J’étais contente de ne plus être en train de conduire, je pouvais un peu interagir avec les gens. Être seule en cabine avec Dante ne me gênait pas, bien au contraire. Cependant, je ressentais un besoin de vie sociale. Alors voir tout le monde s’agitait et me parler de partout ça me rendait heureuse. Nara venait en notre direction à Ethan et moi. Visiblement, elle avait laissé Buzz en compagnie d’Arthur ce qui en soit, m’arranger plutôt bien. J’arrivais plus à agir normalement depuis que je l’avais reconnue. Enfin, j’étais persuadé que le militaire et lui s’entendraient bien. En même temps deux hommes qui parlent de mécanique ça ne peut que bien marcher non ?

Je souriais à Nara qui semblait comme tout le monde un peu fatigué, mais le moral semblait suivre et c’était le principal. Elle demandait si on avait un récipient. Je me rappelais alors de la casserole d’Edwin que j’avais toujours accroché à mon paquetage. « Attends, j’ai la casserole du fauconnier avec moi, je vais la chercher. Il faudra certainement la nettoyer parce qu’il s’en est servi pour tuer un mob. » Je ne sais pas vraiment pourquoi je l’avais gardé, mais au moins elle aura une utilité à quelques choses. On pourra manger grâce à elle et même avoir de l’eau.

Après avoir dépanné Nara, j’étais parti pour l’expédition de branche. Ce n’était pas évident de trouver ce qu’on cherche sous trente centimètres de neige. Je m’enfonçais pratiquement jusqu’à mi-tibia et c’était plutôt agaçant. Je sentais que mon pantalon se mouiller un peu plus à chaque pas que je faisais. Je regrettais mon équipement que j’avais quand j’habitais au Canada. Un petit pincement au cœur en repensant à mes après-skis. Je serais bien contente de les avoir au pied aujourd’hui. Mes chaussures étaient imperméables, mais je sentais mes pieds se refroidir un peu plus à chaque pas.

La femme d’Ethan se rapprochait de moi et me proposait un coup de main. Je n’avais pas eu l’occasion de lui parler. J’avais cru comprendre qu’elle s’appelait Brooke et semblait être une mère poule. « Brooke, c’est bien ça ? Biensûre que tu peux m’aider, on ne sera pas trop de deux. Si on veut faire un beau feu. » Il faudra qu’on s'agglutine tous contre le feu pour pouvoir survivre à la nuit. C’est vraiment dur de se reposer dans ses conditions sans toit au-dessus de nos têtes.

Nous avons trouvé des premiers branchages morts et nous avions pu faire l’aller-retour à plusieurs reprises tout en discutant. N’ayant pas vraiment d’idée la concernant, je décidais simplement de lui parler de ces enfants, c’est un sujet plutôt facile avec une mère de famille. « Dis-moi, c’est pas trop dur pour tes enfants ? Ils ont l’air assez jeunes… Ils s’appellent comment en fait ? Ils sont adorables en tout cas. » Vraiment, ils n’étaient pas aussi chiants que d’autre gamin que j’avais côtoyé et qui m’avait dégouté de ses derniers. J’avais abandonné espoir d’avoir une descendance depuis bien longtemps de toute façon.

C'était pas encore ça, mais elle commençait à se projeter dans ce groupe. Même si c'était sans le fantôme de son amie et qu'elle avait envie de croire encore qu'elle n'était pas morte et que ce n'était qu'un rêve. Cette idée était devenue de plus en plus vaporeuse, jusqu'à ne devenir qu'une brume dans son esprit. Elle avait suivi le mouvement en parlant le moins possible, elle avait du mal à sourire et à répondre aux propos de ses deux amis. Parfois, elle prenait du temps à les observer, à évoluer dans ce groupe et à ne pas perdre la face. Elle sentait que c'était pour elle qu'ils s'efforçaient de garder le sourire pour l'épauler et elle réalisait vraiment qu'ils comptaient beaucoup pour elle.

Si ses sujets de conversation s'étaient tout à coup épuisés et que la fatigue continuait à tirer ses traits, elle reprenait peu à peu de l'activité. C'était ça la vie, continuer à respirer tandis que d'autres n'étaient plus. Elle n'avait pas la force d'abandonner totalement le navire et de se laisser porter par les vagues. Il fallait qu'elle se reprenne, et les mots chaleureux et parfois gênés des autres survivants étaient un vrai baume. Les regards aussi... Quoique certains semblaient toujours ne pas vouloir la regarder dans les yeux. D'ailleurs, la dispute qui avait éclaté quelque jours plus tôt l'avait totalement indifféré. Elle en était même venue à se demander si certaines personnes n'étaient pas profondément connes... Mais elle n'avait pas suivi la conversation plus loin du début, elle n'aurait su dire ce qui avait déclenché tout ça. Tout ce que la voix portante de Gary et celle d'Arthur lui avait apporté, c'était qu'elle n'était pas morte. Elle devait continuer.
L'arrêt brutale du camion en tête de fil, celui d'Arthur, avait eu le don de l'irriter. Elle n'avait pas la force de maugréer mais lorsqu'elle sortit du camion elle écouta ce que tout le monde avait à dire. Rebecca qui apportait ses compétences dans la faune et la flore l'intriguait toujours un peu plus, elle semblait avoir des atouts non négligeables pour cette future vie sauvage. Arthur et Gary étaient à eux deux très certainement les prochains dirigeants du groupe. L'italienne qui trainait avec le jeune qui s'appelait Justin d'après ce qu'elle avait compris avait l'air aussi de bien s'y connaître. Tam, Ethan et d'autres couraient déjà pour faire un feu. D'autres s'occupaient de l'eau, certains de la mécanique.

Kassandra observait sans vraiment voir, elle restait contre le camion en attendant que tout le monde s'attribue des tâches. Que pourrait-elle faire elle ? Le bois semblait être la meilleure solution. Elle était déjà trempée, sale et crade de toute façon. Un frisson glacé parcourut son échine alors qu'elle s'observait comme elle le pouvait. La plupart des vêtements qu'elle avait mis par dessus, pull, sous plus, tee-shirt, venait du sac de sa meilleure amie. Elle avait eu beaucoup de mal au début, mais elle n'avait pas eu tellement le choix. C'était ça ou geler. Elle était couverte pour survivre dans ses températures, mais elle savait que les petites chaussures qu'elle portait aller de nouveaux se retrouver pleine d'eau. Elle serait à nouveau gelée, elle frôlerait l'hypothermie. Quelle manière con de mourir...

Elle retournait rapidement dans le camion pour aller démêler ses cheveux comme elle avait pu le faire presque tout le long des quatre jours. Continuer malgré tout de s'occuper d'elle avait eu le don de la rassurer, de lui faire oublier. Certains avaient vu ça d'un mauvais oeil sans doute, un comportement inadapté. Mais d'autres avaient l'air d'avoir compris son besoin de s'évader. C'était bizarre ? Qu'est-ce qu'elle s'en fichait. Surtout qu'elle était crasseuse, parfois elle se demandait pourquoi elle continuait ce rituel.

Elle jeta la brosse dans le dit sac avant de retourner dehors avec l'espoir qu'elle ne gèlerait pas au bout de cinq minutes. Elle ne sentait déjà plus l'extrémité de ses doigts. Dans quoi aider ? Elle se rapprochait lentement de Dante, avec l'envie de lui faire peur sans vraiment savoir pourquoi. S'amuser peut être ? En avait-elle vraiment envie alors que la cicatrice dans son âme ne s'était même pas refermé ? Rire serait sans doute le meilleur des remèdes non... ?

« Hey Dante... Reste pas planté là. Tu viens avec moi ramener du bois à Ethan ? On ne sera jamais de trop... Faudrait juste aller... » Elle pointe du doigt le secteur opposé du groupe qui avait commencé à s'occuper des bois secs. Elle trouvait les cheveux foncés de Tam dans la foule, le regard pétillant de Nara, la femme d'Ethan aussi, Brooke. Kassandra commençait à connaître les noms de quelques uns, Kurtis aussi, celui qui avait ouvert le bec pour commenter la future mort de son amie. « Enfin, si tu es d'accord. Tu as peut être des pouvoirs exceptionnels en mécanique ? Moi pas. J'en ai pas plus que ça en ramassage sauvage de bois mais... » Ça devait pas être trop compliqué, disait son regard. Elle n'avait jamais fait ce genre de chose, mais elle avait déjà fait des randonnées avec son père. Elle avait dormi dans d'immense chalet au coeur de la montagne, avait appris à raviver le feu d'une cheminée (ce qui ne serait pas du tout utile en plein coeur de la montagne), elle avait pris connaissance des différentes empreintes animales (mais trop peu pour être utile à la chasse). Kassandra se détourna un moment, baissant les yeux au sol avant de rabattre la capuche de l'épais manteau qu'elle portait. « Ça m'étonne d'ailleurs, qu'on ne soit pas tomber sur un seul chalet, il devrait y en avoir ici non ? » Elle aurait peut être dû demander à Isabel qui se baladait avec sa carte en quête d'un ruisseau. Elle capta aussi que Nara parlait d'eau pour se laver, ça c'était une idée milles fois meilleurs. Mais faudrait alors retourner dans leurs vêtements sales, c'était moins bien ça. Elle grimaça en tournant son regard vers Dante. Elle avait peut être parler trop vite. Il n'avait peut être même pas envie de faire ça...

 

Century Field en perdition... | Century Field - Survivors

Isabel, la femme du sergent à qui Buzz avait proposé son aide, se proposait pour venir avec eux. Si Rebecca était sûre d’elle par rapport à l’eau, Isabel avait l’air de savoir où en trouver. Nara se contenterait donc de mettre à profit son cerveau d’Homo Sapiens et ses muscles meurtries des jours précédent pour leur venir en aide. Elle fit un sourire communicatif à l’adresse des deux blondes avant de prendre la casserole de Tam avec une légère grimace. Elle la posa dans un coin, cela attendrait son retour. « J’arrive. » Dit-elle aux filles, avant de se diriger vers le camion, tapotant l’épaule de Buzz pour le prévenir qu’elle allait partir, pas très loin, simplement pour ne pas qu’il s’inquiète. Elle rejoint alors, plus confiante, les deux jeunes femmes, après avoir attrapé dans son sac et dans les camions quelques bouteilles vides qu’elle mit dans un gros sac de sport qui servait initialement à transporter les vêtements.

Nara attrapa sa lance avant de s’élancer avec les filles en quête de cette source. Cela ressemblait presque à des vacances, une grosse colonie de vacance à laquelle elles participaient toutes de force, simplement par goût de la survie. Evidemment, personne ne voulait mourir ni se transformer en l’une de ces choses, alors marcher dans la forêt à la recherche d’un nouvel objectif avait quelque chose de vivifiant. Nara inspira fortement, sentant ses muscles endolorit dans l’ensemble de son corps, profitant de l’air froid, qui faisait du mal et du bien à la fois. Les filles avaient aussi réussit à trouver quelques bouteilles d’eau, ce qui leur ferait un bon stock. Nara appréhendait déjà le retour qui serait plus tortueux à cause du poids de l’eau lorsque ces bouteilles seraient pleine.

La chercheuse en paléoanthropologie se trouvait en tête de la marche, plantant sa lance dans la neige à mesure qu’elles avançaient. Elles étaient bien silencieuses. Si Nara connaissait Rebecca, elle ignorait tout de la jeune femme qui était mariée à l’ancien sergent. Cependant, cette femme à la petite nature semblait pleine de bonne volonté et son visage transpirait la bienveillante. Nara fit alors volte-face pour lui adresser un petit sourire tout en continuant d’avancer. Elle voulut dire quelque chose pour briser la glace, mais Rebecca avait entendu le courant de la rivière. Nara tendit l’oreille : Elle l’entendit aussi. « T’as l’oreille ‘Becca ! » Répondit Nara avec enthousiasme en avançant dans la neige un peu plus rapidement.

Elles virent alors la rivière dont le son semblait être le plus reposant du monde. Nara eu un grand sourire. Elle s’agenouilla près du sol pour voir cette eau de plus près, priant intérieurement pour ne pas être maladroite et ne pas tomber dans la rivière. Elle ouvrit son sac à dos, retira le bouchon de la première bouteille et la plongea de travers pour la remplir. L’eau semblait clair. Pour être sûre, la jeune femme la porta à ses lèvres. Elle était froide, alors Nara eu un petit frisson, les dents glacées avant de se mettre à rire. « Super ! On risque de pas de mourir de soif ! Bon bah y a plus qu’à tout remplir ! » Dit-elle avec entrain avant d’encourager les filles, d’un regard, à commencer la besogne à ses côtés.

Qu'il lui semblait loin le temps où Tam et lui avaient quitté leur appartement en y laissant toutes leurs affaires ainsi que des provisions en se disant qu'ils pourraient peut-être y retourner. Avant, ce peut-être était un réel espoir aussi bien sur l'amélioration de la situation, mais surtout moralement, cela lui permettait de croire en des jours meilleurs. Maintenant, tout était différent, ils avaient roulé des jours durant pour s'éloigner de plus en plus de Seattle et un retour dans leur ancien logement lui semblait plus qu'improbable. Il fallait tirer un trait sur ça et puis, d'autres personnes pourraient être contentes de tomber sur leurs réserves, si ce n'était pas déjà fait.

Le problème mécanique tombait bien. Rester enfermer dans ce véhicule était bien pire que dans le stade qu'il avait quitté et ça se ressentait pour tout le monde. Bien que l'idée de trouver un abri dans un bâtiment était une sorte de fantasme semblant être inatteignable, alors il fallait se contenter de ce qu'ils arrivaient à trouver. Il fallait maintenant s'organiser, trouver de quoi manger, boire et se réchauffer. S'il devait faire un choix, il opterait pour la chaleur. Le froid glacial traversant son corps jours et nuits devenait de plus en plus compliquer à supporter et même en enfilant tous ses vêtements, cela ne changeait rien. Niveau hygiène, l'état en lui-même était pire, mais ce n'était pas le plus dur à vivre au quotidien, pas à l'heure actuelle.

Dante était conscient de ses limites et du manque de connaissances qu'il pouvait avoir, du coup pour la chasse et la mécanique il ne risquait pas d'aider. Il restait l'eau et le feu, deux éléments opposés, drôle de coïncidence, toujours était-il qu'il entendit entre autre Nara, Buzz et Rebecca souhaitant s'occuper du premier, mais peu de personnes avaient l'air motivées pour le bois. L'avantage était qu'il n'y avait pas besoin de marcher bien longtemps pour en trouver, il suffisait de regarder devant soi pour constater que pour ça, ils n'en manqueraient pas. Au moment même de cette réflexion futile, Kassandra fit son apparition. Depuis la mort de June, il n'avait pas vraiment osé lui parler, il n'était pas très doué pour ce genre de choses et avait plus peur de déranger et gêner la personne que d'aider. La théorie il la connaissait, mais réussir à l'appliquer s'avérait être une tâche extrêmement ardue pour lui, pourtant il voulait être présent pour son amie, la consoler si besoin, la faire rire, l'écouter, mais à part ce dernier point qui n'était pas dur à faire, pour le reste il était tétanisé et se montrerait maladroit en cas de tentative.

Il s'était malheureusement contenté du minimum lorsqu'il la croisait tout en essayant de lui faire comprendre par des regards, des sourires ou de rares gestes qu'il était là si elle avait besoin. La voir venir vers lui à ce moment-là, lui fit plaisir. « Salut Kassandra ! J'pensais justement à en ramener. » Il regarda vers la direction indiquée par la jolie blonde et se dit que de toute façon, peu importait dans quelle zone ils iraient car ils trouveraient ce dont ils auraient besoin. Evidemment ! Je suis un pro en mécanique ! Tu le sais pas ?! Mais bon, je trouve le coin sympa, j'ai envie de faire une pause donc j'préfère laisser ça aux autres. » lui répondit-il avec un grand sourire. Ils commencèrent à avancer vers cet endroit et la remarque de qu'elle venait de faire était juste. Pourquoi n'avaient-ils vu aucun chalet durant le trajet ? Pourtant cet endroit avait de quoi séduire plus d'une personne. « Ouais j'sais pas trop, c'est bizarre... Peut-être qu'on est trop près des routes pour les chalets isolés et à l'inverse trop bas pour les grosses battisses... » Il n'en avait pas la moindre idée, mais Dante n'aurait pas trouvé idiot de passer des vacances ici, en tout cas avant, car pour chaque saisons il y avait de quoi s'occuper entre les randonnées, le ski ou le vélo pour les personnes ayant des envies sportives, et à l'inverse il était persuadé de trouver un tas d'endroits tranquilles où il était possible de se détendre et profiter du paysage.

« Tu crois qu'on va rester ici longtemps ? Parce que barouder c'est sympa quelques heures ou jours, mais là ça fait long... J'ai envie qu'on puisse se poser, retrouver un semblant de vie et un minimum de commodités... » Il partit dans ses pensées et s'imaginait prendre un bon bain chaud en y restant jusqu'à ce que l'eau devienne presque froide, sortir et mettre des vêtements propres. Après le moment de détente, il serait temps de prendre un bon repas, chaud évidemment, avec ses proches, de discuter de tout et de rien, d'entendre des rires, de la joie de vivre.... Etrangement, ce n'était pas douloureux et n'amenait pas de la nostalgie, cela lui faisait presque du bien de ressentir toutes ses différents plaisirs et sensations, mais son corps le rappela rapidement à l'ordre en criant famine en tremblant.