Avais-je attendu un quelconque retour de flammes suite à la marche que nous avions organisée ? Que j’avais organisée ? Evidemment. Bien que tout ce soit admirablement bien passé, et qu’il soit possible que cela ne porte pas à conséquence… enfin, pas à conséquence négative. Il pouvait être difficile de réprimer ou punir un mouvement qui n’avait eu pour but que la bienveillance et la solidarité, même pour eux. Le fait que je sois enceinte pouvait être une explication à leur silence. Tout comme songer à sanctionner l’Epouse du général Ortega entre autre, exercice on ne peut plus périlleux.
Ou pas.

Je ne sais plus trop à quoi m’attendre de leur part, tant les limites ont sans cesse été repoussées ces derniers mois. Ces dernières années même. Pourtant, j’ai toujours cet espoir naïf que les choses s’arrangeront sans que la violence n’ait à primer, que nous pouvons faire changer les choses sans blessés ni morts supplémentaires.

Malgré tout, alors que je regarde autour de moi, c’est de l’appréhension qui naît. Il y a vraiment beaucoup de miliciens. Ce qui pourrait paraître normal, mais je ne sais pas, ça me semble un peu excessif malgré tout. Comme s’ils étaient tous rassemblés ici. Savoir les enfants en sécurité m’apaise un peu, surtout alors que je note l’épuisement qui transparait sur de nombreux visages.

Les mains posées sur mon ventre, cherchant du regard Anjali, j’ai à peine le temps de tenter de rattraper Ela quand elle se fait bousculer. Enorme échec que nous mettrons sur le compte de mon centre défectueux de l’équilibre. Je me retrouve, en une fraction de seconde, au sol, avec elle. Aie. « Ça va. Je crois. Et toi ? » La petite donne un coup, ce qui m’arrache un soupir. D’accord, tout va bien. « Nous allons bien, ne t’en fais pas. » Ne reste qu’à me relever alors que je ressemble à une baleine échouée sur un banc de sable. Tant bien que mal, avec son aide, je parviens à me relever et fais craquer mon dos, une main sur mon ventre. « C’est le moins que l’on puisse dire. » Un nouveau coup d’œil autour de nous avec un certain malaise. « Je crois que l’ambiance n’est pas trop à la fête et… il y a beaucoup de gardes, non ? »

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Les derniers jours n’avait pas été simple pour elle. Qui voudrait-elle désormais ? Toujours, digne, elle refusait catégoriquement de se morfondre mais parfois, la réalité revenait toquer à sa porte, elle était prise d’une colère terrible qui lui prenait le ventre. Elle était devenue une sorte de digne paria, sauvée par ses prises de positions mais mise de côté à cause des bévues de son époux. Mais, le sentiment qui la définissait le plus aujourd’hui c’était son soulagement à ne plus rien craindre de son foyer.

Pour se changer les idées et vivre ses quelques mois de liberté avant de devoir être remise sur le marché du droit de cuissage, la jeune femme, malgré l’atmosphère, s’était rendue au festival. Son fils avait pu être confiée aux soeurs afin qu’elle puisse profiter de son après-midi.

Il ne lui fallu pas beaucoup de temps pour arriver, alors qu’elle fend la foule pour trouver un visage connu. Des murmures arrivent à ses oreilles, les miliciens présents se concertant, oublient que des oreilles, peuvent traîner. L’Adonaï se faisait, apparement désirer. Daisy fronce les sourcils. Étonnant, alors qu’il semblait être dans une campagne de réconfort auprès de sa population, il était même censé faire un discours.

Daisy finit par apercevoir Ela et Hailey, sans hésiter, la jeune mère décide de les rejoindre, alors que l’ambiance ne semblait pas à la fête pour tout le monde.

Bonjour Hailey, Ela, fit-elle, en souriant. Le divorce lui allait véritablement bien. La mention d’Hailey à propos des gardes fait hocher Daisy.   J’ai entendu des gardes dire que l’Adonaï n’avait pas été vu depuis ce matin, n’était-il pas censé faire un discours ?

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Elle sursaute presque lorsqu’elle entend la voix de Maelys à ses côtés. « Bonjour Maelys, enchantée Mia. Vous n’êtes pas venue avec vos parents ? » Ce n’est pas prudent pour deux adolescente de se retrouver seules dans un tel bain de foule, et la petite brune note dans un coin de sa tête de garder un œil sur elles. « Bonjour Jordane, contente que tu te joignes à nous. » Elle n’est plus seule, et c’est un réconfort. Mais que pourraient faire quatre gamines sans ressource en cas de pépin ? Pas grand-chose. Elle regarde autour d’elle à la recherche de… A la recherche de quoi ? Elle ne sait même pas. Quelque chose qui pourrait confirmer ou infirmer son mauvais pressentiment peut-être, quelque chose pour calmer ses nerfs.

La foule grossit, et autour d’elle, des murmures s’élèvent, mais elle n’arrive pas à comprendre ce qui se dit. Un peu plus loin, il y a une bousculade. C’est mauvais. Très mauvais. Instinctivement, elle attrape la petite main de Maelys dans la sienne, comme elle l’aurait fait avec sa petite sœur. « Les filles, il se passe quelque chose. Il ne faut pas qu’on reste là. » Son regard cherche désespérément le passage le plus court pour atteindre une zone moins bondée, et elle sent son cœur s’agiter dans sa poitrine. Elle pointe une zone légèrement en hauteur par rapport à la grande place, et moins débordée d’habitants. « Venez, on va se mettre là-bas. » Le léger dénivelé permettra de compenser leurs petites tailles, pour espérer voir le danger arriver plus facilement. Si jamais il arrive.

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Au moins, Hailey et son bébé allaient bien. Debout, elle frotte un peu sa robe salie, s’assure que la pique qui retient son chignon est toujours bien en place et resserre sa prise sur son sac à main. Il est vrai que malgré tout ce qui est mis en place, une tension règne malgré tout. « Daisy… » Dit-elle avec une chaleur non feinte, en saluant la jeune femme. Qu’est-ce que l’israélienne en aurait à faire de son rang désormais ? Au moins la jeune femme était débarrassée de son bourreau de mari. « Depuis ce matin, vraiment ? » S’étonne-t-elle, alors que tous ici s’attendent à un discours pompeux pour rassurer les foules.

Les regards se tournent vers le monde qui grouille et puis, des voix s’exclament. « Je trouve au contraire qu’il nous manque bien des soldats justement… » Souffle-t-elle, juste avant qu’une voix pointe plus haut que les autres. L’Adonaï n’est pas là, on nous ment. « Vous avez entendu ? » De là, l’israélienne sent comme une puissante intuition la prendre au fond de ses tripes. Et si ?

Ela ouvre son sac à main pour saisir sa broche d’ornement pour la piquer sur sa robe, avant de regarder les deux femmes qui l’accompagnent, d’un air assez tendu. « L’Adonaï qui n’a plus été vu depuis ce matin… L’absence d’une grande partie des soldats… Et si, et s’il était arrivé quelque chose à l’Adonaï ? » Leur dit-elle, à elles deux seulement pour le moment. Elle était tendue et inquiète, mais pour autant elle garde encore la tête sur les épaules. « Mesdames, si c’est bien de cela qu’il s’agit, il faut vous mettre à l’abri… Cette foule n’est plus très loin de son point de rupture… » Dit-elle, en pensant principalement aux bébés qu’elles attendent toutes les deux.

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Maelys posa son bras sur celui de Sienna pour la tranquilliser. « Jena arrivera plus tard et… » Que faisait Elijah ? Elles haussèrent les épaules : elles savaient juste qu’il était occupé ailleurs. « Elijah est milicien, il doit sûrement surveiller le Festival ! Et puis, Jonatan est là ! » Elle pointa un milicien du doigt, que son beau-père avait chargé de la surveiller et l’escorter, parce que les rues de Walla Walla n’étaient pas sûres. Elle avait tu les raisons, évidemment.

Maelys sourit légèrement à Jordane quand elle les rejoignit – elle s’en était méfiée parce qu’elle était trop proche de Lynn et qu’elle pensait que les deux amies la critiquaient dans son dos, cela avait changé alors que les relations entre les deux sœurs s’apaisaient. Même si l’adolescente ne comprenait pas son point de vue sur Walla Walla. « On va bien. Je pensais que tu viendrais avec Lynn, elle est restée avec les petits ? » Ce serait logique, les femmes Atkins s’étant promis de ne jamais les laisser seuls, étant donné les confidences de River. L’autre option aurait été de les amener ici, mais vu que Lynn et Jordane s’étaient fait tirer dessus la dernière fois qu’elles avaient voulu voir Adonaï… Mais ça, Maelys ne comptait le rappeler à aucune d’elle, et pas plus à Mia, qui avait perdu sa belle-mère ce jour-là, cette dernière ayant fini au bidonville.

Mia attira d’ailleurs l’attention de son amie, levant la main à l’attention d’Ela qui se trouvait dans la foule, en compagnie d’Anjali, de Daisy et d’Hailey. Maelys l’imita, avant que l’urgence dans la voix de Sienna, qui lui semblait paniquer, ne la force à s’en détourner. « Il y a du monde, mais je ne vois rien d’anormal. » Même si les gens semblaient agités. « Attendez. Ils disent que l’Adonaï est pas là. Qu’on nous ment. » Maelys prit la main de Mia, ne lâchant pas malgré elle celle de Sienna. « Jordane, viens avec nous ! » Mia ne lui laissait pas vraiment le choix, de toute façon, prenant sa main. « Mae ! Tu penses qu’il s’est passé quelque chose ? Regarde… Il y a beaucoup de collègues de papa, mais pas de soldats. Et l’Adonaï qui n’arrive pas… » Maelys sentait l’angoisse monter, d’un coup. Elle avait toujours eu peur des actions des gardes et soldats, est-ce qu’il allait leur arriver quelque chose ?

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La jeune femme sourit à Ela. Mais très vite, l’atmosphère déjà étrange, devient pesante. Par réflexe, elle pose une main, inquiète sur son ventre arrondi. Elle n’aurait peut-être pas du venir. L’inquiétude montre, alors qu’Ela partage ses impressions sur la foule. La jeune mère de famille ne pouvait qu’acquiescer, l’absence de l’homme n’était que trop étrange. Si elle ne portait pas l’Adonaï plus que cela dans son coeur, elle ne pouvait que partager le sentiment flottant d’angoisse.

Que pourrait-il lui arriver ? demande t-elle, sachant pertinemment qu'il n'était qu'un homme. Il pouvait arriver un nombre de choses à l’homme, qui n’était pas au plus haut de sa popularité mais de là à ce qu’il disparaisse ? Quel genre de chaos s’ensuivrait ? Daisy n’a pas besoin de plus, pour ancrer une main, protectrice, mais foncièrement impuissante. Ela a raison, tentons de nous éloigner de la foule, ou du moins de nous mettre sur les côtés. fit-elle, en hochant la tête en direction d’Ela. S’il fallait bien redouter quelque chose, c’était la foule. Daisy n’y serait pas prise à deux fois.

Ne prenons pas de risques, reprend Daisy, alors qu’elle ouvre la marche pour se mettre en marge. Elle ne connaissait que trop bien les facilités de la foule de Walla Walla pour s’embraser, elle ne demandait encore pourquoi elle mettait un point d’honneur à participer.

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