Nous avions finalement terminé de dégager le pont avant que la nuit ne tombe, reprenant chacun nos places respectives dans les véhicules. Après m'être assuré que tout le monde était à l'arrière de mon camion, je m'étais remis en route, suivant à nouveau le convoi. Il n'y eut aucune autre embûche sur la route, à croire que nous n'avions rien manqué, et le reste du trajet s'était déroulé sans encombre jusqu'à ce que nous arrivions à ce Walmart alors que la nuit était déjà tombée.

    Rapidement, nous nous étions établis en deux équipes, une menée par Arthur qui s'occupait de trouver un moyen d'entrer dans le bâtiment, et une qui se chargeait de faire le tour pour s'assurer qu'aucun danger n'était trop proche. Descendant du camion, grimaçant à nouveau en sentant le froid agressif s'immiscer jusqu'à mes os, j'en fis le tour pour me rendre à l'arrière, signifiant à Christina que j'allais faire le tour du bâtiment avec Blake, qu'elle pouvait rester là en attendant que tout soit sûr. Si toutefois ça pouvait réellement l'être ; loin de moi l'idée de la penser incapable d'aider, mais nous étions tous tellement éreintés qu'user des forces de chacun n'était pas nécessaire quand on pouvait le faire à moins.

    Un temps après, nous étions enfin entrés dans le Walmart, calme pour l'instant. Probablement que passer la nuit ici serait probablement mieux que les précédentes. Une seule entrée praticable ; en montant des tours de garde, peut-être que nous pourrions enfin récupérer un peu de sommeil et être en forme pour la longue route qui nous attendait encore. J'avais opté pour installer notre couverture vers l'avant du groupe, au cas où il faudrait réagir vite, restant néanmoins plus proche que Christina. Nous n'avions qu'une couverture pour deux ; elle aurait pu être suffisamment grande, mais non. Tirant doucement sur le bout de tissu, je l'avais passé autour des épaules de mon épouse, lui adressant un de ces regards protecteurs que j'avais à son égard. Malgré les silences, l'amertume et l'incompréhension, elle n'en restait pas moins une part de moi, une part sans laquelle je ne serais plus rien.

    Jetant un œil aux autres d'un air distrait, j'avais remercié Jeff quand il déposa une bougie devant nous, la poussant tout de même un peu du bout des doigts pour ne pas risquer de nous enflammer ; un accident pouvait être bien trop vite arrivé, surtout quand les nuits étaient agitées. Un rire un peu plus loin me fit relever la tête, surpris ; j'aperçus John, puis Blake un peu plus loin, avant que cette dernière ne s'installe finalement sur un caddie. Chacun prenait sa place, petit à petit, essayant tant bien que mal de se rassurer sur l'avenir, sur maintenant.

Je ne m’attendais pas du tout à ça. J’avais parfaitement compris ce qui l’avait poussé à agir de la sorte. Après tout, il s’inquiétait, on s’inquiétait tous de notre avenir. J’avais compris qu’il m’engueule, j’avais compris que j’avais légèrement joué à la conne et que je n’étais pas encore psychologiquement prête à affronter l’extérieur. Ce n’est pas parce que j’avais été fragilisé par tout ça que j’en voulais à Arthur loin de là. Il m’avait fait grandir et c’est Abel qui avait continué le travail résultat ma seule réponse avait été de lui sourire avant d’ajouter avec un brin d’humour.

- Ne t’en fais pas, il en faut plus pour abattre les aventuriers.

Je lui souriais bêtement à mon tour. Il n’y avait pas d’amertume, j’avais un vrai sourire sur le visage, tout le monde était au bout du rouleau, épuisé et pourtant je sourirais parce qu’il n’avait rien d’autre à faire. Comme tout le monde, j’avais faim et pourtant je ne me laisser pas abattre, c’était dans ma nature après tout. Abel avait fini de parler avec Victoria, elle avait besoin de repos aussi, j’avais préféré ne pas lire, j’étais trop concentré sur le reste, Ethan, Ludwig et Jeffrey qui était encore plus ou moins dans les parages. Je ne m’attendais pas à l’énervement d’Abel, mais je pouvais le comprendre, il était épuisé surtout qu’il avait servis de copilote à Arthur sur le chemin.

- Je ne sais pas, enfin je sais plus…

J’avais préféré ne pas lui répondre, je n’avais pas envie qu’il passe ses nerfs sur qui que ce soit alors qu’il était temps de se reposer, moi-même je n’avais pas envie de subir ça et encore moins de me retrouver entre deux feux. Je comprenais bien tout ce qui se passait dans sa tête et je savais qu’il avait toujours tendance à imaginer le pire dans les moindres circonstances. La deuxième remarque était sans doute moins sèche et je pouvais y entendre tout l’amour qu’il éprouvait pour notre enfant. Je lui souriais alors avec amour avant de lui serait doucement la main avant de répondre.

- Ne t’en fais pas, c’est Brooke qui m’a aidé, elle sait ce qu’elle fait. De toute façon, il faut que je garde Élie contre moi, j’aurais trop peur qu’elle n’arrive pas à affronter la température toute seule.

C’était viscéral, j’avais vraiment peur que la nuit soit trop froide pour elle, moi-même j’avais froid, nous avions tous froid. Je faisais tout mon possible pour que ma petite choupette n'ait pas à pâtir de la situation. C'était pour ainsi dire mission impossible.

- Je resterais éveillé toute la nuit s’il le faut…

Ma voix était parfaitement claire et précise. Il n’arriverait rien à ma fille tant que j’aurais encore la force d’ouvrir les yeux.