Alors que tout le monde commençait à s'installer, Blake réalisa que sa nuit, à elle, n'était pas prête de commencer.  Debout, une main sur la hanche, l'autre plaquée sur sa bouche, Blake réfléchissait en observant les petits groupes qui se formaient, éclairés par les lampes torches ou les bougies. Finalement, ce fut Arthur qui alla la voir en premier. Il n'y avait pas de nourriture. Blake resta indifférente. A force d'entendre toujours la même chose elle n'éprouvait plus aucune déception. C'était ainsi, ils devraient se partager quelques conserves demain matin. Pas assez pour tout le groupe c'était certain. D'un hochement de tête, elle remercia Arthur. « Va retrouver Isabel. Ce n'est pas forcément rassurant comme endroit. » Et elle suivit son ami des yeux en le voyant rejoindre les siens. Blake elle, n'avait personne à rejoindre. John s'installerait quelque part. Sans doute pas très loin de Lucy. Quant à elle, la Lieutenant prévoyait d'aller s'installer non loin des portes.

Mais ce fut au tour de Jefferson de venir jusqu'à elle. L'air préoccupée, elle lui adressa finalement un léger sourire pour le remercier de se porter volontaire. « Tu feras celle sur le petit matin, jusqu'à ce qu'on soit tous debout. » Puis, comme Arthur, Blake le regarda rejoindre les autres. Il fallait qu'elle s'active pour installer ses affaires elle aussi. Doucement, elle passa entre les survivants et récupéra son sac, Khan toujours collé à sa jambe. Accroupie pour retirer les sangles du sac militaire, Blake leva la tête en entendant la voix de Lilou. La situation amusa l'ancienne militaire. Sur l'instant, elle se souvint de sa propre grossesse et de ses voyages incessants aux toilettes, de jour comme de nuit. Un large sourire sur les lèvres, elle acquiesça à la demande de la future mère. « Viens. » Dit elle doucement en ouvrant la marche vers les toilettes. Évidemment, Lilou ne pouvait pas y aller toute seule. Déjà, le manque de lumière l'aurait cruellement handicapé et deuxièmement, il était hors de question que quelqu'un aille s'isoler.

Lilou enfermée dans les toilettes, Blake tenant la lampe torche vers le plafond pour éclairer la pièce, elle inspira longuement lorsqu'elle lui confia que le chalet lui manquait. « Quand nous serons arrivés, tu ne regretteras pas le chalet, fais moi confiance. » Et Blake eut un léger rire. « Je sais que la route est pénible et qu'on a vraiment pas choisi le meilleur moment mais.. » Elle coupa sa phrase au moment où Lilou s'extirpa des toilettes. « Tu verras. Là-bas c'est l'endroit idéal pour elle. » Blake haussa une épaule. « Ou lui ! » D'un geste de main elle invita Lilou à passer la première et, une fois de retour dans le magasin, elle lui adressa un dernier sourire en guise de bonne nuit.

« Khan. » Appela la blonde. En temps normal, quelques secondes auraient suffit pour que le chien apparaisse et revienne s'installer à sa place. C'est à dire à côté de sa maîtresse. Mais rien. Les sourcils froncés, elle appela une nouvelle fois. « KHAN. ICI. » Mais toujours rien. Lampe torche à la main, elle s'avança d'un pas pressé entre les groupes. « KHA.. » Mais elle fut stoppée. Elle l'avait trouvé. La lampe torche dirigée vers le chien qui était en train de jouer, elle releva le faisceau lumineux vers la personne avec qui elle le faisait. En fait, Blake n'aurait même pas eu besoin de le faire. Elle savait très bien avec qui son chien était en train de jouer. Et le rire qu'elle venait d'entendre appartenait bel et bien au père de sa fille.

Une fois que la route fut déblayée, le convoi put reprendre la route. Ethan perdit rapidement la notion du temps, alors qu'il conduisait toujours le véhicule en queue de file, mais il était certain que de longues heures s'étaient écoulées. La nuit était tombée depuis longtemps. Le tableau de bord à affichage digital annonçait environ 23h lorsqu'ils s'arrêtèrent tous sur le parking d'un supermarché désaffecté. Alors que sa famille attendait à l'intérieur, l'agent fédéral sortit, et fut bientôt envoyé par Blake pour accompagner Arthur et d'autres hommes pour faire le tour du bâtiment et s'assurer que les lieux étaient sûrs. Mine de rien, le Walmart était impressionnant avec la seule lueur des torches, mais le verdict tomba rapidement : tout allait bien.
Dès lors, tout le monde entreprit d'aller se trouver un coin à l'abri du froid pour passer la nuit. Le jeune homme aida sa famille à sortir et à emmener le nécessaire pour la nuit, tout en protégeant Owen et Nolan du froid mordant. Tout ce petit monde se trouva rapidement un espace non loin de là où Tam, Lilou, Ludwig et d'autres avaient élu domicile. Ethan soupçonnait sa femme de garder un œil de près sur la jeune maman. Cela lui ressemblait bien, avec son cœur en or... Alors que tout le monde mettait en ordre les couvertures et vêtements chauds pour passer la nuit, lui-même partit déambuler dans les rayons en compagnie de Strife et Gaia. Juste pour être certain que tout allait bien, et qu'il n'y avait rien d'intéressant abandonné par là.

Ses recherches ne lui permirent pas de trouver grand-chose. Il marqua un arrêt devant quelques livres abandonnés dans un rayonnage. Naturellement, il pensa rapidement à Ludwig. Voir un livre, même s'il l'avait déjà lu, lui remonterait le moral. Il plissa les yeux pour essayer de mieux lire le titre inscrit sur la tranche. L'Assassin royal, de Robin Hobb, tomes 1 et 2. Bon, de la fantasy. Est-ce qu'il lisait ce genre de chose ? Ce serait toujours mieux que rien. Il revint vers l'endroit où sa famille était installée, et lorsqu'il passa près d'elle, Brooke le rejoignit. Ils se retrouvèrent bientôt en compagnie de Tam, Ludwig et les autres. L'agent fédéral tendit ses trouvailles au libraire.

« Tiens, je ne sais pas si c'est le genre de truc que tu lis... mais c'est tout ce que j'ai trouvé.

Il était sans doute temps de songer à se trouver une place où dormir, mais il se doutait que le sommeil serait long à venir. Autant rester un peu là. Brooke s'approcha de Tam pendant ce temps, souriant en voyant que la petite Elie avait avec elle l'ourson en peluche donné plus tôt. La jeune femme apportait avec elle une couverture avec un motif de rayures colorées. Une étoffe solide, qui servirait de porte-bébé.

- Tiens Tam, je t'ai trouvé ça dans les affaires qui nous restaient. Je vais te montrer comment la nouer pour en faire un porte-bébé pour ta fille, comme ça tu l'auras contre toi en gardant les mains libres. »

Ethan posa un regard tendre sur sa femme. Il savait que dès qu'elle aurait montré à Tam comment faire, elle prendrait congé et irait s'assurer que leurs fils allaient bien, puis prendre du repos. Lui-même attendrait encore un peu pour ça.

Je souriais à la remarque de Ludwig, c’est vrai que le canard ne semblait pas plus perturbé que ça. Y en avait au moins un qui était content. Je lançais un petit regard en coin à ma fille alors qu’il me demandait comment elle allait. Tout allait bien, elle respirait et ne pleurait pas, ça voulait bien dire ce que ça veut dire non ? En tout cas, moi j’étais heureuse de l’avoir contre moi, c’était ma lumière d’espoir au bout de ce tunnel.

- Elle va bien, ma choupette n’est pas très vivace, mais avec le froid et les circonstances de sa naissance, c’est normal. Surtout que les bébés ne font pas grand-chose encore. Elle dort beaucoup et mange un peu.

Je l’avais allaité un peu avant de quitter la voiture, j’avais la chance de ne pas être dans le camion et de me sentir assez proche de tout le monde dans la voiture dans laquelle j’étais pour me permettre de faire ça. Et puis, je devais l’admettre, je n’avais jamais été pudique, c’était surtout vis-à-vis d’Abel que je m’étais inquiété, mais étant donné qu’il l’avait bien pris, je n’avais rien ajouté. Les constatations de Ludwig concernant l’endroit étaient fondées, mais je n’avais pas envie d’y penser. J’avais envie de croire que la nuit finirait bien et qu’on prendrait notre route à l’aube comme si de rien était.

- On ne va tout de même pas se plaindre ? Si ? En tout cas, je vais continuer de prier, même si je ne crois pas en Dieu.

Moi et Dieu, ça avait toujours été compliqué, mais j’avais une fille en vie et une famille qui m’aimait et que j’aimais en retour, je devais peut-être me dire qu’il était vraiment réel. Mais dans ce cas, pourquoi une apocalypse de mob qui voulait tout le temps nous bouffer ? J’ajoutais alors avec un humour incertain.

- Et avant quiconque ici ne pose la question, non je ne sacrifierais pas ma fille dans un rite sataniste pour nous assurer une bonne nuit.

Beaucoup m’avait longtemps pensée sataniste, j’étais le genre de fille qui écoutait fièrement du Slipknot et ce genre de musique douteuse. Mais je n’étais pas réellement dans ce genre de délire, c’était bien plus de la provocation qu’autre chose. Je rigolais doucement alors que Ethan et Brooke venaient en notre direction, je leur souriais alors que Brooke m’apportait encore un truc.

- Merci beaucoup, Brooke, je serais tellement perdu sans toi.

Je lui souriais alors qu’elle m’aidait à attacher Elie contre moi. Elle était vraiment installée contre ma peau. Il n’y avait entre nous que mon soutien-gorge et les vêtements de la petite. Je la garderais contre moi toute la nuit de toute façon. Une fois le travail accompli Brooke fit demi-tour pour aller s’occuper de ses propres enfants.

Le ronronnement du moteur. Ce fut à peu près le seul son qu’il entendit du trajet. Ça et la lourde respiration de Khan. Leur chien n’avait pas tardé à imiter sa maîtresse et sombrer dans un profond sommeil. John n’avait pas cherché à maintenir Blake éveillée. Elle avait besoin de repos, il le savait. Lui aussi. S’il n’avait pas été derrière le volant, piquer une bonne petite sieste aurait été une idée des plus tentantes. De toute façon, pour les conversations passionnantes qu’ils avaient, ça ne servait strictement à rien qu’elle soit debout. L’une des deux parties assoupies, la tension dans l’habitacle était par conséquent moindre. Attentif à la route, Callaghan jeta toutefois quelques regards en direction de la blonde sans raisons particulières. Chance pour eux, le trajet fut calme et il n’eut à la réveiller qu’une fois proche de leur halte. À peu plus d’un an plus tôt, connaissant son épouse sur le bout des doigts, il aurait parfaitement su comment le faire. À présent... John n’était plus vraiment sûr de la marche à suivre. Hésitant, il tenta de l’appeler une première fois, la voix presque douce. Trop certainement puisque le sommeil de la blonde resta imperturbable. Posant une main sur son épaule, il l’avait alors secouée légèrement, réitérant son appel de manière un peu plus audible pour la tirer du royaume de Morphée. Les yeux de sa femme finalement ouverts, sa main avait rapidement retrouvé le levier de vitesse.

John fut probablement l’un des derniers à rentrer dans le supermarché qui leur servirait de gîte pour la nuit. Dommage qu’ils n’aient pas le couvert pour aller avec. Avant de pénétrer dans l’enceinte du bâtiment, il avait traîné du pas volontairement afin de s’assurer que, s’il venait à geler, ni le camion militaire ni leurs autres véhicules ne seraient endommagés. Le froid glacial qui régnait alors à l’extérieur était à peine plus supportable une fois dedans. Guidé par les voix des habitants du chalet, John avait remonté l’allée centrale de la grande surface jusqu’à finalement rejoindre le groupe. Sans même chercher à savoir qui allait où, le militaire, son paquetage sur le dos, s’éloigna pour se mettre, seul, dans un coin à lui. Pat, pat, pat. Le bruits de griffes de Khan sur le parquet du magasin ne tarda pas à se faire entendre derrière lui. Posant son sac au sol, John déballa son couchage et se posa dessus sans pour autant rentrer à l’intérieur. Entre le déblayage de la route et la conduite, il était exténué. Mollement, Khan vint s’allonger à côté de lui et posa sa tête sur ses jambes. Il avait le regard triste que les chiens ont lorsque leur maître est triste. Empathique, depuis la perte de CC, le malinois avait souvent eu ce regard en présence de John. Ce soir, ça ne lui plaisait pas de le voir ainsi. Taquin, le brun commença à l’embêter et l’embêtement vira rapidement au jeu. Un son étrange s’échappa de sa gorge lorsque Khan vint coller son museau un peu trop près de son visage. Un rire. John Callaghan venait de rire. Cela faisait plus d’une année que ce dernier ne s’était pas manifesté. Littéralement, un an, un mois et cinq jours. Le sourire qu’il avait sur les lèvres s’effaça lentement lorsque le sergent releva les yeux en direction de Blake.

- Tu veux le récupérer ? demanda l’homme à sa femme, caressant dans le même temps la tête de leur chien.

Même si elle savait que l'animal allait régulièrement voir John, Blake se retrouva bien bête les voyant jouer. Mais ce fut surtout le rire de son ex-mari qui lui procura une drôle de sensation. Depuis combien de temps ne l'avait elle pas entendu rire ? Depuis la mort de CC. A ce moment là John s'était éteint et n'avait plus affiché un seul sourire. A les voir ainsi, Blake eut l'impression de voyager dans le temps et de revenir à l'époque où ils étaient encore chez eux, dans leur maison. Khan était fou dès que John rentrait du travail. Le jeu auquel il s'adonnait avec son maître était exactement le même qu'à cette époque. Une époque révolue, partie en cendre dont il n'existait absolument plus rien.

La lampe toujours pointée vers lui, Blake resta immobile et ne répondit rien à sa question. Elle ne savait pas si elle avait envie de le récupérer. Après tout, Khan était venu de lui même. Il n'avait pas répondu à ses ordres, bien décidé à rester auprès de John. « Non. » Dit elle d'une voix bien plus faible qu'elle n'imaginait. Directement, elle dirigea sa lampe dans une toute autre direction. Parler à John dans le noir serait bien plus facile. « Il peut rester avec toi. » Elle n'avait plus rien à dire. Même ses recommandations pour couvrir le chien, Blake préféra les garder pour elle.

Tournant sur elle même, Blake alla s'installer non loin d'eux, sur un caddie retourné qui lui servait désormais de chaise. Assise en tailleur, elle baissa lentement le bras pour récupérer une couverture et s'enveloppa à l'intérieur. Installée là, elle pouvait surveiller l'ensemble des survivants. Une fois que tous seraient couchés, elle irait faire de même, en attendant, elle gardait les yeux rivés vers John et Khan qui, sans qu'elle puisse déterminer exactement ce qu'ils faisaient, bougeaient tous les deux dans le noir. Allait-il rejoindre Lucy ? Non. Pas tant qu'il savait Blake réveillée. Dommage pour lui, elle n'avait pas prévu de se coucher de suite.