Maeve peut faire la gueule : je la préfère fâchée mais vivante que fière mais morte. Alors au moindre signe que notre ligne de défense ne tient pas le choc, je l’assomme pour la trainer hors d’ici s’il faut. Pendant que je récupère le talkie et qu’il rejoint ma ceinture, Ivy s’approche pour me murmurer sa conviction. Mon regard dévie brièvement sur Terrance, suspendu à sa perfusion et aux machines. Bien évidemment que ça me fait chier, que je préfèrerais qu’il ait pu quitter cet endroit pour aller dans un putain d’abri. Mais…

- Entre un vieux septuagénaire cardiaque et une équipe de médic, je choisis les médics, glissé-je à la médecin entre mes dents.

C’est dur, mais c’est comme ça. Et c’est la décision la plus logique à prendre dans notre situation, malheureusement. En attendant, je vais aider tiens. Ah, le talkie grésille : … ah non, c’est juste Adrienne qui s’amuse.

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Les patients embarqués, il ne reste que Ivy, Lucy, Jill, et elle. Fermant les yeux de longues secondes, elle se laisse bercer par le bip régulier du monitoring, tentant de faire le vide. Rouvrant les yeux sur l’homme alité, elle passe une main sur son front et ses cheveux clairsemés. Terrance était là depuis le début et plus le temps passait et plus les premiers habitants se faisaient rares à Fort Ward. La vieillesse, les expéditions, la maladie, les causes étaient différentes mais le résultat invariablement le même. “Tenez le coup Terry. Pour Grace.” Le couple avait toujours été soudé et la chirurgienne ne les avait jamais dissociés l’un de l’autre. Après autant d’années de mariage, difficile d’imaginer son quotidien sans ces deux rocs.
Lui administrant une nouvelle dose, ses battements de coeurs ralentissent à 92 battements par minute. Encore trop élevés mais plus inquiétants pour le moment.

Le talkie crépite finalement et la voix de Levi résonne dans la pièce. Les avions ont été abattus. Mais le soulagement est de courte durée quand ce dernier affirme que ce ne sont là que les prémices et qu’il faut s’attendre à plus.
Plus qu’un escadron? Un regard vers ses collègues, puis vers Jill. Elle désapprouvera, mais sa cadette lui fera la leçon plus tard. “Dis-lui qu’on est encore cinq ici et qu’on ne bougera pas.” Histoire de n’obliger personne, elle ancre son regard d’abord sur Lucy, puis sur Ivy. Elle ne pouvait forcer personne à suivre son entêtement. Son choix personnel ne devait pas devenir le leur. Elle ne prendrait pas cette responsabilité. Pas celle-ci.

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Le temps est long. A attendre, là, dans cette pièce où le vieux Terrance vit peut-être ses derniers instants. Et Maeve est prête à crever pour ça, pour tenir la main à un vieillard. Je crois qu’elle ne calcule pas le fait que si elle se fait sauter ici, il y aura des dizaines d’autres vies ensuite, qui s’éteindront parce qu’elle n’a pas été là. Ça me troue le cul, mais ce n’est évidemment ni le lieu, ni le moment. Je ronge mon frein, tendant l’oreille par-dessus le bip du monitor, prête à entendre que la guerre est soudainement au-dessus de nos têtes. C’est la voix de Layla qui rompt la monotonie de l’attente.

- Jill pour Layla, c’est possible de faire amener des armes au dispensaire ? On a eu un… contretemps.

Je vais me faire souffler dans les bronches après ça, je le sais. Parce que les ordres étaient claires et que je ne serai pas du genre à dire « c’est Maeve qui m’a dit que… ». Je suis restée sur place alors que je devrais tous les trainer dehors, c’est de ma faute. Et si les docs meurent, ce sera de ma faute aussi. Je me grignote l’intérieur des lèvres, des fourmis plein les jambes. Cette sensation désagréable qui me bouffe quand je veux agir mais que je peux rien faire. Heureusement, alors que les armes ne sont pas encore arrivée, on capte Levi. Ouf, ils ont géré. Je toise la chirurgienne froidement et mets quelques secondes avant de m’exécuter. Mais c’est la cheffe du dispensaire qui me parle, alors…

- Tenez-nous informez au dispensaire. On est encore cinq et on peut pas bouger.

Elle me soule. Je coupe la communication, hésite à l’ouvrir, mais… en regardant le vieux Terrance, je me ravise. Je repense à Zelda qui flingue Jaimie sans lui laisser une chance. Trainer notre bon vieux tenancier de l’armurerie hors d’ici pour le regarder mourir, ce n’est pas mieux. Et je veux pas l’infliger à Maeve. A la place, je vais respirer cinq minutes l’air hors de la pièce…

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Jason? Et où est-ce qu’il allait trouver Jason putain? C’est pas comme s’il était certain de le trouver dans l’un des abris, ni à un post fixe auquel il serait habitué. Mais le garde forestier n’a pas vraiment le temps de râler que Locke file en direction de la prison. Ouais Zelda putain. Elle avait peut-être le verbe haut mais la gâchette habile, et elle ne serait pas de trop. Ouais donc Jason… Où est-ce qu’il… sa meuf! Le dispensaire! Et tandis qu’il s’apprête à se diriger dans cette direction, de nouveaux crachats grésillent dans le talkie de l’intendante, réclamant des armes là-bas. Jill. Mais putain qu’est-ce qu’elle foutait là-bas et pourquoi ils ne bougeaient pas leur cul? “Je m’en occupe” précise-t-il à l’Anglaise sans réellement lui demander son aval.

Et évitant de jouer des coudes pour se frayer un chemin dans la file qui attend pour être équipée, il ronge son frein. Il ne sait combien de temps il attend - clairement trop - et finalement parvient jusqu’au type qui les distribue, précisant qu’il lui en faut plusieurs pour le dispensaire. Le mec finit par choper un sac et le remplit de quatre armes de poing et de chargeurs ainsi que trois gilets par balles avant de lui balancer sans ménagement. Place au suivant.

Faisant demi-tour, il voit Locke revenir… seul. “Putain elle est où Z?” Demande-t-il en prenant la direction du dispensaire. “Ils ont besoin d’armes chez les toubibs, apparemment ils sont coincés là-bas, avec Jill! Je me grouille de leur apporter et je reviens après” S’il en a le temps…

Alors il court jusque là-bas, retenant difficilement quelques quintes de toux au passage. Foutue fumée! Foutu incendie! Poussant les portes sans douceur, il tombe en premier sur sa pote, l’épaule encore en écharpe et lui désigne le sac. “Tiens! Qu’est-ce que vous foutez ici? Pourquoi vous êtes pas dans un abri merde?” Entre deux destinations, Jeremiah n’a pas entendu le dernier message de Levi et n’a aucune idée de la menace qui s’apprête à leur tomber sur la gueule.

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- Oh merde… sérieusement ?!

J’ai pointé le nez dehors pour voir le petit cadeau que ces enfoirés de fanatiques nous ont largué et je suis scotchée. Franchement, j’en ai vu des saloperies en six ans, mais là ils viennent de remporter l’award des plus gros tordus de l’histoire post-épidémie. Ça a dû leur demander du temps de préparer cette horreur.

Une grosse partie de ces pantins prend la direction du dispensaire, alors ça craint. Plus encore que lorsqu’un avion nous a foudroyé en fauchant Lucy au passage, plus que quand j’ai dû trépaner la jeune femme – pour être sûr – et la trainer ailleurs avec un peu d’aide, plus que quand j’ai vu arriver les blessés, certains privés de bras ou de jambe à cause des ogives. Plus que la difficulté actuelle des médics à stabiliser Terrance.

- Ok, écoutez-moi ! Je suis revenue dans la grande chambre où est réunie tout ce beau monde ; là où tous les lits qui n’ont pas été pulvérisés sont occupés, là où le sol est encore maculé du sang de Lucy, on a une vague de mordeurs… bizarres qui arrivent, je sais pas si les autres pourront les retenir.

Gardez mon sang-froid, ne pas paniquer. Si je balise, les autres le feront aussi ; et franchement, des situations extrêmes, j’en ai connu des pires. On gère. Je sors mon bras de mon écharpe, jauge un instant la douleur de mon articulation et grimace. Ça fait encore mal, c’est loin d’être très fluide, mais je préfère avoir mes deux mains. L’une d’elle est encore serrée sur le flingue que m’a ramené Jeremiah, même si je sens que ce sera pas super utile.

- Maeve ! C’est son attention que j’attire, parce que je sais que c’est la plus dure à convaincre et que les autres écouteront, c’est toi qui choisit : soit on s’arrange pour sortir tout le monde d’ici et aller ailleurs, soit j’ai besoin de bras pour barricader les issues ! Les deux options ont des atouts, les deux ont des faiblesses, et dans les deux cas, si on se trompe, des gens meurent, je reste avec toi, on se disputera probablement plus tard à propos de tout ça, dis-moi ce que tu veux faire !

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