Au réveil, Christina se sentait toujours aussi déphasée. Partagée entre le soulagement d'être arrivée jusqu'ici et d'avoir pu se poser pour la nuit, et la peine de ces récents  deuils si difficiles à assimiler. Néanmoins, elle n'avait toujours pas pleuré. Aux côté d'Alan toute la nuit, elle n'avait pas non plus discuté. Elle avait tellement de chose à lui dire pourtant, mais la proximité des autres se faisaient trop pesante...

La femme se montra donc motivée lorsque Blake assigna les différentes répartitions pour qu'ils continuent de nettoyer la zone. Elle regarda son mari partir s'exposer au danger avec John, tandis qu'elle attendait que Marcus, Jake et David en fasse de même à ses côtés.

- Soyez prudents, leur souffla-t-elle.

Quand le job fut terminé, en compagnie de Quinn, Lilou et Jeff, ils se chargèrent de fouiller les lieux. Leur mission ? Trouver du comestible si possible. Le petit groupe se sépara de nouveau, s'assignant deux par deux les maisons vidées de leurs occupants. La femme pénétra juste avant le l'homme. La maison était plutôt en bonne état.

- Oui, ça fera du bien d'avoir l'impression d'avoir enfin un chez-nous, répondit-elle à Jefferson depuis la salle à manger où elle ouvrait les tiroirs du buffet. Ils s'étaient tous appropriés le chalet, mais c'était encore différent à l'époque. Ils avaient l'impression de résider dans un centre de vacances. Elle continua sa recherche et posa ses yeux sur une photo encadrée posée sur un meuble. On y voyait deux adolescents souriants. Pendant un court instant, l'ancienne hôtesse de l'air bloqua sur l'image et ce fut Jeff qui la sortit de ses pensées. Oui, oui..

Comme elle ne trouvait rien ici, elle le rejoignit dans l'arrière cuisine. Elle le félicita de sa trouvaille et lui but également quelques gorgées d'eau. Le garçon était de bonne humeur, ce qui aurait presque fait Christy oublier les événements de la veille. Presque. Elle ne put s'empêcher de le lui faire remarquer.

- Où est-ce que tu trouves tout cet entrain ? Lui demanda-t-elle, tout en l’entraînant dans la cuisine de la maison. C'était bien là la pièce où ils avaient le plus de chance de trouver leur bonheur. Elle ouvrit quelques portes de placard. Un vide. Un second également. Enfin presque. En se mettant sur la pointe des pieds, elle réussit à attraper une vieille conserve. Des tomates pelées ! S'exclama-t-elle en dévoilant sa trouvaille. Ce fut alors que Jeff lui posa une question à laquelle elle était bien incapable de répondre. Elle fit un sourire un peu triste. Je ne sais même pas répondre à ça... L'apocalypse avait brisé même jusqu'à leurs rêves. Si tu me demandes ça, c'est que toi tu as une idée par contre... Elle haussa un sourcil, attendant la réponse de son acolyte.

La rage au ventre en plus de la tristesse, la militaire avait pris la direction de la maison qu'elle devait fouiller avec Elena. La grecque dans son dos, Blake s'adressa à elle une fois arrivée devant les quelques marches qui donnaient sur le perron. S'apaisant un peu en regardant le visage de celle avec qui Blake aimait bien partir en expédition, elle releva ses manches et leva les bras dans les airs pour attacher sa longue chevelure blonde en une queue de cheval haute. D'une poche de sa veste en cuir, elle récupéra ses gants. « J'entre la première. » Dit elle d'un ton dénué d'autorité. Elles procédaient la plupart du temps ainsi. « Cette fois, on tape pas à la porte. S'ils sont  dix à l'intérieur, on va encore se retrouver avec des rôdeurs dans la rue. » Comme toujours, Blake énonçait le plan à suivre. « On rentre, le plus discrètement possible et on élimine ce qu'on y trouve. » D'un hochement de tête, elle fit signe à Elena qu'il était temps d'y aller.

Deux par deux, Blake monta les marches et s'approcha de la porte d'entrée. Fermée. La mâchoire légèrement crispée par cette embûche, elle se dirigea rapidement vers la première fenêtre qui donnait dans la cuisine. D'un coup sec, elle réussit à la soulever suffisamment pour qu'elle et sa partenaire puisse passer. Un court instant, Blake fut heureuse de faire équipe avec Elena plutôt qu'Arthur. Lui, il ne serait pas passé par une si petite ouverture. Une fois à l'intérieur, son couteau bien en main, la Lieutenant progressa d'un pas feutré jusqu'au salon. Deux rôdeurs se trouvaient là. Ils ne remarquèrent leur présence qu'une fois arrivées dans l'ouverture de la pièce.

Sans dire un mot – puisqu'il n'y avait pas besoin – Blake s'élança vers celui qui était le plus proche d'elle. Le faisant tomber au sol, elle l’enjamba pour le surplomber. Elle n'eut qu'à se baisser pour planter sa lame dans le crâne mou du cadavre. Une fois terminé, elle se tourna vers Elena. « On continue. » Lui murmura elle.

Elena !:

Si tous n’avaient pas réussi à trouver le sommeil, John, lui, faisait partie de ceux qui avaient pu fermer l’œil. Il avait même dormi comme une loir. Oh pour sûr, il y en aurait qui parviendraient encore à trouver à redire mais... Pour une fois que c’était lui qui s’endormait calmement pouvait-on vraiment le blâmer ? Cette douleur de perdre un être cher, le plus précieux qu’il soit, celle qui vous garde les yeux grands ouverts à fixer le plafond, Callaghan l’avait déjà ressentie. Il avait eu la sienne. Il n’allait pas pleurer pour ceux qui la découvraient. À dire vrai, quand bien même la mort de Abel, Nara et les autres l’auraient affecté, il se serait tout de même endormi comme un bébé. Il était fatigué, bien trop fatigué pour se permettre en plus de passer une nuit blanche. Et ce fut avec une maigre impression de force un temps soit peu récupérée qu’il se réveilla en même temps que ceux choisis pour nettoyer les maisons restantes.

Restant presque muet comme à son habitude, il n’avait adressé la parole à personne alors qu’il se préparait, une fois de plus, à affronter ce qui risquait de les attendre dans les autres maisons. Visiblement, ça collait de toute façon à l’ambiance. Ce fut donc silencieusement que le sergent de première classe passa l’étui de son couteau à sa ceinture. Silencieusement, qu’il accrocha le holster de son M1911a1 à sa cuisse. Silencieusement, qu’il enfila son épaisse veste noire pour se protéger de la fraîcheur matinale. Silencieusement qu’il écouta son épouse adresser aux autres quelques mots qui, lui, ne l’atteignirent pas plus que ça. Pas que le nuage de fumée qui s’échappait de sa propre bouche quand il respirait était plus intéressant, non. C’était juste qu’il ne se sentait pas concerné. Ces mots-là étaient pour les personnes ayant perdu des proches. Tamara, Alan, Lilou... Pas pour lui. John n’avait aucune larme à verser pour ceux morts au cours de leur périple. Il n’avait pas besoin d’être ragaillardi par quelques paroles pour faire ce qu’on attendait de lui.

Lorsque sa femme donna le go, le trentenaire avait profité de franchir les quelques pas qui le séparaient d’Alan et des autres pour dégainer son couteau. Au moins, il allait faire équipe avec des personnes qu’il appréciait. C’était déjà ça de pris. Fermant la marche alors qu’ils se rendaient vers la maison que sa femme leur avait attribué, John se fit appeler. Il s’était retourné, instinctivement, en entendant son prénom, sans prêter attention à la voix qui l’alpaguait. Callaghan tourna la tête en direction du son une seconde. Lucy. La suivante, il la tournait dans l’autre. Du coin de l’œil, il vit Blake tourner les talons, le pas fulminant. Il n’eut pas à chercher bien loin pour comprendre. S’il avait été calme jusqu’à présent, sa colère prit immédiatement le dessus.

- Get lost, will you ? lâcha le militaire à la brune, le ton de sa voix trahissant des envies de meurtres, avant de s’éloigner pour rejoindre Alan, Samuel et James.

Non, il ne fuyait pas. Ce qu’elle avait à dire ne l’intéressait juste pas et ne l’avait jamais réellement intéressé au final. Sans doute trinquait-elle encore pour quelque chose dont elle n’était qu’en partie responsable mais... Pour le coup, ça n’était pas vraiment son problème. Si sa relation avec Blake s’était très légèrement améliorée pendant leur exode, voilà qu’elle venait de les ramener à la case départ. Callaghan bouillonnait de rage lorsqu’il arriva à quelques pas de la porte.

- C’est fermé, annonça Samuel. Profitant de son élan, John leva le pied, collant presque son genou contre sa poitrine, avant d’envoyer un puissant coup à quelques centimètres de la poignée. La porte s’ouvrit dans un grand fracas. Pour la discrétion, ils devraient repasser.
- C’est ouvert, répliqua l’homme. Il regarda un instant Alan. Quoi ? On aura pas besoin de serrure de toute façon quand on sera tous installés, non ?

La journée commençait bien.