Il y était. Une chasse à l'homme en bonne et due forme. Une traque avec deux objectifs. Obtenir des informations et ensuite, liquider. Dans l'esprit du sergent, tout était parfaitement clair. Il était face à des chiens, et il n'allait avoir aucune pitié. Quitte à dévoiler aux yeux de tous le visage de celui qui, de toutes façons, ne se cachait plus réellement au fond de lui.
Sans prendre le risque de s'estimer dans un rapport de force et de connaissance supérieur, Arthur avançait dans les allées, lampe sous l'arme, et canon pointé. L'index n'était pas sur la gâchette, pas encore.. Oh ça seulement après s'être amusé un peu.

Et pourtant, il n'y avait que le silence et le néant. Rien, pas d'autre trace, pas d'autre tir, pas d'autre cri. Soit les ennemis restants étaient planqués quelque part à attendre qu'ils baissent encore leur garde, soit il n'y en avait plus. Et si la seconde idée rassurait son coeur d'homme, elle décevait la rage qui lui faisait serrer les dents. Non pas qu'il sentait en lui l'envie de venger Edwin. Non.. Il sentait en lui la volonté de corriger ces connards pour avoir osé s'en prendre aux siens. A ce grand groupe dans lequel se trouvaient Elyse, Isabel, et leur enfant.

RAS, entendit-il, alors que lui-même se retrouvait devant un mur. Laissant s'échapper un grognement, il fut bien obligé de répondre à l'appel. Et au moment de le faire, après une dernière vérification des lieux, il se dirigea vers Blake. Une fois près d'elle et des autres, il fit son rapport.

" Rien trouvé.. "

Il passa la porte à la suite d'Alan, cherchant une cible à abattre de son canon. Le sang appelle le sang, et le soldat qu'il était le savait bien. Quitte à choisir, autant que ce soit celui des ennemis.. mais rien. Toujours rien. L'idée qu'ils n'étaient que deux s'imposait lentement dans son esprit, et la bête de guerre retournait dans son panier, pour laisser enfin place à l'homme.

Il tendit la main vers une grand et épaisse couverture de laine. Son premier réflexe fut de la renifler, refusant d'imposer l'odeur des tueurs à sa famille. Mais elle ne puait pas. Une chance. Il regarda autour de lui encore, alors que d'autres se mettaient aussi à fouiller.

" C'était leur putain de planque.. "

Lugubre.

Le canadien tentait tant bien mal de garder son calme pour elle, de ne pas craquer en se laissant porter par ses émotions, si bien que lorsqu’il vit John tendre le couteau de l’étranger, il sourit en se disant que le brun avait raison en un sens. Elle avait tout à fait le droit de le prendre, cet objet était désormais à elle et il pourrait lui être utile. Tout ce qu’il espérait était qu’à chaque fois qu’elle l’aurait en main, sa petite amie ne se sente pas mal car elle n’avait pas fauté, elle avait certainement permis à d’autres de vivre.

« Kass, regarde-moi. Ca va aller. Viens, on va les suivre, d’accord ? » dit-il d’une voix calme. Sans attendre réellement une réponse de sa part, il entrelaça ses doigts entre ceux de la jeune femme et commença à avancer. Ils n’allaient pas rester là planté comme des idiots, ils devaient se rendre utile. Dante avait beau être assez calme de l’extérieur, intérieurement il bouillonnait de plus en plus et s’inquiétait pour tous les autres et notamment Tam. Si l’étranger possédait un couteau, rien ne garantissait au groupe qu’il n’en pas fait usage pour trancher la gorge de l’un d’eux. Alors, oui, le blondinet était très égoïste pour le coup en pensant quasiment qu’à la tatouée, mais s’il était amené à la perde ou Kassandra, son monde s’écroulerait. Dante finit par lâcher la main de la jeune femme, non pas envie, mais par nécessité, car ils devaient être opérationnels et ce n’était pas en jouant les amoureux que ce serait le cas.

Ils passèrent devant le corps d’Edwin où un amoncèlement de personnes s’affairait autour de la pauvre Lilou complètement dévastée. Dante vit alors Tam, pour son plus grand soulagement, elle n’avait rien, mais ils n’auraient pas le temps de discuter, ma rouquine était heureusement bien entourée, même si cela ne diminuerait pas sa peine. Ils continuèrent d’avancer et finirent par rejoindre Blake au moment où elle fit sa demande de renfort jusqu’à arriver devant la porte ouverte. Ils avaient pourtant tous fait le tour du supermarché, peut-être ne s’étaient-ils pas montrés assez vigilants à cause de la fatigue accumulées, mais ils avaient d’autres chats à fouetter que de se poser des tas de questions. Désormais, il fallait redoubler de concentration et de vigilance, les deux assaillants étaient possiblement accompagnés. En entrant dans le hangar, la tension était palpable, mais aucun signe de vie à première vue.

John s'était immédiatement chargé de finir l'homme pour qu'il ne se relève jamais. Les yeux un peu écarquillés, les yeux encore brillants de stupeur face à son acte, elle le regarda planter la lame sans se détourner et lui ramener un couteau de chasse. Au premier abord, ce geste lui sembla tout à fait lugubre, aurait-elle réellement la force de porter une arme qui avait l'air de faire dix tonnes dans ses mains. Elle regarda l'ancien militaire s'éloigné avant de reporter son attention sur Dante puis sur Blake. La deuxième lui expliqua qu'elle allait revenir, parce que oui, elle devait terminer son travail et vérifier que tout était sécurisé... Que plus personne n'était en danger... Elle prenait du temps sur ça, et elle ressentit une pointe de culpabilité en se sentant si faible. Elle tenta de refouler ce ressenti alors que son petit ami enlaçait ses doigts, elle apprécia ses mots, se rendit compte qu'elle était bien entourée pour avancer... Mais la blonde ne put retenir un frisson d'angoisse en voyant cette masse sombre, elle croyait même l'avoir vu bouger. Une illusion horrible sans doute... Une illusion qui allait la hanter jusqu'à la fin de ses jours...

Dante lui proposa de sa voix douce et emprunte de calme d'évoluer vers le groupe de Blake, pour leur prêter main forte. Oui... Cela ne sert à rien d'attendre ici... Il n'y avait rien de bon... Elle fut tenter de se tourner vers le groupe qui encadrait Lilou, Tam se trouvait prêt d'elle, et bien d'autres. Le principal c'est que la majorité était là... Mais le corps d'Edwin lui rappela qu'il avait perdu la vie, et que la déchirure de Lilou, son cri de l'âme, allait être difficile à guérir... Elle eut une pensée pour Ed, parce qu'elle l'avait apprécié, qu'il était un bon ami et qu'il était toujours là pour aider tout le monde... Puis se fit la promesse d'essayer de se rapprocher de Lilou pour la soutenir... Malgré leurs différents. Elle tourna un regard vers Dante alors qu'il s'avançait à la suite d'Arthur, John, Blake, qui investissait déjà la planque de ces individus... Elle n'était pas sûr de vouloir entrer, l'air sévère de ceux qui l'entouraient et les meurtres qui venaient d'être perpétuer lui donna envie de fuir. Mais en s'avançant, avec le regard doux de Dante, elle fit par y entrer avec lui. Il y a beaucoup de choses ici... Comme si cela allait ramener à la vie le pauvre Edwin... Comme si cela allait réparer les âmes déjà bien meurtries ici... Il adressa un regard à Dante, puis regarda du coin de l'oeil Blake qui était dos à elle... L'attention toute particulière qu'elle lui avait adressé l'avait touché plus qu'elle ne le pensait... Elle se rendit compte aussi qu'elle tenait toujours le couteau dans la main, elle le posa maladroitement sur une étagère alors qu'elle en tirait quelque chose du fond. Une couverture épaisse en laine, comme Arthur... Parfait pour les coups durs...

« Laisse-moi ! Je dois le voir ! » Ordonna-t-elle à Christina et son bon sens, alors qu'elle ne voulait que lui éviter des ennuis. Hope ne pouvait simplement pas l'entendre. Bien sûr qu'en temps normal, elle aurait demandé à ce qu'on garde son calme, à attendre, mais il s'agissait du père de son enfant, et quelque chose de terrible venait de se passer. Ça n'était pas seulement la mort d'Edwin, la peur au ventre, la fatigue et la faim, c'était... C'était autre chose. Joshua avait besoin d'elle. Mais elle ne put faire la distance jusqu'à lui. Kate la tira si fort en arrière qu'elle ne pouvait lui résister plus longtemps.

Ravalant péniblement ses larmes, la blonde la serra contre elle pour lui éviter d'avoir à affronter pire. Et elle la rassura. « T'en fais pas, il va revenir... Hope, tu le connais ! Il revient toujours ! » Bien sûr qu'elle le connaissait. Mieux que quiconque. Ils étaient les deux pièces d'un tout maintenant, ils arrivaient même parfois à savoir ce que l'autre pensait. « Il faut que tu te calmes, Hope... » Lui souffla son frère en récupérant son neveu. De son autre main, il tenait la petite paume d'une Emily blanche d'angoisse.

Sauf que ne pas s'en faire pour lui, c'était au-dessus de ses forces. Et l'idée qu'il puisse un jour n'être qu'un souvenir, ça la mettait en boule. Christina qui les avait averti de la situation dehors, de la mort d'Edwin, de l'état de Lilou, ne faisant que redoubler le poids de l'angoisse sur les frêles épaules de la mère de famille Elle pouvait voir le teint blême de la jeune femme, alors qu'elle s'imaginait parfaitement vivre le même sort que la blonde.

Et puis... Elles ne se connaissaient toutes que peu, en définitive. Depuis qu'ils étaient arrivés à Evergreen, voilà bien deux grosses semaines, Hope n'avait pu parler à Lilou que pour la rassurer sur sa grossesse, tenter de la soutenir. Et Christina, c'était à peine si elles s'étaient adressées une dizaine de mots depuis le temps. Elles étaient un peu comme des inconnues. Et le contact avec cette femme lui donnait l'impression de la brûler intimement. Hope aurait pu lui en vouloir, se mettre très en colère.

Elle s'y apprêta tout du moins, lançant à l'hôtesse de l'air un regard sombre avant que finalement la silhouette de son mari n'apparaisse enfin dans le groupe. « Josh ! » Sans en dire plus, elle bouscula Christina, relâchée par Kate, elle n'y tint plus et se précipita dans les bras de son homme. Elle le serra, fort, très fort, elle remarqua le sang, la grimace de douleur durant son étreinte. « Tu es blessé ?! Ça va ?! » S'enquit-elle ensuite d'une voix qui ressemblait plus à un glapissement.

Parce qu'elle ne savait pas ce que Josh venait de faire, ni de traverser. Peu importait en fait ! Dans sa tête, son mari ne faisait que le nécessaire. Il DEVAIT agir.

« Ouais, va y. » Lança-t-il dans un murmure à sa petite sœur pour l'encourager. Lilou aurait besoin de soutien, et il n'y avait pas mieux que Quinn pour la comprendre maintenant. Le souvenir de l'étudiant qui les avait accompagné durant des mois dehors se rappela à lui. Et avec ça, un poids immense sur ses épaules, une culpabilité folle. Il ne l'avait pas sauvé, lui non plus. Il s'en voulait parfois de ne penser qu'à Quinn dans ce genre de moment, de ne voir que sa sœur et sa survie. Et puis, ensuite, il se forçait à penser que c'était pour son bien, qu'ils DEVAIENT vivre tous les deux, que c'était de sa responsabilité qu'elle aille bien.

Mais « aller bien », c'était une drôle d'expression par les temps qui courraient. Plus rien n'allait, depuis des mois, depuis plus d'un an. Le pire dans tout ça, c'était que les semaines passaient incroyablement vite, et en un clignement d'oeil, les voilà transporté des mois plus tard encore. Connor en était amer. Au fond de lui, quelque chose couvait, une aigreur qui le rongeait de l'intérieur et qui l'obligeait à songer que s'attacher aux autres, c'était du suicide. Edwin en était l'exemple. Et ce con s'était fait avoir.

Il laissait derrière lui une future maman anéantie par sa mort. Connor lui en voulait. Il était partagé, en fait. Parce qu'il s'était fait avoir par deux monstres inhumains, et c'était pas de sa faute, ça. Sauf que si. Il s'était fait avoir. Il l'avait pas vu, et c'était bien ça le problème. Quand avait-il pu baisser sa garde ? C'était quoi son excuse pour être mort ? S'adossant à un rayonnage, le visage du grand blond se ferma, alors qu'il croisa les bras contre son buste en sondant toutes les personnes qu'il pouvait voir là.

Des visages inquiets, tristes, soucieux, aussi fermés que le sien. Il n'avait quasiment rien dit depuis tout ce temps. Le froid lui mordait la peau, mais il n'en fit pas cas tant il se sentait désorienté et également extrêmement conscient. « Et maintenant, on fait quoi ? » Demanda-t-il à l'assemblée sans avoir de réponse lui-même à proposer. Il faisait nuit. Ils avaient un mort à pleurer. Un choc à assimiler. Mais Connor n'en pouvait plus, et s'il pouvait paraître sans cœur sur le coup, il n'avait pas moins conscience du fait qu'un mort, c'était trop. Si d'autres venaient à mourir, alors ça ne serait pas un accident. Ça serait de la stupidité.

La voix de Jeff la ramena à la réalité. Oui bien sûr, il fallait continuer de vérifier les allées, rien n'indiquer pour l'instant que tous les agresseurs avaient été mis hors d'état de nuire, et personne ne souhaitait essuyer une nouvelle perte. Elle se racla doucement la gorge «Attend moi une minute. » lui dit-elle en se dirigeant vers la petite Victoria. Elle s'abaissa à sa hauteur, et lui offrit un sourire bienveillant, avant de laisser la lanière de son sac glisser le long de son bras et le déposer devant Victoria. Elle l'ouvrit pour dévoiler l'adorable petite tête poilue qui semblait s'être impatientée. La jeune femme n'eut pas besoin de lui écrire quoique ce soit, elle se contenta de déposer un baiser sur le front de la fillette au même instant où elle s'était redressée. Et elle rejoignit Jeff, après avoir ainsi laissé Alpha aux très bons soins de l'enfant.

« Je te suis » murmura-t-elle à l'homme en lui emboîtant le pas. Elena se doutait qu'il n'y avait plus de menace même si personne ne l'avait encore officialisé, mais tout prétexte était bon pour s'éloigner du cadavre de celui qui était mort en montant la garde, mort pour les protéger...

Ils avançaient toujours entre les rayons lorsqu'ils entendirent Blake demander de l'aide pour la fouille d'une pièce. Sans réfléchir Elena s'exécuta et suivit les autres à l'intérieur, son arme toujours dans sa main le long de sa jambe. Aussitôt, ses sens s'étaient mis en alerte, et elle espérait qu'ils n'auraient pas affaire à une nouvelle mauvaise surprise. L'endroit avait des airs de campement improvisé, aussitôt la jeune femme ne put s'empêcher d'imaginer que les hommes qu'ils avaient tué étaient là depuis le début, qu'ils auraient pu empêcher ça s'ils avaient remarqué ce local. Elle n'eut pas vraiment le temps de se laisser envahir par la culpabilité, que son regard s'était attardé un coin de la pièce où ils avaient entreposé quelques affaires. Elle attrapa du bout des doigts un paquet de nouilles. De toute évidence, ils n'en auraient plus besoin. Son groupe si. C'était une bien maigre consolation pensa la grecque qui finit par sortir définitivement de cette pièce de malheur. Elle était répugnée à l'idée d'être là où ces monstres avaient comploté.