Jaden lui avait déjà dit qu’il ne participerait pas à la bataille. C’était un soulagement pour lui. Il savait qu’il n’était pas capable de tenir une arme. Il aurait aimé apprendre, mais en cinq jours c’était totalement impossible et il savait parfaitement qu’il ne pigerait pas un broc du fonctionnement de ce machin. Il devrait apprendre un jour. C’était certain, mais pas aujourd’hui. C’était beaucoup trop tard. La guerre était imminente. Il avait les yeux rivés sur la pendule. Elle ne finirait pas passée à la minute d’après et l’heure aurait sonné. Il avait peur pour ses amis partis combattre et ils étaient nombreux.

Il devrait faire de son mieux pour sauver des vies après, il le savait aussi. Il sentait la pression monter, mais pour une fois, il le vivait bien, parce qu’il la connaissait. Elle ressemblait trait pour trait à celle qu’il ressentait avant tout ça. Dans son ancien boulot, il avait l’espoir que tout redevienne comme avant, mais c’était vide, parti en fumée lorsqu’un coup de feu se fit entendre. Ce fut le premier d’une longue série. Ian avait sursauté alors qu’il savait parfaitement qu’il était prévisible. Il devait faire autre chose, pour ne pas y penser, du moins tant qu’on n’aurait pas besoin de lui.

C’est donc tout naturellement qu’il s’approcha de Rosaleen lorsque ses yeux se posaient sur elle. Il savait qu’elle ne pourrait pas vraiment l’apaiser, mais au moins, peut-être qu’ensemble ils pourraient s’inquiétait pour chacun des membres partis sur le front. Il avait ce besoin de penser à autre chose. C’était tout simplement impossible à l’heure actuelle. Il murmura alors qu’il arrivait à sa hauteur. « Ils vont y arriver. » Il en était persuadé, il posait alors une main sur son épaule. Il avait besoin d’un contact avec quelqu’un bien que ce n’était pas dans son habitude d’être ainsi.

La relation avec son fils était revenue normale, c’est-à-dire inexistante. Il était en train de jouer de l’autre côté du gymnase avec les enfants de son âge. Il avait cru voire Kaycee dans le temps et les petits Gallow. Il se demandait alors comment ils faisaient alors que leurs pères étaient en train de risquer leurs vies et que lui il était là parce que ses compétences en médecine étaient trop précieuses. Il se sentait coupable de ne pas être là-bas à la guerre avec les autres. Il s’inquiétait également pour la femme enceinte, Thalia. L’inquiétude pourrait déclencher le travail et elle devrait accoucher dans des conditions vraiment complexes.

Il préférait ne pas continuer de penser à ça sinon, il allait finir par exploser comme une baudruche, mais il devait dire ou faire quelques choses. Il se tournait alors vers la rousse et il la regardait avec un regard un peu différent d’habitude. « Je vais te demander un truc très étrange et je ne veux surtout pas que tu le prennes mal. Cependant, je me demandais si on pouvait demander aux esprits d’être favorable à notre rébellion comme les chrétiens prient leur Dieu. » Il n’était pas croyant, c’était donc évident qu’il ne se voyait pas prier, cependant, s’il pouvait partager un petit peu du monde de la rousse il ne pouvait pas dire non.

Cinq nouveaux jours à traînasser. Cinq jours interminable où le plan avait été mis en place, où tout avait été discuté et préparé à la seconde près ; ils avaient leurs chances, c'était certain, mais tout pouvait se jouer à peu et ils pouvaient très bien tout perdre. Arrivé au jour J, la jeune femme avait tourné comme un lion en cage, tentant du mieux possible de se calmer mais ç'avait été une tâche des plus difficiles. Elle avait rejoint le gymnase peu avant 19h30 et s'était installée dans un coin, attendant que tout commence. Et ça n'avait pas traîné. A 20h10 le premier coup de feu avait retenti, leur sort était scellé et plus aucun retour en arrière n'était possible. Baissant la tête, Rosaleen se rendit subitement compte de ce qui se jouait, qu'ils pouvaient certes avoir mieux, mais également pire. Et à quel prix ? Ces coups de feux n'étaient pas anodins, ce n'étaient pas des balles en mousses ; tout cela n'avait vraiment rien d'un jeu. Sans vraiment s'en rendre compte elle commença à trembler, les yeux fermés fixant un sol invisible.

Quand elle sentie une main sur son épaule elle releva la tête et dans ses yeux ont pu lire toute l'inquiétude qu'elle ressentait. Ses traits se firent cependant moins durs quand elle vit Ian ; elle était heureuse qu'il soit ici, c'était probablement égoïste mais elle préférait le savoir sain et sauf ici qu'à la merci des militaires dehors. Sain et sauf oui, mais jusqu'à quand. Elle tenta de lui sourire, et ce sourire se fit un peu plus sincère quand le brun fit preuve de positivité ; elle était presque étonnée mais toutefois agréablement surprise.

« Il faut y croire oui, ils feront de leur mieux. »

Elle voulait y croire, elle le devait, et elle y arrivait. Elle avait juste peur de ce qu'ils auraient à payer pour arriver à leurs fins ; était-ce réellement humain et justifié de faire tout cela ? Justifié évidemment, humain ? Elle avait des doutes sur cela, se demandant toujours s'il n'avait pas été possible de gérer tout cela autrement. Mais elle n'avait pas eut son mot à dire et n'en avait de toute façon pas eut l'envie. Quand l'urgentiste lui posa une question, elle écarquilla un instant ses yeux, se demandant si elle avait bien entendu. Prier ? Elle ne s'attendait vraiment pas à cela de Ian, mais était très agréablement surprise qu'il propose. Hochant la tête, le regard grave, elle prit ses mains dans les siennes et lui intima de fermer les yeux et de simplement penser à ce qui se jouait ; le plus important était de croire, il était toujours de cela qu'il était question. D'une voix à peine audible, elle se mit à entonner quelques mots en langue celte, priant ainsi les esprits et tous les Dieux de leurs venir en aide, et de secourir les âmes en peine qui ne tarderaient pas à s'élever. Rouvrant les yeux, elle se sentit un peu revigorée quoi qu'un peu secouée, et les larmes qui perlaient au coin de ses yeux en étaient la preuve.

« Merci, Ian. »

Elle lui sourit une nouvelle fois, serrant ses mains un peu plus fort comme pour ne pas les perdre, comme pour lui signifier qu'elle était soulagée qu'il soit là. La voix de Drew s'éleva alors, captant l'attention de la jeune femme. elle tenta un sourire, lui montrant qu'elle la soutenait et était reconnaissante de ce qu'ils faisaient tous.

Plus les jours avançaient et plus Maxine prenait conscience de l'ampleur de leur projet. Elle avait eu des moments d'hésitation, à chaque fois qu'elle posait les yeux sur Jaden à vrai dire. A chaque fois qu'il prenait la parole pour donner les directives ou qu'il revenait d'une énième vérification concernant le matériel planqué. Ils s'étaient dit au revoir à demi mot, la veille. Et lorsqu'il quitta le gymnase pour retrouver les autres, pour se préparer à l'assaut, Maxine eut la sensation qu'une partie de son cœur venait d'être violemment arraché. Ils ne pouvaient plus faire marche arrière et peut-être que le baiser qu'ils venaient d'échanger était le dernier.

L'institutrice inspira, offrant un sourire triste à sa belle mère puis hocha la tête un coup. Il reviendra, lui souffla elle. Il le fallait. Du bout des doigts, elle vérifia que l'arme qui lui avait été confié était toujours bien calée sous sa ceinture, recouverte par son pull. Cela faisait des années qu'elle n'avait pas touché à une arme mais si l'opération échouait, elle n'aurait pas d'autre choix que de se souvenir rapidement comment s'en servir. La seule chose qu'ils devaient tous faire, était d'attendre. Une attente longue, vicieuse, dans le flou. Puis le premier coup de feu résonna, faisant sursauter Maxine, même si elle s'y attendait. Ce fut le premier d'une longue, très longue série. Chaque détonation lui donna la sensation d'une violente coupure. Ses doigts se resserraient autour de ceux de sa belle mère, priant intérieurement, les yeux levés au plafond.

La brune baissa les yeux vers Drew qui s'exprimait pour  le groupe. Sa dernière phrase concernant Moore transforma la douleur qu'elle ressentait en véritable haine. Si Moore parvenait jusqu'ici, cela voudrait dire que les hommes partis au combat avaient échoué. Alors oui, elle non plus n'hésiterait pas. Lâchant la main d'Anna, Maxine fit quelques pas pour rejoindre Thalia et son ventre énorme. Les deux femmes étaient dans le même cas, grossesse à part. Leurs maris étaient tout les deux partis au combat. Et même si elle ne le connaissait pas beaucoup, l'institutrice s'installa à sa droite et lui adressa un léger sourire et la voix déraillante « C'est horrible, n'est ce pas ? ». Sa question n'en était pas vraiment une. Elle connaissait évidemment la réponse. Rester là sans savoir si leurs maris étaient encore en vie était une réelle torture. Mais malgré tout ça, lorsque Maxine posa le regard sur le ventre de Thalia, elle ne put s'empêcher d'avoir un sourire attendri. « Ca va aller ? » Demanda-elle doucement, alors que les tirs continuaient à résonner dans l'enceinte du lycée.

La tension était palpable au sein du gymnase, pour eux qui n'avaient jamais appris à se défendre. Les minutes semblaient être des heures, alors qu'elle fixait l'horloge avec intensité, et que le premier coup de feu ne se fasse entendre, alors que son coeur cognait contre sa poitrine dans un rythme effréné. Par chance pour elle, Drew était resté à leurs côtés, mais elle ne put s'empêcher d'avoir une pensée pour Maxine et Thalia, dont les maris se retrouvaient en plein coeur de la mêlée. Et Trey ? Ce fou dangereux qui restait un de ses plus proches amis, est-ce qu'il allait s'en tirer ? Oui, il le fallait. Sinon, elle serait obligée d'aller le tuer une seconde fois tiens, ç'aurait été con. Un peu comme Ayden, qu'elle connaissait peu mais avec qui elle avait apprécié s'amuser à refaire un plan de ce lycée. Un instant, elle crissa des dents sans mot dire, jusqu'à ce que Drew ne s'approche d'elle en lui collant un couteau  dans les mains, lui disant qu'elle ne devrait pas s'hésiter à s'en servir. Est-ce qu'il se rendait seulement compte que les rares fois de sa vie ou elle avait utilisé un couteau, c'était pour couper de la viande dans son assiette et encore, quand elle ne trouvait pas le moyen de se couper avec ? Cependant, elle tut la petite histoire de sa maladresse légendaire, préférant le remercier d'un signe de tête avant de le retenir par la main pour lui faire signe d'attendre une seconde.

Ecoute... On à pas eu le temps de beaucoup discuter tous les deux, mais... Je voulais que tu sache, que je te suis vraiment reconnaissante d'être de notre côté, tout comme Wilson et Stobart. T'as pris des risques énormes pour nous, et j'ai pas eu l'occasion de te remercier une seule fois depuis le début. Du coup... J'tenais juste à ce que tu le sache.

Les élans d'émotions avec Drew, c'était toujours très compliqué. Mais pour le coup, elle réussit à garder une ligne droite et sensée, sans s'empêtrer dans des discussions interminables. Lui offrant un rapide sourire, elle rangea le couteau à sa ceinture en priant pour ne pas avoir à l'utiliser, effleurant brièvement la joue du militaire du bout de ses doigts tremblants, avant de le laisser s'écarter pour prendre la parole, alors qu'elle restait toujours dans son coin, croisant les bras contre sa poitrine sans perdre un mot du discours qu'il faisait, hochant la tête en guise de réponse muette à ses demandes. Et alors qu'elle allait enfoncer les mains dans ses poches, ses doigt frôlèrent un bout de papier qui la fit tiquer un instant; Il ne lui semblait pas avoir gardé le dernier emballage de son paquet de cigarette pourtant.
Sortant le papier en question soigneusement plié, elle l'ouvrit en douceur, alors que Drew continuait de redonner du courage aux civils, pouvant lire un mot lui étant adressée, signé d'un "D." qu'elle reconnut immédiatement, alors qu'elle relevait le regard vers le militaire, sentant une étrange émotion lui étreindre la poitrine. Sérieusement ? Sans doute qu'il croisa son regard un instant, alors qu'elle souriait, avant de baisser le regard vers le mot pour le lire à nouveau. C'était exact, il y avait un événement qu'ils n'avaient pas eu l'occasion de fêter au cours des 24 dernières heures. Et désormais, elle espérait plus que tout qu'ils puissent se permettre de s'en occuper. L'espace d'une seconde, elle eut presque envie de se jeter sur lui en plein milieu de son speech pour l'embrasser comme dans n'omporte quel film d'amour qu'elle ne supportait pourtant pas à la base, se sentant affreusement niaise. Mais, ça aurait carrément valu le coup. Restait juste à attendre qu'il revienne vers elle une fois qu'il aurait réussi à rassurer tout le monde.

Non loin d'elle, elle croisa la regard de Bernadette, lui offrant un signe de tête discret.

Comment tu te sens ?

En tant qu'avocate, est-ce qu'elle avait déjà tenu une arme à feu entre ses mains ? Et tout comme elle, commençait-elle à ressentir l'appréhension que générait le bruit des coups de feu au dehors ? Ses lèvres se scellant à nouveau, elle resta immobile.
Désormais, ils ne pouvaient qu'attendre.

Il c’était attendu à la surprise de Rosaleen, après tout c’est tout un concept de voir l’urgentiste donnait un intérêt à ce genre de croyance. Cependant, à cet instant précis, il n’avait pas grand-chose à voir avec le Ian qu’il avait toujours été jusqu’à présent. Il avait envie de faire son maximum pour protéger la belle rousse et surtout l’aider. Il sentait bien qu’elle était bien plus perturbée par ce qu’il se passait dehors. Alors il faisait en sorte de paraitre fort pour pouvoir la consoler. C’est d’ailleurs pour ça qu’il lui avait parlé de prier. Il savait que c’était important pour elle.

Il ne s’attendait pas à ce que ça prenne cette forme-là, mais il se laissa faire. S’installant de la même façon qu’elle, ses mains dans les siennes. Elles n’étaient pas très chaudes, ce qu’il pouvait parfaitement comprendre à cause des températures hivernales et le stress qui lui parcourait le corps. Elle lui demandait de fermer les yeux, ce qu’il fit sans trop réfléchir, et il attendait pensant à la réussite de cette guérilla. Elle lui avait dit de le faire, alors il s’exécutait sans réfléchir ayant une confiance aveugle en la rousse. Il ne savait pas si ce genre de choses pouvait réellement marcher, mais il avait envie d’y croire.

Croire qu’un maximum de personne sortirait indemne de cette bataille, que les militaires arrêteraient de les oppresser c’était une vision d’espoir, mais il en avait besoin pour avancer et se dire que demain serait un jour meilleur que tous les autres qu’il avait eus jusqu’à présent. Rosaleen commençait à parler en Celte. Évidemment, il ne comprenait rien, mais il trouva ça mélodique. Il avait l’impression qu’il avait une certaine puissance sans pour autant déterminer comment c’était possible. Il était en train d’y croire, il ne savait pas si c’était vraiment par volonté ou plutôt pour faire plaisir. Il était facilement influençable, mais il en était conscient. Il espérait qu’aujourd’hui ce soit différent.

Une fois terminé, il rouvrit les yeux en même temps qu’elle. C’était perturbant de la voir un peu tremblotante. Elle n’avait pas lâché ses mains. D’une oreille distraite, il écouta Drew parler de tuer Moore sans pour autant quitter des yeux son visage. Doucement, il rompit le contact d’une de ses mains pour la poser sur son visage et faire disparaitre les deux larmes qui commençait à couler sur son visage. L’émotion, ce n’est pas facile à canaliser surtout avec les coups de feu dehors qui empêche une concentration.

Elle l’avait remercié de ça, mais ce n’était tout simplement pas nécessaire. Il avait ce qui semblait juste, tout comme maintenant alors qu’il la prit dans ses bras. Cette fois-ci, il n’avait pas rougi. Ou du moins, il se retenait. Il n’était pas sur le front, mais voulait prouver d’une certaine façon que lui aussi était un homme et qu’il pouvait la protéger. « C’est normale Rosie, tu comptes beaucoup pour moi. Je n’apprécie pas de te sentir mal. Je suis même convaincu d’avoir senti quelques choses de différentes. » Il avait parlé doucement vu que l’oreille de la femme n’était pas très loin de sa bouche. Il avait osé lui donné un petit surnom, il espérait qu'elle ne le prendrait pas mal. Il était un peu perturbé par les vibrations qu’il avait cru ressentir. C’était comme si aujourd’hui ces yeux s’étaient ouvert sur le monde qu’il refusait de voir. Il avait un nouveau regard sur tout ce qu’il l’entourait et il trouvait Rosaleen encore plus belle qu’avant.