Le calibre est atypique, donc la formule l'est également. Il a passé une première partie de sa journée à chercher sa bible ; un guide du rechargement qui incluait l'objet de sa commande. Pas vraiment d'avis à rester à l'armurerie après le départ de tout le monde, il se décide finalement de se relocaliser au Summer's pour travailler dans de meilleures conditions, c'est à dire avec un peu d'ambiance et d'alcool dans le sang. Un minimum sérieux, il est seul à sa table avec devant lui son cahier de note, le bouquin énorme empestant un mélange de poussière et une légère humidité, et la petite bière qui va bien.

C'est alors qu'un miracle se produit ; il tombe sur ce qu'il cherche. La frustration retombe, l'euphorie l'emporte, et alors qu'il aurait dû s'en arrêter là, il s'emporte et se met en tête de prendre de l'avance sur demain. Une simple liste de ce dont il aurait besoin afin de passer directement les récupérer avant d'aller à l'armurerie pour s'atteler à la tâche. Amorces, étuis, ogives, pas de problème. Il en faut autant que ce qu'il veut produire. La poudre ? Oh, merde. Il n'a pas celle demandée, mais une équivalence. mais en quantité limitée. Donc il doit calculer combien il lui faut. Il lui reste plus ou moins huit cent grammes de celle-ci, alors, il commence sa division. ça ne peut pas être compliqué, hein ?

Quelques secondes plus tard, il est déjà en train de se passer la main dans les cheveux. Son cerveau chauffe, et ça se voit, puisqu'il fait tournoyer son crayon comme une hélice, signe d'une pleine réflexion de sa part. C'est alors qu'un mouvement, un visage capte son attention. quelqu'un vient de rentrer dans l'bar-garage. Quelqu'un de nouveau ; plus que lui. Alors, il détourne son regard, sort de sa transe alors que celle qui se révèle être une femme ne va pas tarder à passer à côté de lui.

Bien sûr, du coup, il fait tomber le crayon ; et par, réflexe, il se jette presque pour le rattraper. Il n'y parvient pas, et ne fait que le ramasser. Frustré de son échec, il se redresse brusquement, en jaugeant mal l'espace qui le sépare du bord de la table. Avec un gros bonk, il fait trembler son verre, assez pour qu'il commencer à basculer. Mais il le voit venir, et limite la catastrophe alors qu'une partie du liquide se déverse quand même sur l'équation de niveau de CM2 qu'il essaie de résoudre.

Il essaie de ne pas perdre la face, conscient qu'il vient sans doute de capter l'attention de cette nouvelle, alors il se redresse finalement lentement avant de lui annoncer en guise d'introduction :

" J'sais pas ce qui me donne le plus mal à la tête. Ma maladresse, cet alcool, ou les maths " et il la gratifie d'un sourire un peu benêt, étant plus ou moins sûr qu'il venait de passer pour un fruit bien mûr.

Spoiler:

Je ne suis pas certaine de ce que je viens faire ici. À dire vrai plutôt, je n’ai simplement pas de but précis autre que… ce besoin très humain de compagnie. Car malgré tout mes efforts, je ne suis pas cet être de pur pragmatisme dont les instincts les plus bas, les besoins les plus niais, cette envie de socialiser ne se font pas ressentir. Je suis menée comme tout le monde par tout ce capharnaüm d’émotions.

Je pousse la porte du coude, histoire de ne pas toucher la poignée. Je ne peux m’imaginer à quel point celle-ci doit être sale, vu les passages réguliers des gens. Pas certaine que ce soit nettoyer régulièrement, du moins, pas autant que les verres ou le comptoir. Puis-je en vouloir aux propriétaires ? Sans doute pas, puisque cette importance sur la propreté n’émane de rien d’autre que d’une maladie dans mon cas.

Aller Bonnie… On ne pense pas à toutes ces choses qui te font vriller. Pas de crise. Pas après celle que j’ai eue à la maison. Je suis reposée, j’ai fait du sport aujourd’hui, j’ai fait un peu de méditation pour être certaine d’évacuer tout stress. Un esprit sain dans un corps sain. J’ai besoin de cette soirée.

Alors que je cherche un endroit pour me poser moi et mes petites affaires, je tourne immédiatement le regard au bruit sourd qui se fait attendre sur ma droite. Je vois un homme tenter de stabiliser son verre, sans doute le même qui s’est cogné pour causer ce déséquilibre. Loin de me moquer, je m’apprêtais plutôt à reprendre mon petit chemin vers une table vide, mais l’inconnu s’adresse à moi. Sans doute pour ne pas perdre la face, il se permet un peu d’humour. Il y a cependant un mot qui attire plus mon attention que le reste.

La curiosité prend le pas sur tout le reste et je m’approche, presque timidement.

- Vous avez du mal avec des calculs ? J’essaie de loucher sur le document devant lui, mais finis par m’abstenir pour ne pas le brusquer. Je peux peut-être vous aider ? Voilà d’une pierre deux coups non ? Sociabiliser tout en découvrant ce qui lui pose problème avec ses calculs. Un bon verre avec tout ça et… Ce sera une bonne soirée.

Une soirée comme je n’en ai pas eu depuis 2015. Quelque chose de si normal et si précieux pour nos jours. Du moins, pour ceux qui comme moi viennent tout juste d’être rescapés de l’extérieur. Ce sale, dangereux et cruel extérieur.

La question que lui pose l'autre le fait glousser. Il ne manque pas de rétorquer directement, en lui annonçant :

" J'sais pas si j'ai du mal, ou si je me fais du mal pour être tout à fait honnête " il l'observe essayer de lorgner sur ses gribouillis dégueulasses ; puisqu'il écrit assez mal. Il fait mine de vouloir dissimuler, de façon exagérée, ses travaux. Il la dévisage un instant, comme s'il essayait de deviner ses intentions, avant de lui annoncer :

" J'veux bien, ouais. à une condition " il lève son doigt, marque un instant de silence, et le pointe vers elle pour renforcer son effet dramatique : " Te fous pas de ma gueule " il lui adresse un sourire entendu, marque un dernier instant d'hésitation avant de finalement se résigner. Il continue de cacher ses notes, parce qu'il a une idée en tête. Il lui explique directement :

" Ou alors... Si tu veux, mais à une autre condition. Un p'tit jeu. Si t'es capable de résoudre ça de tête, j'admets que je suis un singe, et j'te dois un truc. Un service, une bière, un repas ; on peut déterminer ça maintenant. Si t'en es pas capable, on inverse les rôles. ça te va, ... " il marque un instant de silence, avant de réaliser qu'il ne s'est même pas présenter. Alors, il ne tarde pas à rectifier ça :

" Silas, ravi de te rencontrer " alors qu'il lui tend la main pour la saluer formellement. Il se justifie : " Désolé, j'ai passé un moment en solitaire, j'en ai perdu mes manières et les mauvaises habitudes ont la peau dure "

Il se tâte à lui demander si elle est nouvelle en ville ; mais elle revient peut-être d'une expédition ou quoi, et, il ne veut pas passer pour indiscret ; déjà qu'il vient de lui déblatérer un quasi-monologue. Il essaie de se redonner un peu de contenance, alors qu'il se considère, sans doute un peu à tord vu la réaction de l'autre, dans l'embarras. Alors il se contente d'attendre sagement, et silencieusement, sa réponse.

S’il a du mal ou s’il se fait du mal ? C’est complexe à ce point ? Oh j’ai vraiment envie de savoir maintenant. Je ne l’ai pas croisé au laboratoire au meilleur de mes souvenirs. Peut-être un ingénieur ? Ou un professeur ? Ce doit être complexe comme calcul, je suppose !

- Promis. Que je souffle avec un sourire. Je ne verbaliserai pas mes jugements, si j’en ai.

Peut-être aussi que je ne saurai l’aider, je suis douée, mais pas mathématicienne. Et si je ne connais pas la formule, je devrai me familiariser avec avant de réellement pouvoir lui être utile.

- Un jeu ? J’arque les sourcils. Je ne sais trop à quoi m’attendre que ce soit avec cet inconnu, cet endroit ou ce nouveau monde brisé. Devrais-je me méfier ? Refuser catégoriquement ? Me laisser tenter par cette curiosité grandissante ?

Les propositions se font et je constate que je n’avais pas du tout à m’en faire. Il semble que j’ai quelqu’un de tout à fait normal en face de moi et… ce n’est pas déplaisant bien au contraire. J’en ai soupé des gens dérangés.

- Oh ! Je pose une main contre mon menton, réfléchissant, mais il se présente et j’en fais de même avant de lui donner ma réponse. Enchantée, Bonnie. Je ne serre pas sa main, mais lui fais plutôt un petit signe de la mienne avant de m’asseoir à ses côtés. Il prendra sans doute cela comme un peu de timidité. Tant mieux. Moi aussi. Je… c’est la première communauté que j’intègre depuis 2015.

C’est rafraichissant, mais il me faut retrouver pied en société. Déjà que je ne suis pas la plus douée socialement. Je reviens donc à ce choix qui m’est proposé. Une bière ? Je peux en obtenir gratuitement lorsque j’en ai envie. Un repas ? Bien qu’il soit agréable que l’on cuisine pour ma personne, je ne pourrai pas en l’état des choses accepter vu ma condition. Mon TOC est encore trop en force pour cela.

- Un service de mon choix dans le futur. Que je déclare amusée. Alors, quel est ce calcul qui vous fait des misères Silas ?

Il entend sa promesse, incertain qu'elle la tiendra. C'est vraiment d'un niveau de primaire, bordel. Mais il est fatigué. Et ça n'a jamais été son truc, les divisions. En fait, son blocage provenait du fait qu'il avait littéralement oublié comment poser une division sur le papier, à force d'avoir systématique recours à une calculatrice. Il aurait pu le faire de tête, de façon approximative, s'il ne s'était pas acharné à vouloir une réponse précise. Il réalise que sa proposition aurait pu être mal comprise alors qu'elle relève le mot jeu, mais est ravi de voir qu'au final, sa tentative de rendre leur rencontre un peu plus mémorable prend.

Mais alors que la main de l'autre ne va pas rencontrer la sienne, il surjoue une grimace d'une expression de douleur quasi-comique. Il met la main sur son cœur l'espace d'un instant, comme s'il venait de se le faire transpercer, mais laisse tomber en l'espace d'un instant quand elle lui annonce qu'il s'agit de sa première communauté en sept ans. Beaucoup de curiosité, un peu de surprise. Ce petit bout de femme ; même si elle est plus grande que la moyenne ; a réussi à survivre en solo pendant tout ce temps ? Comment ? Est-ce une survivaliste, une prepper qui a vu les problèmes venir ? Avait-elle un métier qui la prédisposait à s'en sortir aussi bien ?

Il la sent un peu timide, alors, il ne peut pas directement la questionner sur elle, sur son passé. Alors, il se contente de blaguer :

" Et t'es arrivée ici, t'as vu qu'on avait de la bière, et t'as signé c'est ça ? " il fait mine d'attendre une réaction, mais lève sa main ouverte pour faire signe qu'il a déjà compris ce qu'elle allait répondre : " J'ai fais pareil, j'te juge pas "

Il passe ensuite à l'essentiel lorsqu'elle lui pose la question. Il fait monter la tension en imitant un roulement de tambour de ses deux index sur la table. Il lui pose finalement son problème mathématique, qu'on aurait pu trouver dans un énoncé d'exercice de lycéen :

" Alors, j'ai environ 800 grammes d'une poudre. Je me demande combien de petits pruneaux je vais pouvoir préparer, en sachant que : chaque pruneau me demande 41 grains de poudre " il marque une pause dramatique, avant de se relancer : " Tu me diras, c'est quoi un grain, et j'comprends ta question. Qui s'emmerde à compter des grains ? Nous, visiblement. Un grain, c'est grosso merdo 0,065 grammes " il tape dans ses mains, et énonce : " Tu as... le temps que tu veux, j'dirais. "

Il feint une certaine douleur, alors que je refuse de serrer sa main. De l’humour donc, c’est… rafraichissant. Tellement rafraichissant. Impossible de ne pas sourire comme une idiote, comme une fille qui n’a pas entendu de blague depuis… sept ans.

La bière ? Oh ? L’espace d’un instant, je me demande si j’ai la tête d’une fille qui boit beaucoup de bière. Ce n’est pourtant pas l’image que je tente de donner aux autres. Est-ce mieux que celle d’une femme rongée par un trouble psychologique ? Sans doute, mais comme il s’agit d’une blague à nouveau, je cesse mes réflexions.

- Tout à fait. La bière et les barricades. Je tente à mon tour un petit trait d’humour, mais je me sens tellement… rouillée.

Une serveuse vient prendre ma commande, pendant que mon vis-à-vis se prépare à me faire part de son problème mathématique. Je demande un verre d’alcool fort, ainsi plus de chance d’éviter de grandes quantités de germes.

Ensuite, je tends attentivement l’oreille pour écouter ce qui ^pose problème au dénommé Silas, avant d’être… déçu par le défi que je croyais devoir surmonter. Je penche un peu la tête sur le côté et l’espace d’une petite seconde le dévisage. Ce n’est pas un professeur ou un ingénieur donc. Je ne peux que m’en prendre à moi même d’avoir développé des attentes du genre. J’ouvre donc mon sac à main et en sors ma propre petite tablette de feuille, ainsi qu’un stylo.

- Vous devez donc déterminer combien le total de de grain de vos 800 grammes totaux d’abord. Pour ce faire, vous pouvez faire un calcul croisé. Je lui montre comment faire, puis fais le calcul mental, avec pratiquement aucune annotation sur le papier et j’inscris le montant assez élevé, sous le 800. Voilà. Ensuite il ne vous reste plus qu’à diviser cela par 41. Ce que je m’applique à faire à nouveau mentalement, avec quelques annotations. 300 pruneaux donc. Si nous arrondissons les décimales.

J’arrache ma petite feuille de calcul et la lui tends, alors tout juste que l’on pose mon verre devant moi. 3

- Merci. Que je souffle à la jeune femme qui m’a servi, avant d’observer une seconde de trop mon verre. Il n’est pas sale. Elle a fait attention à la position de ses doigts dessus. Je l’attrape et l’hume pour constater qu’il s’agit bien d’un alcool fort, puis y trempe enfin mes lèvres. Cela me met d’une excellente humeur. Premier vers en sept ans. Difficile à croire, mais pourtant vrai.

Il esquisse un sourire ravi alors qu'il réussi visiblement à faire un peu bosser les zygomatiques de son interlocutrice. Dans un monde aussi sombre et terne, chaque petit rayon de soleil de ce genre est à prendre. Il pouffe de rire quand elle parle des barricades. Si elle savait putain. Y'a des gens qui verrouille même pas leur putain de porte dans ce camp de fous. Il ne lui explique pas ce qui le fait rire, se contente de commenter :

" Planquée, va " sachant que lui-même, comme la majorité des gens, est plus ou moins présent ici pour cette sécurité.

Parce qu'il est peu probable d'être d'accord avec toutes les idées d'un camp, chacun a dû plus ou moins faire des sacrifices en échange du fait de pouvoir dormir relativement sereinement entre quatre murs, avec de l'électricité et de l'eau chaude. Et, au final, c'est la base de n'importe quelle société.

Il hausse les sourcils et hoche la tête quand elle prend sa commande, comme si elle venait de gagner en crédibilité à ses yeux. Il ne juge pas, hein, mais les liqueurs post-apocalyptique, c'est du costaud. Lui-même ne préfère pas s'y aventurer avant de s'être préparer le gosier avec quelques boissons moins alcoolisées.

Alors que le problème est posé, et qu'elle commence les explications, il l'entend sans trop l'écouter ; son regard oscillant entre son visage et son stylo qui griffonne sur le papier et qui réchauffe ses souvenirs d'arithmétiques. Elle est clairement plus intéressante que monsieur Campbell, probablement feu son prof de maths du lycée. Mais quand vient sa conclusion, il semble déçu ; non pas de la voir remporter son défi ; c'est une occasion facile de la revoir. C'est plutôt le 300 qui le déprime. Il annonce simplement :

" Bon, et bien j'pense que je peux m'échauffer le coude pour demain ! " il lève son verre pour accompagner ses paroles et le geste de Bonnie. Il fait référence au fait que presser trois cent cartouches avec une presse monostation est incroyablement chiant et fastidieux ; mais il ne développe pas. L'armement, les munitions, c'est comme l'automobile ou la moto ; la plupart des non-initiés trouvent ça incroyablement barbant, s'agissant d'un truc de passionnés. Il a un air surpris quand elle lui annonce que c'est son premier en sept ans, et il demande en référence à l'alcool qu'elle a choisi : " D'alcool ou de détergent ? Tu verras, pas forcément évident de faire la différence " il lui fait un clin d'œil. Il dit ça, mais tout revient à une question de goût au final.

Il va surtout en profiter pour commencer à creuser sur cette personne qui est définitivement intéressante :

" Jamais été dans une situation qui te le permettait, ou plus l'envie ou l'occasion ? " demande-t-il simplement, en la poussant à développer ce qu'elle lui présente pour éviter d'être trop intrusif.