Comment avions-nous pu perdre si rapidement le contrôle de la situation ? La panique s’était distillée, tel un venin, dans une assistance auparavant médusée. Des cris furent bientôt suivis de mouvement de foule. Mes mains se refermèrent avec force sur mon arme de service, encore en bandoulière. J’avais une sensation de déjà-vu avec le stade de Century Field. Je revoyais encore, même maintenant, le petit corps sans vie de mon fils d’à peine six ans, piétiné par une foule paniquée avant d’être laissé pour mort sous les crocs avides des rôdeurs. Ma famille était sûrement là, quelque part. « Lynn… » Mon souffle se coupa. Ça allait recommencer.

L’ordre du Général Philips claqua dans l’air. Je fondis sans attendre dans la foule, m’éloignant à pas rapide de l’estrade. Il ne me fallut pas bien longtemps pour perdre de vue mes autres camarades, me forçant à jouer des bras pour me frayer un chemin. « Ça suffit. Calmez-vous ! » Lâchai-je d’une voix forte, qui ne réussit pas à percer le vacarme. Du coin de l’œil, partout, des scènes de violence se jouaient sous mes yeux. Les miliciens étaient effrayés, dépassés. Il ne manquerait pas grand-chose pour que le feu soit mis aux poudres. Il fallait impérativement que je retrouve ma famille avant qu’un drame ne se produise.

Mon berger malinois toujours sur mes talons, je me raidis en apercevant une tignasse blonde dans toute cette agitation. Ce n’était pas celle que j’espérais trouver, mais c’était presque tout comme : Là où Jordane se trouvait, Lynn n’était jamais bien loin. Le coup de crosse qu’elle venait de prendre eut au moins l’avantage d’effrayer suffisamment la foule pour qu’elle s’écarte du milicien. « Hey ! » Je n’eus aucun mal à fondre sur lui, pour lui décocher un violent coup de poing en pleine figure, de quoi lui remettre rapidement les pendules à l’heure. Le milicien termina sa course à terre, sonné aussitôt. Je ne remarquai la petite silhouette recroquevillée au sol de Maelys qu’après coup, mais mon sang ne fit qu’un tour. Mon fusil atterrit dans mes mains sans que je ne m’en rende compte, alors que j’étais projeté des années en arrière à Century Field. Ashe grogna à mes côtés, oreilles plaquées dans son pelage gris. Le regard glacial que je lançai à mon ancien collègue sonnait tout autant comme une promesse de mort que le canon de mon fusil à sa tempe.

Dés/Résumé:

Mode/Equipement:

Maelys releva à peine la tête, trop effrayée à l’idée qu’on la blesse davantage encore. Les choses se passaient beaucoup trop vide et elle eut à peine le temps d’entendre la voix de Jordane qu’elle la voyait au sol à côté d’elle, le sang ornant son visage ôtant toutes couleurs de celui de Maelys. Elle aurait voulu tendre la main vers elle, s’assurer qu’elle était consciente, reproduire les gestes que Mia lui avait montrés pour vérifier le pouls d’une personne, mais elle était bien trop terrifiée. Et les bruits continuaient de se faire entendre autour d’elle, beaucoup trop forts, augmentant son effroi. Les larmes coulaient sur ses joues, plus abondantes alors qu’elle craignait que Jordane n’ait été frappée beaucoup trop violemment, et que les gens ne se calmaient pas autour d’elle.

L’adolescente s’arrêta de respirer, alors que des pieds la frôlaient, ne réalisant pas tout de suite que l’ombre du milicien qui l’avait frappée et avait mis Jordane à terre s’était éloignée, sans bien comprendre comment. Elle n’osait pas regarder, de peur qu’on lui reproche de ne pas rester immobile, et il lui fallut un peu de temps pour réaliser qu’elle connaissait ce grognement qu’elle entendait. Pour lever légèrement la tête et reconnaître Ashe. Mais River n’était pas là, il était parti à l’extérieur. Ashe devait être avec lui. Elle devait halluciner, elle ne voyait pas d’autres explications. Et pourtant… Elle était presque sûre d’elle. Elle avait suffisamment vu le berger malinois pour le reconnaître. Sans oser se relever, elle reprit la parole malgré elle. « Papa ! PAPA ! » Elle n’avait même pas réalisé les mots qui sortaient de sa bouche, avant de les entendre. Elle ne s’attendait pas à réagir de cette façon. Elle était de toute façon trop apeurée pour y prêter réellement attention pour le moment, et pour comprendre qu’elle les adressait à River.

Spoiler:

Armand aurait certainement enchainé plus promptement s’il ne lui avait pas semblé qu’une partie de l’assistance avait réagi à leurs présences sur la scène et que le chaos qui l’avait saisie parut diminuer. De nombreux visages se retournèrent vers lui. Et si sa tête n’était pas nécessairement familière pour tous ces gens – en dehors de la couverture d’un édito récent de la gazette probablement – celui d’Ortega l’était bien davantage. Quant à McCarthy, sa présence sembla canaliser aussi une partie de ses miliciens. Pas tous de toute évidence. Quelques cris de détresse pointaient toujours…

- Il y a des blessés ? Aidez-les ! Clama le quadragénaire, à qui voulait se sentir concerné.

La situation restait pour lui surréaliste. Non pas sa présence ici sur cette estrade, il se la représentait parfaitement, mais ce mouvement de foule incontrôlé et dangereux. Il n’attendit pas pourtant une parfaite accalmie, pour poursuivre à l'intention de ceux qui daignaient l’écouter. Ils avaient déja trop trainé à se présenter.

- De quoi avez-vous peur ? Lança-t-il, avant de marteler : Ce n'est plus possible ! Tout cela doit cesser, vous ne croyez pas ? New Eden a été créé comme un sanctuaire et c’est exactement ce que cet endroit doit redevenir, dès aujourd’hui ! Son index pointa le sol. Ce sacre du printemps est un symbole. Il annonce un renouveau et avec lui de nouvelles réformes vont se mettre en place dans les prochains jours. Discutées par votre exécutif actuel. Il montra notamment ses voisins. Il prit une inspiration. Elles vont suivre dans un premier temps trois axes. Une distribution plus juste des ressources au sein des Districts : la nourriture, l’électricité. Une voix retrouvée pour les femmes. Et plus aucun mariage imposé.

Il avait d’abord brandi son index, suivi de son majeur et enfin son annulaire. C’était abrupt, sommaire, mais les gens devaient commencer par assimiler ses mots. Il se tut un instant et échangea un regard avec Selina Ortega.

- De nombreux autres sujets seront abordés, dans les jours et les semaines à venir, nous entrons dans une période de transition. Il marqua une courte pause. Puis sa voix claqua de nouveau dans le micro. Vous l'avez peut-être compris, notre Adonaï ne se présentera pas devant vous aujourd’hui. Ni demain. N’ayez crainte, il va bien, certifia-t-il, à ceux qui lui étaient encore fidèlement dévoués. Il les savait nombreux. Sa propre position restait d’ailleurs sur ce sujet ambiguë. Mais il a été décidé cette nuit qu’il ne serait plus celui qui dicterait nos lois.

Spoiler:

L’apparition du général Phillips sur l’estrade n’a pas l’effet escompté sur l’ensemble de la population, et certains se mettent à s’agiter encore plus, paniqués par ce changement de programme. La main de Sienna est toujours accrochée à celle de Mia. Elle ne l’a pas lâchée depuis que le chaos s’est installé. Elle se retourne en direction de Maelys, mais elle n’a pas le temps de réagir lorsque cette dernière est brusquement bousculée et poussée en arrière contre un milicien visiblement dépassé par les événements. Lorsqu’elle tombe au sol sous le choc de l’impact et que l’homme commence à la frapper, le sang de la petite brune se glace dans ses veines, et elle marque un temps de retard dans sa réaction, trop choquée de voir un homme adulte s’en prendre de la sorte à une gamine désarmée. Jordane, elle, ne perd pas de temps, et déjà elle s’élance pour venir en aide à la petite sœur de sa meilleure amie. Sans succès malheureusement. Le coup de crosse qu’elle prend en plein visage la sèche instantanément et la voilà qui s’effondre elle aussi. Sienna s’avance, réalise qu’elle tient toujours Mia et comprend qu’elle ne peut pas exposer la gosse à cette violence. Le temps de trouver une solution, c’est un mur en béton vêtu d’une combinaison de Trône qui s’abat sur le milicien pour l’envoyer au tapis sans autre forme de procès. Malgré le casque, Sienna finit par reconnaître River, et le soulagement la submerge instantanément.

Lorsque la voix du général reprend, faisant finalement taire la foule ainsi que la panique ambiante, la petite brune jette un regard autour d’elle lorsqu’il parle des blessés. Maelys. Jordane. Des gens anonymes encore au sol. Pas si loin, une figure blonde habillée d’un manteau que Sienna a déjà vu de nombreuses fois. « Lynn ! » Elle n’adresse pas le moindre regard à Jonatan avant de se faufiler d’un pas vif entre les gens qui se sont finalement arrêtés pour prêter l’oreille au discours d’Armand, lui facilitant la tâche. « Mon Dieu, Lynn, est-ce que ça va ? » Elle passe son épaule sous son bras pour l’aider à se relever en douceur, ne sachant pas encore l’étendue de ses blessures. Mia l’aide aussi, lâchant finalement sa main prendre celle de Lynn. Elle ne manque pas de courage. « Ton père est là, avec Maelys et Jordane, il faut qu’on les rejoigne. » River est facile à reconnaitre dans la foule grâce à son attirail, et c’est sans mal qu’elle ramène la blessée à bon port, regardant d’un œil ému Mia se précipiter vers Maelys pour s’assurer de son état. Elle regarde l’état de ses amies, puis River, puis sent à nouveau les larmes lui monter aux yeux. Elle sent la culpabilité la submerger tandis qu’elle s’agenouille à côté de Jordane pour tenter de la faire revenir à elle, une main douce sur son visage pour retirer les cheveux qui sont venus se prendre dans le sang qui s’écoule de son arcade afin de lui dégager les yeux. « Est-ce que tu peux te lever ? » La voix s’étrangle dans sa gorge. Elle n’a pas réussi à les protéger. C’est un échec sur toute la ligne.

Spoiler:

Dégagez d'ici ! Il faut qu'il tombe sur un buté, le genre qui ne veut rien entendre malgré les mots apaisant d'Armand. Celui qui exige, ou qui a juste soif de violence, il ne sait même pas quoi dire. Pose ton arme, ordonne Jacob d'un ton ferme, en plantant un regard dur sur le milicien. Tu n'as pas envie que Dieu se souvienne de toi comme un assassin, il n'a cependant pas le temps de lui parler que l'homme va pour l'agresser sans entendre ses paroles.

C'est par réflexe que Jacob parvient à lui saisir le poignet, suffisamment à portée pour ça. Il le tord, l'oblige à lâcher son arme, avant d'en venir à devoir se faire entendre plus violemment. Si dans un premier temps, le rancher cherche surtout à se défendre, il comprend qu'il ne va pas avoir le choix de faire un peu plus que ça. Alors, quelques coups biens placés, dans la gorge, le nez, les jambes fauchées, il le rive au sol et saisit ses bracelets serflex pour l'immobiliser : Maintenant tu restes au sol !

Ce n'est pas négociable. Il fait signe à ceux à côté de le sortir de la foule. Son sort sera réglé plus tard. Ses yeux sondent autour, à la recherche d'une personne qui aurait pu être blessé par le milicien, avec l'espoir que ça ne soit pas pire que ça. Il ne peut que prier, espérer, démuni et impuissant. Si son erreur, son manquement, a pu porter atteinte à quelqu'un, il n'est pas sûr de pouvoir se le pardonner.

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Gardant un oeil sur l'homme que je viens de réprimander, je le surveille quelques instants, alors qu’une certaine agitation m’interpelle. C'est finalement la voix d'Armand qui attire mon attention. Prêt à s’exprimer devant la foule. L'homme se présente sur l'estrade, accompagné par Ortega et McCarthy et commence son discours.

Le silence se fait alors, et l'assemblée écoute le Grand Général. Les mots employés sont bien choisis, sa voix est assurée, déterminée. Combien de fois j’ai attendu ce moment ? Bien trop longtemps… L'espoir d'un renouveau est possible, si tous l'écoutent. L'homme expose les changements à venir, rassurant également la foule présente. Cela ne sera pas simple, évidemment, il y a tellement de choses à changer ici, à améliorer. Mais c'est possible, J'y crois vraiment.  Les premières annonces qu’il fait, sont nécessaires, attendues par beaucoup ici. Durant tout le discours, je ne quitte pas l'homme des yeux, buvant ses paroles avec intérêt.

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