Cette journée commençait comme toutes les autres pour Alyona, à Fort Ward: quand elle était au camp principal, la jeune femme avait une routine de vie bien organisée, à laquelle elle dérogeait le moins possible. Le réveil était toujours plutôt matinal, histoire de ne pas perdre trop d’heures inutilement: et à peine levée, elle s’en allait pour faire un jogging d’une heure, histoire de se dégourdir un peu les jambes. Après tout, courir était le meilleur moyen pour s’aérer l’esprit, non ? Puis elle rentrait chez elle, se préparait pour la journée et prenait enfin le temps de se poser, pour prendre un petit déjeuner. Parfois elle croisait son colocataire -Cole-, et elle échangeait un peu avec lui: Igor et Hope les rejoignaient à peu près en même temps, pour partager le repas avec eux, avant de filer vers l’école.

Ensuite, l’américano-russe filait sans tarder à l’espace d’entraînement, un peu plus éloigné du camp: parfois elle s’y rendait seule et à d’autres moments elle suivait des sessions collectives, durant lesquels ils étaient supervisés par un entraîneur. Ce qui était d’ailleurs le cas pour cette journée en particulier. Si elle n’excellait pas dans les exercices de tir, bien qu’elle s’améliorait plutôt bien au fur et à mesure du temps, elle appréciait bien plus le fameux parcours d’obstacles à leur disposition. Les exercices étaient divers et variés: il fallait grimper, ramper, sauter, se hisser… Et si dans certains la force brute semblait être plus que nécessaire, Alyona s’aidait volontier de son agilité: pourquoi s’en priver, alors que la gymnastique lui avait permis d’être toujours en aussi bonne condition physique aujourd’hui ?

Néanmoins, l’entraînement prit rapidement fin pour elle, de manière quelque peu soudaine: la cause de cet arrêt soudain ? Eh bien, une mauvaise chute, tout simplement. Si durant quelques instants elle pensait que tout allait bien, son pied gonfla en quelques minutes, le tout accompagné d’une certaine douleur: une légère ecchymose était apparu sur sa peau, et se déplacer semblait être soudainement devenu… plus compliqué. Malgré ça, ayant tendance à être légèrement têtue par moments, l’américano-russe s’apprêtait à se rendre au dispensaire seule: enfin c’était sans compter Mikhael, qui était bien décidé à lui servir de béquille. Mais… Il la regarda d’un air entendu. Fais pas ta tête de mule Aly, tu pourras pas y aller toute seule. Elle n’eut qu’une moue en guise de réponse, et finalement, elle se laissa aider.

Une chose était sûre: ils avaient mis bien moins de temps pour y arriver que si elle s’y était rendue seule. Rapidement menés jusqu’à l’espace faisant office de salle d’attente, elle soupira de soulagement en s’asseyant: peu importe qu’elle doive attendre encore un peu, au moins elle n’avait pas à rester debout éternellement. Non pas que la douleur était insupportable -en tant que gymnaste, elle avait quand même eu le droit à son petit lot d’entorses-, mais cela restait tout de même inconfortable. Merci, dit-elle finalement à son ami. Tu devrais filer, tu vas rater le reste de l’entraînement sinon. Il haussa légèrement des épaules. Ouais. Elle eut un sourire amusé. Hop hop, plus vite que ça le papa poule ! Il avait tendance à se montrer protecteur avec elle et leurs autres amis, mais au moins, il lui changeait un peu les idées. C’était le plus important.

Elle n’attendit que quelques minutes supplémentaires, lorsqu’elle fut finalement appelée: non loin devant elle se tenait un adolescent, sûrement celui qui allait la prendre en charge donc. Enfin, étrangement il ne faisait pas si jeune que ça non plus, et apparemment il devait être assez mature pour que l’on lui donne ce genre de responsabilités, dont s’occuper de patients de manière autonome. Sans tarder elle lui suivit jusqu’à sa pièce en boitillant, grimaçant légèrement tandis qu’elle se rasseyait enfin. Bonjour, elle eut un sourire: même si la douleur se faisait toujours autant ressentir, Alyona n’était pas vraiment du genre à geindre inutilement. Elle prenait sur elle, et affichait au mieux une mine agréable: de toute façon, faire le contraire n’allait pas rendre la douleur plus supportable.

Merci, répondit-elle simplement, lorsqu’il l’invita à s’asseoir: elle ne put d’ailleurs pas cacher son air soulagé lorsqu’elle se posa sur la chaise face au bureau. Rester debout, et ce sans trop s’appuyer sur ledit pied meurtri, était quelque peu inconfortable à vrai dire. Elle ne se formalisait aucunement du vouvoiement employé par l’adolescent face à elle: au contraire, elle comprenait bien que c’était nécessaire, pour garder un échange professionnel, dans lequel la familiarité n’avait aucunement sa place. Elle ne se posait pas plus de questions quant au fait que ce soit une personne de son âge qui s’occupe d’elle: après tout, depuis l’apocalypse, ce n’était pas rare de voir les jeunes se mettre au travail plus rapidement. Ou simplement que les formations devenaient plus rapides, et axées sur la pratique plutôt que la théorie. Rien de très étonnant, vu le monde dans lequel ils vivaient désormais.

D’accord. Elle eut un sourire. Si Ivy considère que vous pouvez prendre en charge des patients sans supervision, c’est que vous avez les compétences suffisantes pour le faire. Clairement, elle ne voyait pas pourquoi elle aurait des raisons de s’inquiéter là-dessus, même si elle devait bien admettre qu’avant l’apocalypse, une telle situation l’aurait plus que surprise. Je n’ai aucune inquiétude là-dessus, en tout cas. Son regard se posa sur lui, légèrement observateur: clairement, tout dans son attitude -de ce qu’elle voyait- démontrait qu’il se comportait de manière professionnelle, voir même plutôt mature, pour son âge. Ce qui n’était pas forcément étonnant non plus, car grandir plus rapidement n’était plus vraiment une option, dans ce monde encore en pleine reconstruction.

En fait, on était en plein parcours du combattant pendant l’entraînement, et j’étais au niveau du mur à franchir, et… j’ai fait une mauvaise chute. Sur ce même pied. Avant de finir évidemment sur le fessier, par terre. Sur le moment, je n’ai pas senti grand chose en fait. C’est plus après m’être remise debout et… une ou deux minutes, que la douleur a commencé à s’faire sentir. Elle réfléchit un instant. Le gonflement a pas été trop rapide, je crois… Ptêtre une histoire de quatre ou cinq minutes. Je ne sais plus trop. Mais je pense que c’était plutôt au niveau de la cheville.

Elle hoche ensuite la tête, lorsqu’il l’invite à aller s’installer, ce qu’elle fait sans plus attendre: heureusement, la table d’auscultation n’est pas très loin, alors elle se déplace sans que la douleur ne se fasse encore trop sentir. Une fois bien en place, elle regarde bien entendu ce qu’il fait, non sans légèrement grimacer de douleur à certaines manipulations. J’espère que ce n’est pas trop grave…