Will haussa les épaules malgré lui d’un air désinvolte. « J’ai toujours su saisir les bonnes opportunités. » Et ce malgré les envieux qui le lui reprochaient. S’ils n’en avaient pas ou répugnaient à en faire usage… Tant pis pour eux. Il arqua un sourcil, alors que Silas évoquait très brièvement, trop, ce qui l’avait convaincu de renoncer à une carrière à côté de laquelle rien ne semblait avoir grâce à ses yeux. « Bien sûr, que je veux les détails ! » Parce qu’ils avaient beau s’être perdus de vue, ça lui semblait tout aussi improbable que si lui y avait renoncé sans y être forcé. Quoi que… Peut-être qu’il aurait pu le faire pour Judy. Peut-être. Si tout ne s’était pas mal passé, s’ils n’avaient pas fini par ne se parler qu’en monosyllabes, pour se demander le sel ou quand est-ce qu’il serait chez eux ou non. « Tu faisais même pas des vols en amateur ? » Même si, au final, c’était peu attirant. « A défaut, plutôt que de tout abandonner… » Même si c’était peut-être exactement ce qu’il avait recherché. Aussi inconcevable que ça semble à Will. Il n’avait aucune idée de ce qui l’avait poussé à renoncer à sa carrière, et c’était probablement là que le bât blessait. Rien de ce qu’il pouvait imaginer ne suffisait pour qu’il envisage d’en changer.

Will garda le silence, comme pour l’inciter à continuer ou à se confier : ça ne lui ressemblait, de céder aux demi-vérités, de se comporter comme s’il fallait lui extorquer des confessions concernant ce dont il parlait. Ou, en tout cas, ça ne ressemblait pas au souvenir que le Québécois avait de lui. Il fronça les sourcils, alors qu’il évoquait son ex-femme, et son fils. Au Japon ? C’était foutrement loin, il n’aurait aucun moyen de savoir s’ils avaient survécu actuellement… Mais il était inutile de remuer le couteau dans la plaie. « Je suis désolé pour toi… Moi aussi, je me suis séparé de Judy, avant tout ça. Même si on a pas eu d’enfant. » Sa voix se fait plus éteinte, alors qu’il dit ça. S’il a fait le deuil de sa relation avec sa femme, son ex-femme, ce n’est pas vraiment le cas de ne pas avoir eu un enfant avec elle. Mais peut-être que, pour lui comme pour elle, trop d’espoirs pesaient sur cet enfant pour qu’ils en aient un. Trop de pression. Peut-être.

Il hocha simplement la tête. « Je vois. Qu’est-ce qui t’a convaincu ? L’eau courante, l’électricité ? » Il retint une blague sur le fait que les femmes aient pu le faire venir ici, car il ne semblait pas réellement enchanté en évoquant son ex-femme. « Tu m’as toujours surestimé. » Même s’il était plus idéaliste et moins cynique que maintenant à l’époque, mais il cachait déjà bien son jeu. Il n’avait jamais vraiment eu un grand cœur. Juste une notion bien à lui des choses.

« Je dois me sentir offensé, non ? Parce que oui, évidemment, je les pilote. Et c’est… la meilleure chose qui me soit arrivée, depuis que les morts-vivants nous sont tombés dessus. Oui, probablement ça. Tu sais, c’est comme le fait de respirer, pour moi. » Il ne put s’empêcher de lui sourire. « Et fut un temps où voler était pareil pour toi. Ça a vraiment changé ? Parce que je ne vais pas renoncer à te convaincre de venir y travailler, tu sais. » En vérité, tout dépendrait de sa réaction. Mais Will savait être convaincant s’il le souhaitait.