Le regard du libraire suivit le chemin de la machette de Corray, de son dos où elle était rangée, à devant lui, bien ancrée entre ses doigts.

Des sangliers, peut-être. Il y en a dans la région.

Et il n'était pas sûr de savoir ce qu'il préférait entre ça ou des rôdeurs, les deux apportant leurs lots de problèmes, les rôdeurs étant plus simples à éliminer.
Le duo continua donc tout droit, ignorant les herbes pliées, jusqu'à parvenir à un petit sentier, au milieu des arbres de cette petit forêt. Aux racines de celles-ci, des champignons, de la mousse, quelques fleurs sauvages. Aussitôt, Ludwig mit un genoux au sol et analysa ce qu'il voyait, cerpe à la main, récupérant de temps en temps quelque chose qui l'intéressait. D'une oreille, il écouta les mots de son protecteur du jour, et eut un instant d'arrêt, sentant l'intonation de sa voix qui avait changée.

Ses sourcils se froncèrent très brièvement. Il n'osa pas le regarder, mais de toute évidence, il avait touché un sujet sensible, et il s'en voulut.

Un oiseau blessé, murmura-t-il pour lui-même, résumant les quelques mots qu'il avait bien voulu lui donner.

Il poussa sur ses jambes pour se remettre debout, remettant la lanière de son sac en cuir sur son épaule pour faire le tour du lieu, glissant derrière un arbre, réapparaissant à un autre endroit, des fleurs à la main … tout en répondant à la question de Corray.

Hm … je suis arrivé au stade quand il s'est écroulé. Juste à temps pour grimper dans un bus. Et depuis, je suis. Je n'ai jamais vécu à l'extérieur. Je me considère comme chanceux.

Un instant, il s'arrêta, interpellé par du bruissement, autour deux. Bien sûr, la forêt était habitée, et les animaux étaient dérangés dans leur environnement. Mais Ludwig préférait éviter de se confronter à des bêtes vraiment sauvages. Connor lui avait dit dans une lettre que lui et son groupe avaient dû se confronter à un puma, une fois. Ce n'était pas impossible qu'il y ait d'autres animaux de ce genre qui aient survécu et soient arrivés jusqu'à là.

Mais Ludwig fut distrait par un oiseau qui vola juste au-dessus de sa tête. En tant que passionné d'ornithologie, il reconnut l'espèce aussitôt et eut une petite exclamation ravie.

Oh, un geai bleu ! C'est un oiseau rare, on a de la chance d'en voir un !

Il tendit l'oreille et perçut le chant remarquable de l'animal volant.

Tu sais qu'il prend des bains de fourmis ? Par surprise, il se jette, toute aile déployées, dans une fourmilière, forçant les insectes à sécréter ce qu'on appelle de l'acide formique pour se défendre. On appelle ça le formicage. Le geai fait ça car cette sécrétion lui permet de se débarasser de ses tiques et autres parasites … et en prime, les fourmis s'en nourrissent. C'est fascinant. J'ai eu l'occasion d'observer ce phénomène.

Quand il commençait à parler de ce qui le passionnait, il avait tendance à oublier sa timidité, et son intonation s'activait un peu plus. Il en oublia les dangers de l'extérieur alors qu'il adressait un franc sourire à Corray, loin de se dire qu'il devait peut-être l'ennuyer avec ses histoires.