Encore combien de temps fallait-il tenir ? Sally commençait à se demander si tout cela finirait bien par s'arrêter à un moment ou à un autre et surtout s'ils sortiraient vainqueurs de cette bataille. Le sol reflétait à la perfection la dureté et la barbarie de cette attaque, des hommes et des femmes de tous âges étaient tombés sous les balles des militaires, mais le plus dur à voir restaient les cadavres des plus jeunes des civils présents. Tirer et tuer des adultes était une chose, mais faire subir le même sort à des enfants n'était pas une chose excusable ou compréhensible car à aucun moment le danger ne viendrait d'eux, et ça le camp adverse le savait très probablement. Cela montrait bien à quel point cette révolte des réfugiés était justifiée.

La brune sourit à Bernadette qui n'était plus immobile, Sally était heureuse de voir et d'avoir des amies comme elle et Rosaleen à ses côtés. Elle se sentait plus forte, pas dans le sens où elles se transformeraient en wonderwomen, il suffisait d'ouvrir les yeux pour comprendre ; deux avec une blessure sévère chacune et une autre qui ne pourrait pas se servir d'arme. C'était plutôt qu'elle se sentait moins affaiblie et démunie, elle pouvait compter sur elles.

La quadragénaire fût rapidement sortie de son espèce de béatitude par Ian et Rosaleen qui s'occupaient de son épaule réveillant fortement la douleur absente un instant. La balle semblait être ressortie, ce qui était apparemment une bonne chose. « Tant mieux, mais arrêtez de triturer ma blessure et faites quelque chose ! » lâcha-t-elle d'un ton un peu sec. Sa vue se troublait, elle avait le sentiment qu'elle allait s'évanouir s'ils continuaient, mais Sally avait perdu beaucoup de sang et elle ne pouvait pas rester dans cet état.

Était-ce psychologique ou non, peut importait car une fois les premiers soins effectués, elle se sentait mieux, apaisée. Passant sa main sur l'épaule de l'urgentise, elle le remercia de vive voix avant de sourire à Russell « Ça va aller mon chéri t'en fais pas. » le garçon n'était pas rassuré par le vacarme ambiant et s'inquiétait de ne pas voir son père revenir avec les autres. Sally tenta de lui retirer tant bien que mal ses inquiétudes en lui expliquant les choses calmement avant de lui dire tout simplement qu'il n'allait pas tarder à les rejoindre. Ce qu'elle espérait de tout coeur.

Au bout de quelques minutes, la fréquence et l'intensité des échanges de tirs diminuaient pour finalement se taire. Le silence fit son apparition, c'était très étrange. Que pouvait-il bien se dérouler ? Deux solutions simples s'offraient à eux ; la victoire ou la défaite, rien d'autre. Sally cherchait son arme autour d'elle avant de se rappeler que Bernie lui avait prise. Relâchant son étreinte de son fils, elle se dirigea vers l'autre brune de ce petit groupe afin de comprendre ce qui se passait.

Posant sa main sur le dos de la femme en lui parlant, elle fut interrompue en voyant qu'il n'y avait plus aucun militaire de debout dans ce gymnase. « Bernadette.... Tu crois qu'on a réussi ?! » Il était trop tôt pour se réjouir car la situation à l'extérieur n'était peut-être pas identique, pourtant Sally ne pouvait s'empêcher de croire que l'improbable avait été réalisé.

Rien ne semblait vouloir s'arrêter et Rosaleen se demandait de plus en plus s'ils n'étaient pas tous entrain de devenir fous. Que deviendraient ceux qui s'en sortiraient ? Si toutefois ils s'en sortaient. Arriveraient-ils à retrouver la personne qu'ils étaient auparavant ou resteraient-ils des monstres aimant prendre la vie de leurs semblables ? Certes, ils défendaient les vies de chacun, et la rousse leur en était infiniment reconnaissante pour cela, mais elle ne pouvait accepter le prix à payer.

Elle avait aidé Ian à apporter les premiers soins à Sally, malgré le fait que le matériel qu'ils avaient à disposition n'égalait en rien celui d'avant. La galloise avait mal au cœur de voir son amie ainsi blessée, elle aurait tellement aimé que tout le monde s'en sorte indemne... Mais le petit Russell n'avait rien et c'était déjà quelque chose de très encourageant ; sa mère avait tout fait pour le protéger et elle y était arrivée. La rousse posa une main sur le bras de l'américaine, lui insufflant de par son regard tout le courage dont elle avait encore besoin. Au même instant, le coup de feux baissèrent, autant à l'intérieur du gymnase qu'à l'extérieur ; s'arrêtant net dans ce qu'elle faisait, Rosaleen se redressa légèrement, faisant un signe de la main aux autres pour qu'ils soient attentifs.

« Vous entendez ? On dirait que ça s'est calmé... »

Évidemment qu'ils avaient remarqué, tous étaient déjà aux aguets de ce semi-silence. Le calme avant la tempête ? Certains restaient figés en attendant ce qui allait arriver, d'autres avaient repris leurs armes pour parer à toute nouvelle attaque. Et si ceux qui arrivaient étaient les militaires ? Et si tous les autres étaient morts la dehors ? Les époux de Maxine, de Sally, les pères des enfants qui étaient encore là à les attendre. Elle ne pouvait s'y résigner et, quand elle cru enfin reconnaître l'un des leurs, elle se laissa tomber à genoux, la pression retombant d'un coup.

Le plus difficile était-il passé ? Rien n'était moins sûr. Il leur fallait désormais vivre avec toutes ces morts sur la conscience, pleurer leurs enfants ou leurs femmes ; se reconstruire. Et tous étaient là, le regard à la fois inquiet et soulagé de s'en être sortis. Mais derrière ce soulagement, il y avait cette incompréhension de ce qu'il s'était passé, comme une prise de conscience de tout ce qu'ils avaient dû faire. Ils avaient sauvé leurs vies, vengé la pauvre Victoria. Et après ?

Jetant un regard presque absent autour d'elle, Rosaleen s'attardaient désormais sur ces corps sans vie, ne pouvant retenir les larmes de tristesse et de colère qui inondaient ses joues. Tout ça, c'était un réel carnage, toutes ces âmes en peine qui resteraient probablement bloquées là pendant un temps. La rousse avait envie de les aider à partir, de faire une prière pour chacun d'eux, mais elle n'en avait pas la force pour le moment, elle avait juste besoin de rester là quelques instants, réfléchir à tout ça.

Aussi vite que tout avait commencé, le chaos avait pris fin. Le boucan infernal s'était tu. Assise au milieu du petit groupe retranché derrière les tapis de gym, Thalia ne réagit pas tout de suite. Sous le choc, elle se sentait vide. Elle avait trouvé la force d'avancer, de se mettre à l'abri... sans toutefois que son esprit renoue totalement avec la réalité. Et quelle réalité ? Elle ne voulait même pas se résoudre à l'accepter. Cela ne lui semblait toujours pas possible. Être veuve à vingt-huit ans ? Avec un bébé à naître ? Elle aurait pu y croire si elle avait épousé un membre des forces de l'ordre, ou un militaire... Mais Morgan n'avait été qu'informaticien. Quelqu'un de généreux et volontaire, prêt à se battre pour ses convictions. Il était mort pour cela... et par la faute de la zoologiste. Et cette constatation était clairement insoutenable.
Les larmes qui n'avaient jamais cessé de couler redoublèrent, inondant ses joues. Son corps était agité de sanglots silencieux. Assise près d'elle, Jessie passa ses bras autour de son cou et l'étreignit doucement. Elle avait pleuré, elle aussi. Mais elle taisait sa propre douleur pour épauler la future mère dans l'épreuve. Elle comprenait, ayant perdu son petit ami, sorti un jour du camp pour ne plus jamais revenir. La jeune fille ne se faisait pas d'illusions sur son sort.

Les survivants du petit groupe quittèrent l'abri peu à peu pour avancer dans le gymnase... pour marcher parmi les corps, et évaluer l'étendue du massacre. Thalia ne sut pas vraiment pourquoi, mais elle ressentit bientôt ce besoin. Savoir ce qu'il en était. Si son mari ne s'était pas sacrifié en vain. Pouvoir le retrouver et rester près de lui encore un peu. Elle se leva avec difficulté, avant de suivre le mouvement entamé par Maxine et Lysbeth, épaulée par la rouquine. La vision qui s'offrit à elle lui retourna l'estomac. Elle crut un instant qu'elle allait vomir, mais parvint étrangement à garder le contrôle. Une sorte de brouillard de particules flottait dans l'air. À moins que cela ne soit à mettre sur le compte des larmes qui lui brouillaient la vue ?
C'était un carnage. Le sol était jonché de corps, des innocents de tous âges fauchés comme les blés sans distinction. Ces enflures n'avaient pas fait de quartier. Lorsqu'elle apercevait un corps sans vie vêtu d'un uniforme, la jeune femme ressentait une étrange joie féroce. Elle se fraya un chemin au milieu du charnier, voulant rejoindre Maxine, sa belle-mère et Lysbeth qui se tenaient plus loin. Elle ne s'arrêta qu'à quelques pas d'elles, soudain alarmée. Elle avait ressenti une douleur au niveau du ventre, qui tirait jusque dans son dos. Une contraction. Mais, à bien y réfléchir, ce n'était pas la première qu'elle ressentait. Elle n'y avait pas prêté attention, mais plusieurs s'étaient déjà succédé à intervalles réguliers, depuis l'instant où Morgan s'était écroulé. Elles étaient différentes de celles qu'elle avait pu ressentir durant ces derniers mois : régulières, plus longes, espacées d'environ cinq petites minutes. Un poing glacé se referma sur son cœur quand elle comprit. Son regard sombre croisa celui, bleu limpide, de Jessie. La jeune fille dut y lire quelque chose. De l'effroi, peut-être ?

« Je... Des contractions. Le travail a commencé.

Une vie s'éteignait, une autre allait naître. C'en était presque cruellement poétique. Mais elles avaient encore des heures devant elles... La rouquine prit un air résolu, et conduisit la zoologiste auprès des femmes qu'elles voulaient rejoindre. En arrivant, elle lâcha une simple phrase en les regardant toutes les trois.

- Thalia va accoucher. »

If you fuck with us, we'll fuck you right back
with a cherry on top ! | Pv. Emerald Freedom

Daniel se tenait le flan en grimaçant comme jamais il n’avait grimacé, autrement que pour faire rire ses enfants. Dans ce cas-ci, il n’y avait vraiment rien de drôle. Vraiment rien. Le souci avec les enfants, c’est qu’on veut les épargner des horreurs de ce monde. Malheureusement pour Daniel, c’était impossible. Il avait échoué dans son devoir de père, qu’il n’arrivait pas vraiment à gérer avant tout cela. Sa fille pleurait en silence, parce qu’elle avait mal. David et Phil étaient indemne, c’était déjà ça. Maxine lui cria dessus pour qu’il s’arrête de marcher. C’était le bienvenu, surtout si on prend en compte le capital fatigue que possédait Daniel. Il aurait volontiers baissé les bras et se serait écroulé au sol, mais il ne pouvait pas.

Mais bientôt, son expression changea en comprenant en même temps que la brune ce qui se passait autour d’eux. C’était fini. Enfin. Il n’y avait plus rien, plus de tirs. Juste les râles d’agonies des uns et des autres. Daniel avait toujours son bras valide cramponné à son arme, et se mit alors à genoux, la même expression de stupeur sur le visage. « Mon garçon… » Murmura son père en posant une main sur son épaule. Alex bizarrement, c’était arrêtée de pleurer. Et Phil, toujours silencieux, venait poser une main réconfortante sur l’avant-bras de Thalia. Pas un regard vers son père.

Bientôt, Daniel aperçut le mari de la brune au loin. Il ne put s’empêcher d’afficher un sourire en coin, avant que la douleur de son flan et de son bras ne se réveille. Il laissa enfin tomber sur arme sur le sol. De toutes façons, il n’y avait plus de balles dedans. « Ta femme… » Articula Daniel en levant les yeux vers Jaden. « Elle a un sacré tempérament ! » C’était un compliment. Il afficha alors un sourire maladroit à cause de la douleur et s’adressa à Maxine en espérant lui arracher un sourire au passage. « Celle-là tu m’la doit, mais ça va j’prends pas cher. » Dit-il à propos de sa blessure au flanc avant de s’asseoir par terre en un mouvement assez disgracieux, soufflant enfin. Alex se précipita vers son père pour le serrer dans ses bras.

« Papa… » Interrompit Phil en se dressant devant lui. Il le dominait, debout, droit comme un piquet, avant de pointer Thalia du doigt. « Elle va avoir son bébé ici. C’est pas bien. » Daniel haussa les sourcils, et son expression se figea. Ça n’était pas vraiment le moment de faire ça là, et cette femme venait de perdre son mari. Mon Dieu. Daniel se débattit comme il put pour se mettre debout et aida l’amie de Thalia à la soutenir. « Arf… Non d’un chien… » Râla-t-il à propos de sa blessure. « Non t’inquiètes pas, ça va aller, on va s’occuper de ça. » Dédramatiser pour mieux gérer. Daniel avait assez vécu dans sa vie pour comprendre quand la panique était nécessaire.

Ici, le chaos était tel que ça ne servait plus à rien de paniquer. Il l’aida en l’amenant tout doucement vers le sol. « Tu pouvais pas mieux tomber ! » Dit alors Daniel en s’adressant à l’enfant que Thalia portait en elle, une pointe d’ironie dans la voix pour tenter de calmer le jeu, la panique s’installant tout doucement dans la tête de chacun. « Papa, aide moi, s’te plaît. » Demanda-t-il à son père pour qu’il vienne lui filer un coup de main. Il fallait qu’il mettre quelque chose sur son flanc. Le sang coulait par endroit, une plaie vraiment vilaine qui aurait bien besoin de quelques points. Mais cela attendrait, il y avait plus urgent à côté de lui.  

Tout mais pas ça. Seigneur tout mais pas ça.

Il y avait tellement de sang sur son t-shirt. Tellement de sang. Celui des autres se répandant sur le sol ? Jaden n'en avait strictement rien à cirer. Tout ces corps sur le sol ? Idem. Il pouvait bien n'y avoir personne d'autres encore en vie dans le gymnase, ça n'avait pas d'importance. Plus rien n'avait d'importance. Même sa mère ne comptait plus. Maxine était recouverte de sang. Le sien. Ça ne pouvait pas être celui de quelqu'un d'autre. Elle était morte. Elle était morte et son monde venait de s'écrouler.

Il allait les tuer. Tous. Tout ceux qui avait donné voix à la colère qui grondaient dans leurs entrailles. Tout ceux qui les avaient amené à cette guerre. Tout ceux qui avait une part de responsabilité dans la mort de son épouse. Jay allait les massacrer. Les uns après les autres. Et Moore... Oh celui-là, il allait le faire durer. Il lui découperait chaque centimètre carré de peau les uns après les autres. Il lui arracherait les ongles. Lui ferait bouffer ses dents. Il le ferait regretter d'être un jour venu au monde. Il lui ferait la sentir la souffrance qu'il y avait dans le cœur du blond. Et après ça ? Lui aussi était en partie responsable alors...

Preston était dans un autre monde. Tout ces bruits dans le gymnase n'étaient qu'un énorme bourdonnement assourdissant. Sa vision était floue, rendant le monde qui l'entourait trouble. Deux femmes vinrent se placer devant sa femme. Jay ne les reconnut pas ni ne comprit les mots qui sortaient de leurs bouches. Sans aucun ménagement, il poussa la rouquine et la femme enceinte pour qu'elles dégagent. Qu'elles viennent s'attrister sur le corps de son épouse ou pas lui était complètement égal. C'était sa femme qui était là. Il se laissa tomber, genou au sol, avant de prendre son visage entre ses mains. Il voulait juste la regarder, l'embrasser une dernière fois.

Et elle posa ses yeux sur lui. Ses yeux qui le faisait vaciller à chaque fois. Était-ce son regard qui le faisait chavirer ou le fait de la voir en vie ? En vie. Maxine était en vie. La peur s'envola, tout comme ses mauvaises pensées. Le monde retrouvait un sens. Maxine était en vie. Il caressa ses joues, ne pouvant contenir ni le tremblement de ses mains ni le sourire béat qu'affichait son visage. Maxine était en vie. Jay se redressa quelque peu le temps de coller un baiser sur le front de sa mère. C'était expéditif mais ce baiser voulait tout dire. Merci. Merci d'avoir été là, avec elle. Daniel arriva dans son dos. Ce que le père de famille lui dit, l'ancien marine n'écouta pas vraiment. Il se retourna juste une seconde pour lui adresser une sourire de convenance et reporta son attention sur sa femme. Il allait encore avoir besoin de quelques minutes pour digérer cette frayeur.

Comme n’importe quelle mère, Anna devait refuser d’imaginer que son fils était mort. Et pourtant, il le fallait. Maxine devait lui dire, la confronter à la réalité immédiatement. Plus elle attendait et plus le choc serait grand. Mais lorsqu’elle ouvrit la bouche pour parler, elle s’effondra complètement. C’était plutôt elle qui se confrontait à la réalité et c’était douloureux, horriblement douloureux. Anna l’accompagna au sol pour finalement la prendre dans ses bras. Quelqu’un d’autre vint se joindre à leur étreinte mais elle n’y prêta aucune attention. Les yeux grands ouverts, le front collé contre sa belle mère, Maxine fixait le sol en laissant tomber seules, toutes les larmes qui lui avaient remplis les yeux.

Plus rien n’existait vraiment autour d’elle. Même la voix de Jessie fut lointaine. Elle réussit à entendre qu’il s’agissait de Thalia mais c’était bien tout. Elle était épuisée et totalement vide. Elle n’entendait que les battements de son propre cœur qui lui rappelait combien elle, elle était vivante. Ce triste constat lui fit fermer les yeux avec force tout en serrant les dents. Jusqu’à ce qu’on lui soulève la tête, que des mains se posent ses joues pour la forcer à regarder ailleurs. Et ce qu’elle vit en face d’elle n’était absolument pas la chose à laquelle elle s’attendait. Les yeux ronds mais les sourcils froncés, elle resta à l’observer silencieusement et sans aucune expression autre expression sur le visage. Pas de joie. Non, elle n’était pas sûre que tout cela soit réel.

Même lorsqu’il se décolla pour aller déposer un baiser sur le front de sa mère, Maxine se contenta de le suivre du regard, perdue, luttant pour savoir si elle aussi, elle était morte. Elle assista à toute la scène comme si elle n’était qu’un fantôme. Il ne pouvait pas être en face d’elle puisqu’il était mort. Elle entendit la voix de Daniel, comprenant chacun de ses mots tout en étant incapable d’y répondre. Mais c’était justement grâce à son intervention, grâce au fait qu’il s’adresse à Jaden que le déclic arriva. Aussi rapidement qu’on actionne un interrupteur, la réalité frappa Maxine. Il était en vie, bel et bien là, en face d’elle. Elle ne rêvait pas. Maladroitement, elle se dégagea de l’étreinte d’Anna pour se jeter au cou de son époux sans délicatesse. Elle poussa un gémissement de soulagement et des « Oh mon dieu » à répétition alors que les larmes revenaient encore une fois lui remplir les yeux. Pour être réellement certaine, elle se recula pour l’observer, le détailler. Il était amoché, visiblement fatigué et tout aussi perdu qu’elle. « Qu-quand ils sont arrivés.. j’ai, je.. » Elle n’arrivait pas à le dire mais lorsque les militaires avaient débarqués dans le gymnase et qu’ils avaient ouvert le feu, Maxine s’était persuadée qu’ils avaient réussi à abattre tous les autres et qu’ils étaient venu terminer le travail avec les civils. « Je pensais que tu étais mort.. » Ses yeux s’écarquillèrent à nouveau, encore traumatisée par cette pensée.

« Tu n’as rien ? » Elle connaissait son mari et sa tendance à ne pas vouloir l’inquiéter. Elle le savait capable de serrer les dents et de dissimuler une blessure grave pour éviter qu’elle ne panique. Pourtant, rien qu’en voyant l’état de sa lèvre et juste après, celui de son bras, elle sentit l’angoisse s’installer progressivement.

Adossée à notre fidèle couverture, je souris en entendant le ton autoritaire de Sally, Ian et Rosaleen s'affairant près d'elle. Décidément, on s'est bien trouvées elle et moi. Et puis, si elle trouve la force de râler, c'est qu'elle ne va pas nous lâcher de sitôt, bien que son teint de plus en plus pâle me rende soucieuse. Et en parlant de souci, je ne peux m'empêcher de lever les yeux, cherchant à entrevoir l'endroit où a été emmenée Megara. Mais ma vue est trouble, et l'horizon encombrée de cadavres et de mourants.

Quelques coups de feu résonnent encore, et sans prendre la peine de m'appliquer le moins du monde, je tire aussi dans le tas, des fois que. Mais je suis fatiguée, si fatiguée. L'intervention de Ian a réveillé une douleur cuisante, et j'ai comme l'impression que toute mon énergie a suinté de mes plaies, comme le sang. J'ai besoin de reprendre mon souffle, juste une seconde. Je ferme les yeux un instant... Juste une petite seconde.
Ce n'est qu'en sentant le revolver poisseux de sang m'échapper que je les rouvre soudainement, clignant machinalement des yeux, désorientée. Un peu plus tard, Sally m'interpelle, achevant de me faire retrouver mes marques. Est-ce vraiment terminé ? La salle empeste la mort et le sang. Quand on voit de quoi ces pourritures ont été capables, comment ne pas imaginer qu'ils pourraient pousser encore plus dans l'horreur ? Nous laisser un répit, le temps d'espérer avant de venir achever ceux qu'ils ont déjà mutilé. Je n'en serais pas étonnée, pas le moins de monde.

Je resserre ma prise autour de la crosse, attisant encore une fois le feu dans ma chair. L'adrénaline n'agit qu'un temps. Désormais, le moindre mouvement me donne l'impression qu'on écrase toujours un peu plus mon membre dans une presse. C'est douloureux. Et malgré tous mes efforts pour l'ignorer, j'ai du mal à garder mon attention sur l'entrée désormais béante du gymnase, attendant de voir pénétrer sauveurs ou bourreaux. Je manque de presser la détente lorsque le seuil est enfin franchi, puis suis relaxée aussitôt. C'est Jaden qui entre, vite suivi par les autres survivants. Il se rue vers le fond de la salle, sur Maxine, je suppose sans m'y intéresser plus longtemps. Je me retourne vers mon amie en grimaçant, le visage partagée entre le soulagement et la décharge que m'envoie mon bras suite à la rotation de mon buste. Je parviens finalement à esquisser un sourire.

« Ils reviennent Sally ! Ils sont là ! » Je lui saisit la main, et espère avec elle que nous verrons bientôt surgir Wade, en bonne santé, en compagnie de tous les autres.
Et puis, après un moment, je laisse une fois de plus ma tête retomber en arrière, fermant les yeux. Je veux juste me reposer une seconde. Et je n'ai pas de famille à attendre.