nouveau coup d’œil à sa blessure, le garrot tient, la plaie semble moins saigner mais n'est-ce pas trop tard ? Il n'y a plus qu'à espérer que les secours arrivent vite, que le blessé puisse attendre que la situation s'arrange et que son état ne se dégrade pas avant. Elle a toujours la main sur la sienne, comme un soutien, une promesse.

Son regard se porte sur Maeve. Son cœur devient lourd quand elle comprend que Terrence est mort. Ses yeux se ferment. C'est un cauchemar.

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On ne lui répond pas vraiment, et il ne saisit pas, dans son état confus, à quel point la situation a dégénéré. Ce qu’il constate, en revanche, c’est qu’Ivy ne peut se détourner du patient dont elle s’occupe, et que Maeve jongle entre plusieurs d’entre eux, dans un noir anormal pour le dispensaire – si on omet la lumière qui est éteinte, les appareils sont trop silencieux aussi. Ils ne font pas leurs bip bips agaçants en temps normal mais que le pilote trouverait tellement rassurants s’il les entendait actuellement.

Il a un instant d’absence, malgré lui, et ce n’est qu’en clignant les yeux qu’il voit Maeve, à moitié effondrée dans les bras d’Hector, comme sous le choc. Bien conscient que l’homme a mieux à faire que de s’occuper de sa collègue, Will s’approche et la prend à son tour dans ses bras, l’étreignant brièvement – il n’a pas besoin que tous ses neurones se connectent pour comprendre la situation. Entourant Maeve de ses bras, dans un geste qu’il veut réconfortant, il l’entraîne vers une chaise, où il l’oblige à s’asseoir. « Vous faites de votre mieux, doc, et vous êtes dévouée à tous vos patients. » Même si leur relation avait mal commencé, il n’avait jamais douté de ça. « Mais d’autres ont besoin de vous. Vous pouvez le faire. » Est-ce que cela suffirait à la sortir de sa torpeur ? Il en doutait fortement. « Je vais vous aider, je vais remettre l’électricité. » S’il le pouvait. S’il trouvait où. S’il se repérait dans le dispensaire, malgré sa commotion cérébrale. Maeve lui avait dit où trouver le groupe électrogène de secours, en tout cas, et quelle sortie à l’extérieur du bâtiment il pouvait prendre. Alors, même s’il n’était pas très stable sur ses jambes, il essayait d’y aller aussi vite que possible.

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Les minutes passent. Ivy est suspendu au sort de son patient. Par chance, aucun blessé ne requiert son attention pour le moment. L'homme se calme enfin, semble s'apaiser, redevenir moins confus. Steve reprend même peu à peu des couleurs. Elle pose le stéthoscope sur sa poitrine et ce qu'elle entend la rassure enfin. Le cœur semble retrouver un rythme normal. Ivy s'autorise enfin à souffler. L'hémorragie est stabilisé. Il va s'en sortir. Ou du moins, si sa blessure ne risque plus de causer sa mort, qu'en est-il du reste ?

Ivy a du mal à réaliser le chaos qu'il règne autour d'eux. Le danger est réel, les morts sont proches. Lorsqu'elle se retourne, elle aperçoit Maeve assise sur une chaise à côté de William. Son cœur se serre. Elle se rapproche de Terrance et attrape une lame. Elle la lui enfonce dans l'oreille. Inutile de risquer que le vieil homme se réveille et ne rajoute encore un peu de chaos au désordre ambiant. Elle reste quelques secondes interdite devant le corps inanimé avant de faire glisser un drap pour le recouvrir.

Ses poings se serrent, elle s'interdit de se laisser aller au chagrin ou à la peur. Le visage de sa fille flotte dans son esprit. Elle doit tenir, pour elle.  

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J’ai fini par baisser le son au minimum. Les différents ordres distribués ne sont plus qu’un bruit de fond quasi-audible. J’ai confiance aux autres pour s’occuper de cette histoire de bombe, et d’ailleurs, les rôdeurs qui grattaient aux murs sont partis. Notre boulot, c’est de sécuriser le dispensaire.

Quand je fais un passage dans la chambre, en nage et groggy à cause de la douleur de mon épaule, la scène que je vois me serre le bide. Déjà deux morts de plus. Terrance et l’un des amputés. Maeve est effondrée sur une chaise, Ivy n’a pas la tête de ses meilleures jours. En passant, je lui tape amicalement l’épaule en glissant un « Tu gères », et m’approche de la chirurgienne.

Vrai qu’elle est habituée à traiter des cas ici, ses opérations extérieures sont rares et jamais en zone de conflit. Si la petite trentenaire est formée à ce contexte, notre responsable médical prend un coup de réalité en pleine figure. Je m’accroupis pour pouvoir prendre sa main et lever les yeux sur son visage.

- Ça va aller, les autres contrôlent la situation dehors, je regarde le drap blanc qui pend du lit de Terrance, je sais ce qu’elle pense…, c’est pas de ta faute, ok ? T’as fait tout ce que tu pouvais.

Et je l’ai vue faire. Maeve n’a pas campé au dispensaire pour bêtise ou par plaisir de contestation et honnêtement… si on avait évacué, le vieil homme serait sans doute mort quand même. Quant à Lucy, c’était son choix. Pas une seule seconde je ne blâmerais la chirurgienne pour sa décision ; on est tous dans le même bateau ici. Alors je laisse George accompagner William et lui permettre de se frayer un chemin dans nos blocus de fortune, je reste auprès de Maeve autant qu’elle a besoin.

*

Le temps semble interminable, surtout avec un si lourd secret. Les bombes, dans les rôdeurs. Combien de minutes étaient passées ? Trois ? Cinq ? Dix ? Mais je ne peux pas dire aux gens d’ici que leurs amis et leurs familles vont peut-être sauter d’ici peu. Je ne peux pas les enfoncer encore. Et quand un petit groupe vient taper aux portes bloquées pour demander à entrer, je vais les faire entrer avec George. Ils ont besoin d’un médecin, Mary a un souci. Si les médics ont besoin de sortir, je les escorterai.

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Le pilote avait hoché la tête – sans réaliser combien ce simple mouvement lui serait douloureux avant de le faire - quand George l’avait accompagné pour lui libérer le passage, Il avançait maintenant dans les couloirs, répétant dans sa tête en continu ce que Maeve lui avait dit, pour être sûr d’aller au bon endroit. Avisant, dans une salle dans laquelle il était entré par erreur, une sorte de couteau qui devait être utilisé pour des opérations mais plus massif que les scalpels des séries télé, il s'en saisit avant de repartir chercher le générateur de secours. Si la traversée du dispensaire semblait durer une éternité pour William, il n’était parti en réalité que depuis quelques minutes – plus qu’il n’en aurait fallu à une personne valide, malgré tout.

Voyant le générateur face à lui, il ne comprit pas directement ce qu’il devait faire, ayant du mal à rassembler ses pensées et à percuter la façon de le redémarrer. Il lui fallut un peu de temps pour aviser le démarreur, et plus encore pour rassembler le courage de tirer dessus, avec sa clavicule malmenée et ses côtes cassées. Il s’y essaya, une, deux, cinq, dix, douze fois… sans succès. Frustré, il se releva, résistant difficilement à l’idée de mettre un coup de pieds dans l’engin inutile, et finit par faire demi-tour. Il aurait voulu insister et recommencer encore, mais c’était peine perdue. Il ne pouvait que rebrousser chemin et, peut-être, demander à quelqu’un d’autre de redémarrer le générateur de secours.

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C'était un massacre. Ce dispensaire qui autrefois avait été si utile pour sauver des vies, ressemblait désormais à un gigantesque charnier. L'odeur du sang lui vint alors qu'elle reprenait son souffle maintenant qu'ils avaient pu réussir à pénétrer les lieux, alors que déjà Jason annonçait  les mauvaises nouvelles. Venant saisir Sean par l'épaule pour le garder près d'elle, avisant Adrienne maintenant que la situation était clarifiée.

On à plus beaucoup de temps. Plus encore avec les rôdeurs qui exploseraient dans moins d'un quart d'heure. Rien que l'idée lui glaçait le sang, Soupirant en veillant à ne pas poser ses yeux sur les corps sans vie avant de reprendre.

Faut qu'on fasse une escorte. On peut pas prendre le risque de les laisser y aller seuls, pas avec ce qu'il y à dehors. On privilégie la rapidité jusqu'à l'abri.

Mais qui ? Adrienne, blessée ? Jason ? Elle était prête à faire l'aller retour s'il fallait. Et si ses antécédents au 911 pouvaient être utile ici, elle doutait fortement d'avoir la même dextérité que Ivy ou Maeve pour des soins de ce genre.

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