Non, il ne lui a rien fait, heureusement. Dans le cas contraire, il ne pourrait probablement jamais se le pardonner. Et s’il est soulagé d’avoir éviter le pire, les événements n’ont fait que mettre en évidence la plus puissante de ses craintes : qu’un jour, il arrive quoi que ce soit à Phoebe, et qu’il échoue à l’éviter. Mais, s’asseyant à ses côtés, ramenant sur elle la couverture quoique les températures se fassent plus douces ces jour-ci, il voit qu’une peur similaire l’habite. « Je sais, » fait-il simplement, ces mots en disant plus que ce qu’il pourrait maladroitement essayer d’exprimer. « Tu as fait ce qu’il fallait. Si tu n’avais pas été là… Ce type m’aurait eu, c’est tout. Je suis parti avec eux pour gagner du temps. J’avais pas franchement de plan, mais j’me disais que… que c’était pas des menaces en l’air, qu’ils auraient tué tout le monde si ç’avait été nécessaire. » Et à sa promesse de retrouver les coupables, de s’assurer qu’ils ne soient jamais plus une menace, il la serre doucement dans ses bras. Ne la lâchant plus, alors, conservant tout contre lui son souffle, sa chaleur, ses mains délicates qui le cherche. Ecoutant attentivement le récit de la brune, tendu d’abord, ému lorsqu’elle avoue l’avoir reconnu si instinctivement. « C’était malin, de lui poser cette question. Et, non… tuer n’est pas toujours la solution. Ce qui est sûr c’est que son crâne se souviendra longtemps de sa connerie. Il a peut-être même perdu la moitié de ses neurones au passage, enfin, pour le peu qu’il en avait, » fait-il en riant, s’autorisant à un peu d’humour pour ne pas que le submerge la haine qu’il ressent pour cet homme. « C’était très courageux en tous cas. Et quand tu as tiré… wow, je vois que t’as bien écouté pendant les leçons, » fait-il un brin taquin, lui pinçant tendrement la joue, ravi quand il voit un sourire s’y épanouir.

« Tu sais, je… j’ai juste pensé à toi. J’ai essayé de faire au mieux pour m’en sortir… Mais si ta source d’info c’est Xander, c’est probablement biaisé. Lui, il aurait rien lâché. J’pense qu’à force d’insister, ils… ils auraient pu finir par en terminer avec lui. » Marquant une pause, il reprend, après une courte réflexion : « J’crois que… y a quelques années encore, j’aurais fait comme lui. J’aurais pas mesuré le risque d’être si buté. Mais après Walla Walla… j’ai vu ce qu’il en compte de tenir tête à des gens inflexibles. Pour moi et surtout pour mes proches. Alors… dans ces situations j’essaie d’être un peu raisonnable. » Il est certain que son séjour chez les New Eden l’a fait mûrir, se rendant compte par la force que ses actes pouvaient avoir des conséquences bien au-delà de sa personne, et que s’il a toujours été capable d’en assumer les conséquences pour lui, il est depuis cette époque terrifiée des répercussions sur les autres. Sur sa sœur, sur Sol. Sur Phoebe maintenant ; bien que le cadre soit différent, les monstres n’ont cessé de régner. « Pas mal de gens sont partis. Il reste pas grand-monde dans la prison et ces salauds ont saccagé pas mal de ressources. On attend le prochain convoi des Hallows mais ça va être difficile. »

Sa proximité à le don d'alléger un peu l'angoisse de la perte, alors qu'ils semblent se comprendre d'un regard, à l'idée de ce qu'ils auraient pu perdre cette nuit là. Je n'avais pas plus de plan que toi, à dire vrai. avoue volontiers la brune non sans un sourire désolé. Sans doute avait-il raison, que ces hommes auraient fini par les tuer à terme. Etouffant un soupir de contentement quand il vient la serrer contre lui, fermant un instant les yeux pour apprécier l'instant. Retrouvant volontiers sa chaleur et ses bras, lui rendant son étreinte en douceur, effleurant du bout des doigts ses phalanges contusionnées, fronçant les sourcils d'inquiétude. Un sourire naissant à ses lèvres quand il assure qu'elle à eu le bon réflexe, osant même rire de sa nouvelle remarque.

Et... Il sera plus facilement reconnaissable, aussi.  Non pas que ça lui fasse plaisir, mais la longue balafre liée au choc serait difficilement apte à être cachée ou maquillée. Je n'ai aucun mérite, j'ai seulement eu un excellent prof. Un certain Guillermo Alvarez. Rajoute la brune avec un sourire complice, embrassant cette main venue pincer sa joue avec tendresse. Il était hors de question que cet homme te blesse d'une manière ou d'une autre, de toute manière. Et malgré les réminiscences de la nuit, ce calme après la tempête avait quelque chose d'irréel, quoi que profondément apaisant. En savourant chaque seconde malgré la douleur physique, ne cherchant pas à masquer à quel point ses mots peuvent la toucher quand il avoue avoir pensé à elle. Hm... Peu importe ma source, je te connais assez pour savoir que ça ne devait en rien être exagéré. Il avait eu l'occasion de lui montrer son impertinence et sa capacité à gérer les situations de crises plus d'une fois. Et en ça, ne pouvait-elle être qu'admirative. Relevant le regard vers lui sitôt qu'il reprend, évoque cette capacité qu'avait eu New Eden à les assouplir un peu plus et leur rappeler le risque des conséquences. Et elle le comprenait, sans aucun doute possible.

Quand à la suite ? Apprendre le départ du plus grand nombre n'a rien de surprenant, quoi qu'une ombre soucieuse vienne un instant voiler son regard à l'idée. Et ... Il y à eu d'autres blessés ? Venant croiser le regard de Remo au reste des révélations, qui n'ont rien de réellement positif, venant encadrer son visage de ses mains avec douceur. Ce ne sera jamais plus difficile que ce qu'on à pu connaître par le passé. Et elle n'a pas besoin d'évoquer le bidonville, pour qu'il comprenne à quoi elle fait référence. On y arrivera. Les alentours restaient calmes, et peut-être qu'ils n'avaient pas eu le temps de tout piller non plus en une soirée ? On à de la ressource, on saura trouver des solutions et pallier aux problèmes si on reste soudés les uns les autres. Sile plus grand nombre était parti, elle imaginait cependant mal Nick ou Jim fuir cet endroit.

C'est peut-être un peu naïf, mais... Tant qu'on est ensemble, je nous crois capable de tout affronter. Ses mots ne sont qu'un souffle à peine, alors qu'elle revient croiser son regard avec un sourire confiant. On à toujours un bâtiment intact, et on est en vie. D'autres n'avaient pas eu cette chance, comme les corps qu'elle avait pu apercevoir au cours de la soirée.

Dans cette chambre, malgré les blessures, malgré le choc de l’attaque, la perte des êtres qu’ils ont côtoyé ces derniers mois, la remise en cause de leurs convictions et le saccage de leur impression de sécurité, ils savent que l’essentiel est d’avoir pu se retrouver. Et c’est avec plus de gratitude encore qu’ils savourent cette étreinte, après être passés si proches d’une perte définitive. D’un sourire complice, de doux gestes d’attention, ils pansent leurs plaies avec cette certitude : ils se protègent mutuellement. Et si tous deux ont traversé la solitude, maintenant l’un pourra toujours compter sur l’autre.

La vérité, toutefois, ne peut être éludée : ce soir beaucoup n’ont pas eu leur chance. Inutile d’accabler Phoebe avec la liste des victimes pour le moment, alors Remo lui répond simplement : « Nous avons pas mal de blessés, oui. On a tout fait pour sauver le maximum de personnes. Xander a pas arrêté, et Filipa nous a rejoint… Elle a bossé comme une cheffe. » Dans l’optimisme que lui offre Phoebe, il essaie de tirer un peu de force. Ils se reconstruiront, oui, comme ils l’ont déjà fait de multiples fois. Les ressources ne seront pas un problème insurmontable. Mais Remo peine à cacher son inquiétude concernant cette menace qui s’est retirée dans les ténèbres. Ces Skinwalkers n’accepteront peut-être pas leur défaite si facilement. Ils connaissent maintenant la prison par cœur, imitent à la perfection la voix de ses habitants, savent leurs habitudes, leurs manies, leurs aptitudes au combat. S’ils veulent de nouveau dormir sur les deux oreilles, les rescapés de Gig Harbor devront se débarrasser d’eux une bonne fois pour toute.

Mais ce ne sont pas ces sombres pensées que Remo veut transmettre à Phoebe. Au contraire, il l’encourage dans son optimisme. « T’as raison. Ça sera pas simple mais y a pas de raison, surtout tous ensemble. » Malgré la taille dans les effectifs du groupe, ils pourront constituer une solide équipe et revenir en force. « On doit se voir avec Nick et Xander pour en parler, tout à l’heure. Tu ferais peut-être mieux de te reposer. Mais je comprends que… toi aussi, tu veux rester ici ? J’aime ce qu’on a construit ici mais… on est libres d’aller ailleurs, si tu préfères, » Il demande, même si au fond il connaît déjà la réponse. Tous deux ont fait de cet endroit leur petit nid, et si l’attaque a mis en défaut leur havre de paix, il n’en reste pas moins précieux à leurs yeux. « Je resterai avec toi quoi qu’il en soit, quoique tu choisisses, » lui assure-t-il, quoiqu’elle n’ait de raison d’en douter. Il la regarde longuement, pressant sa main dans la sienne, profitant de chaque miette de temps, comme pour allonger ces instants, les faire gagner en importance sur la frise de leur vie. « Je t’aime, Phoebe. »

Apprendre que Filipa et les autres ont œuvrés à sauver le plus grand nombre lui arrache un sourire, s’autorisant un court instant à fermer les yeux sous le soulagement. Je ne suis même pas surprise. Tu te souviens, quand je te disais que c’était une fille bien ? A cette époque qui lui semble désormais lointaine, alors que l’aura de réconfort qui émane de leur étreinte l’apaise, la berce dans l’idée que les choses pourront s’arranger en définitive. Et de l’entendre le lui confirmer lui arrache un sourire, hochant la tête. Tous ensemble. Ils y parviendraient, elle ne était intimement persuadée.

Et d’entendre évoquer cette réunion avec Nick ne fait que le lui confirmer, alors qu’elle concède rester se reposer en attendant malgré la crainte de se retrouver seule après la tempête. Mais à peine àt-elle le temps d’y penser que la question de Remo tombe, lui faisant relever le regard dans sa direction : Et bien… A ses yeux, la réponse ne faisait aucun doute, après tout. Ce n’est pas qu’un lieu, c‘est un endroit où tu te plaît à vivre, et moi aussi. Non ? Des remarques de Nick aux blagues enfantines qu’ils avaient pu faire à Xander, les soirée à observer les étoiles, ou ces discussions nocturnes à refaire le monde sans se soucier d'un réveil difficile à venir. Sans parler de ces gens qui comptaient dans leur quotidien, et qu'elle ne se voyait pas perdre de vue.  

Et puis… C’est aussi ici, qu’on s’est retrouvés. Rappelle la brune, non sans un sourire timide à l’idée alors qu'elle relève le regard vers lui. Dans ce vieil atelier ou il s’évertuait à reconstruire les lieux quand elle était arrivée par hasard. Craignant à un rêve éveillé, avant de croiser son regard. Je ne me vois quitter cet endroit sans toi. Moins encore ... Rejoindre un lieu ou tu n'es pas. Alors s’il assure qu’ils étaient libre d’aller ailleurs, mime t-elle un non d’un mouvement de tête. C’est chez nous. Leur havre, leur demeure. Celle qu’ils avaient choisi de rejoindre ensemble, pour ne plus jamais se quitter. Je ne les laisserai pas nous prendre plus que cette nuit.

Plus jamais. Et sitôt assure rester à ses côtés, quoi qu'elle ne choisisse, sent-elle ses muscles se détendre. Assurant en écho son propre aveu, alors que cette promesse lui donne envie de revenir joindre ses lèvres aux siennes. Resserrant ses doigts entre les siens en venant capter son regard, avec la certitude de ne jamais se lasser de ces instants volés. Et si les mots qui s'échappent de ses lèvres lui donnent la sensation d'avoir rêvé, marque t-elle un temps d'arrêt. A la manière dont son coeur semble vouloir exploser dans sa poitrine, sait-elle pertinemment ne pas avoir rêvé ces mots. Pas cette fois-ci, alors qu'elle même se contentait de le penser avec force dans chaque regard échangé.

Et sur l'instant, devine t-elle sans mal son regard la brûler.  D'émotions, de réaliser que leurs sentiments sont partagés. De retrouver à nouveau la sensation d'aimer et d'être aimée dans ses bras. Un sourire naissant à ses lèvres, venant rompre la distance entre eux pour venir l'embrasser prolonger cet instant de bonheur pur.

Te quiero, Remo. Espérant ne pas écorcher cet accent qu'elle s'évertuait à travailler, pour un aveu aussi fort que celui-ci. Je t'aime aussi. Se risque t-elle à rajouter dans sa langue. Bien sûr, et sans doute depuis plus longtemps qu'elle ne voulait bien le penser. Revenant croiser son regard avec un nouveau sourire face à leur aveu respectif, un rire s'échappant de ses lèvres. Le problème, c'est que maintenant je suis fermement décidée à ne plus nous laisser quitter cette chambre avant un moment. Pour savourer cette parenthèse de bonheur pur, sans se heurter à la froide réalité de cette attaque. Glissant ses bras à son cou, effleurant son front du sien.

Restons ici. Ensemble ? Lui aussi, avait son mot à dire après tout, sur leur destination prochaine.

Remo a confiance dans l’opinion de Phoebe, et il a bien vu avec quelle application Filipa s’est éreintée à sauver les blessés qui semblaient au-delà de tout espoir. La jeune femme, qu’il sait proche de Phoebe, garde toutefois ses distances et semble parée d’une méfiance instinctive - il ne peut l’en blâmer. Il a vu trop de choses, lui aussi, pour ne pas interpréter ce rejet par défaut comme de la prudence pure et simple. Ferait-elle partie de ceux qui resteront, après l’attaque ? Remo n’est même pas certain que Nick, ou Xander, veuillent rester en poste. Et comment réagiront les Hallows quand ils découvriront l’état de l’avant-poste, au prochain convoi ? Autant de questions qui restent pour le moment en suspens.

Et malgré toutes ces incertitudes, Phoebe semble partager avec autant de ferveur son souhait de rester ici, dans ce lieu qui les a vus se retrouver. Rester, continuer d’en faire leur chez-soi, contre l’adversité. S’il se doutait de son opinion, le voir confirmé le remplit de joie. Il ne se voyait pas reprendre la route et laisser derrière eux cette enceinte dans laquelle ils ont enfin pu retrouver une raison de vivre. « T’as raison, je… ça fait longtemps que je n’avais pas été heureux comme je le suis ici, avec toi. » Et alors qu’elle l’affirme plusieurs fois, avec force, il répète avec elle, lui serrant doucement la main, « C’est chez nous. » Et cela, ces salauds de Skinwalkers n’ont pas réussi à le leur prendre.

Dans le silence qui suit son aveu - je t’aime, Phoebe, semble résonner - leurs battements de cœur se font écho. Remo aimerait soudain suspendre ce moment, tant pour garder avec lui ce regard qu’il aime tant, que par peur, au fond, de la suite. Qu’importe ? S’était-il dit avant de se décider à lui déclarer sa flamme. Si elle ne ressent pas la réciproque, il l’aimera de la même façon. Mais son attente se termine dès qu’un sourire lui répond et que leurs lèvres se joignent en un profond baiser. C’est une réponse plus forte que des mots ; mais ceux-ci arrivent tout de même, un peu maladroits, et font valser son cœur. Pendant quelques secondes, il a l’impression de ne plus avoir de matérialité, de flotter, d’être un courant de feu, puis il rit avec elle, la serre contre lui, se rappelle alors à temps de ne pas brusquer ses blessures, troquant la passion de son étreinte pour une myriade de baisers légers. « On reste ici. Ensemble. »