Il y avait d'un seul coup un contraste énorme entre l'agitation qui se jouait près du pont et l'immobilité de la plupart de ceux plus en arrière, dont je faisais parti. Comme si le temps s'était arrêté, partiellement. Les mots que Tamara adressait à Giulia me parvenaient faiblement mais suffisamment pour que j'en perçoive le principal. Elle n'y allait pas de main morte. Certes, beaucoup de monde était excédé par le couple, mais il ne servait à rien de traiter cette pauvre femme de la sorte et Christina, qui était très proche de Giulia, n'avait pas tardé à se diriger vers le lieu de l'accident pour soutenir son amie. Si imaginer la peine que devait ressentir l'italienne ne me laissait pas indifférent, l'inquiétude de mon épouse la concernant me serra bien plus le cœur. Un tel accident aurait pu arriver à la plupart d'entre nous, nous n'étions plus à l'abri de rien dans ce monde hostile, mais nous avions tous su rester prudents ; presque tous.

    Soupirant une nouvelle fois, je remarquais vaguement Ludwig se retourner un peu plus en avant, ne percevant pas réellement ses mots bien trop faibles qui arrivaient jusqu'à mes oreilles comme un bourdonnement un peu incompréhensible. J'eus à peine le temps de sentir sa main sur mon bras qu'il était déjà allongé au sol, inconscient, le nez dans la neige. Me détournant immédiatement du drame plus en avant, je m'abaissais vers le libraire, un peu paniqué et inquiet.

« Bruce aide moi ! »

    Il fallait l'emmener dans le camion, en lieu sûr et surtout au sec, là où il ne risquait pas l'hypothermie. Passant mes mains sous ses bras, j'attendais que mon cadet attrape ses jambes et m'aide à le porter. Rapidement nous avions pris le chemin du camion encore en marche tandis que Nara s'était déjà précipitée plus en avant pour préparer une couverture sur lequel allonger Ludwig. Une fois arrivés, nous avions déposé le libraire doucement à l'arrière du véhicule, le calant sur le côté pour qu'il ne risque pas de s'étouffer. Levant les yeux vers la jeune femme, je lançais d'une voix calme bien qu'un peu impuissante.

« Tu peux aller trouver Quinn, Nara ? »

    Probablement que ce n'était pas grand chose, une simple baisse de tension suite à un trop plein d'émotion et le manque de sommeil accumulé, mais mieux valait être prudent.

En ce moment précis plus rien n’avait vraiment d’importance, pourquoi est-ce que j’étais en train de m’en pauvre à cette femme, je n’en avais aucune idée, mais j’avais ce petit sourire satisfait de la femme qui en c’était soulagé d’un poids. C’était vrai que j’étais bien plus empathique en temps normal, mais avec lui, c’était juste impossible. J’avais essayé de me montrer gentil et aimable, mais pas plus de cinq minutes par jour quoi. Je savais très bien que quelqu’un finirait par intervenir, mais j’aurais sans doute pensé que cela arriverait plus vite. Je regardais la brune devant moi avec un regard mauvais, bien elle voulait jouer à qui gueuler le plus fort, pourquoi pas, mais il ne fallait pas oublier que j’avais du sang brésilien dans les veines.

- Crois-moi, du respect j’en avais pour lui, mais pas pour elle la !

Je jetais un regard dédaigneux à Guilia pour bien lui faire comprendre que oui, c’était d’elle que je parlais. Avant d’ajouter en regardant l’une et l’autre des deux femmes. J’étais prête à assumer mes mots, mais je savais que j’avais raison et que je n’inventer rien.

- Justin m’a regardé dans les yeux en me disant qu’il ne l’aimait pas, mais qu’elle était pratique. Il ne voulait pas venir en ravitaillement avec moi parce qu’elle l’en empêchait. Si ça se trouve s’il faisait le con au bord du pont c’était à cause de cette cruche.

Mon venin était sorti, j’étais contente, mais j’avais également vu le regard de Kassandra. Je compris que j’avais sans doute dépassé les limites et je choisis donc de partir. J’en avais déjà trop dit, trop fait. Mais j’étais comme ça, du genre agir en premier réfléchir ensuite. Je voyais bien que dans la voiture d’où je venais ma petite Elie s’était réveillé et avait besoin de moi. Je ne resterais donc pas dehors plus longtemps.

Non, vraiment, Joshua n'arrivait pas à comprendre. Comment c'était possible que le sort s'acharne AUTANT sur un si petit groupe de personne ? Voilà qu'un des camions avait rendu l'âme, manquant de réduire encore leurs effectifs, les forcant à transbahuter la cargaison et les passagers en les dispatchant dans les autres véhicules, leur faisant perdre encore, et encore plus de temps.

Et maintenant, c'était les cris et les larmes d'une petite demoiselle qui les alertait. Son mec avait visiblement glissé du pont, et avait péri dans les eaux gelées. Il ne les connaissait pas plus que ça, et ce n'était pas vraiment le truc qui lui apportait le plus d'émotions aujourd'hui, mais une vie était une vie, et il effectua une petite prière intérieure pour le repos de son âme. Pour lui ça ne servait absolument à rien de s'énerver comme Tamara le faisait, c'était même contre-productif. Mais si Hope le lui spécifia, Joshua lui ne dit rien, se contentant de glisser un bras autour de la taille de son épouse avant de repartir vaquer à ses occupations.

- On va pas tarder à repartir non ? Demanda-t-il à Arthur.