Sept mois pour une grossesse… Je n’avais pas du tout prévu qu’il prononce cette phrase. Je n’y avais même pas pensé quelques secondes. Je portais une main sur mon ventre comme par habitude. Oui… Elie… Je l’avais gardé dans mon ventre pendant sept mois, presque huit, mais sept tout de même. Ce chiffre avait tellement de signification pour moi que c’en était presque affolant. Je restais abasourdi, immobile dans cette pièce sans doute presque abattue par ce qu’il venait de dire. Est-ce que cela voulait dire que j’avais passé sept mois à vivre avec Abel ? J’avais pensé plus, huit ou neuf peut-être. Je ne voulais pas croire qu’on me l'ai arraché plu tôt.

Si Ludwig avait parlé plus, je ne l’avais pas entendu, mais ce n’était pas si grave. Je savais que pour beaucoup, je serais lunatique pour les prochains jours, non pas que je voulais en jouer, mais c’était simplement la réalité. Il y avait moi, mes filles et le reste du monde. Je n’étais pas prête à parler de tout ça, échanger des banalités semblait bien plus à ma portée en ce moment et c’était justement pour ça que j’étais venue discuter avec lui. Dans le fond, je redoutais que quelqu’un me pose la question : "Comment tu vas ?" Qu’est-ce que j’aurais bien pu y répondre ? Mal ? Je viens de perdre le premier homme que j’avais aimé depuis qu’un con m’a brisé le cœur comment voulait-il que j’aille ? Je n’allais pas me mettre à danser sur une table. Visiblement, Ludwig n’était pas con et avait bien compris que ce n’était pas le pied dans ma tête.

- Je n’avais pas réalisé que j’avais porté Elie que si peu de temps… Je suis aussi sur le sol américain depuis sept ans.

Banalité bonjour! Je réalisais alors que mes secrets à Dante et moi étaient à présent bien gardés, j’avais tout dit à Abel, sans concession et maintenant, il n’était plus. Je n’en parlerais sans doute plus à personne, jamais. Mes doigts se firent un peu plus maladroits alors que je fouillais le haut de l’étagère. La boite de conserve que je venais de trouver m’échapper alors de mes mains pour atterrir sur mon pied.

- Putain de merde !

J’avais toujours les banquettes que j’avais empruntées à Abel trop grand pour moi et je me rendais compte qu’elle n’était pas du genre à absorber ce genre de choc. Je ramassais l’objet avant de le poser sur le plan de travail. Avant de me poser sur une chaise juste à côté et retirer ma chaussure pour voir l’étendue des dégâts. C’était ça d’avoir la tête en l’air aussi. Visiblement, j’arrivais à bouger mon pied sans souffrir plus, rien ne devait être cassé, mais ça faisait clairement un mal de chien…

    Si la première nuit dans cet endroit aurait dû m’apporter le repos dont j’avais tant besoin, il n’en fut rien. Je m'étais senti partir par moment mais, à chaque fois, je me retrouvais à fixer bêtement le plafond, hanté par tout ce qui était arrivé. De nouveaux deuils bien trop lourds à porter. Nous étions arrivés ici, certes, mais à quel prix ? Nous aurions dû y arriver tous. Malgré tout, je n'avais pas réussis à pleurer, à croire que je n'y parvenais pas même avec toute la peine qui se jouait en moi. Au fond, je n'étais même pas certain d'être réellement heureux d'être ici. Mais il ne fallait pas flancher, parce-qu'il y avait ceux qui croyaient réellement en cet endroit et en ce qu'avait à offrir l'avenir, même si c'était futile comparé à tout ce que nous avions traversé.

    Au matin, j'avais aidé à enterrer le corps désormais sans vie d'Abel, la gorge nouée par tous les souvenirs et les regrets. Un recueillement rapide avant de tous nous retrouver dans la rue, prêts à écouter les mots de Blake. Ce n'était pas terminé en effet ; pour pouvoir prétendre à une certaine sécurité, il nous faudrait nettoyer tout le quartier, et après, seulement après, il nous serait possible d'envisager quoi que ce soit ici. La blonde nous indiqua la composition des groupes, alors que je cherchais du regard John. Le voyant arriver, je hochais la tête aux mots de Christy.

« Sois prudente aussi. »

    Une main rapide serrant un peu son bras et je m'étais éloigné, hache à la main, vers la première maison que nous allions devoir nettoyer, accompagné de Samuel, James, Hope, Kate et rapidement rejoint par John. Soupirant d'agacement en entendant que la porte était fermée, je fronçais les sourcils en voyant John la défoncer purement et simplement d'un coup de pied. Un trop plein de rage à extérioriser ? Qu'importais. Haussant les épaules à ses mots, je m'engouffrais prudemment dans l'entrée.

« C'est un détail en effet. »

    Hope ne semblait cependant pas de cet avis mais nous n'allions pas commencer à tergiverser pour de telles brouilles. Accueilli par un premier Coyote qui avait dû être attiré par le bruit, je lui assenais un coup de hache en plein crâne, le laissant choir au sol sans ménagement. Observant les alentours, je remarquais du coin de l’œil James qui se chargeait d'un autre mort. Faisant alors rapidement mais prudemment le tour du rez-de-chaussée, je me redirigeais vers l'entrée pour signifier aux deux femmes qu'elles pouvaient entrer ; il n'y aurait plus que l'étage, en espérant qu'une dizaine ne soit pas à nouveau coincée quelque part...

« Restez tout de même sur vos gardes. »

    Je doutais du fait que nous ayons manqué un potentiel Coyote caché quelque part, mais mieux valait envisager toutes les possibilités.

Blake avait donné ses ordres. Pour rendre les lieux habitables, il fallait encore nettoyer les maisons restantes. Des équipes avaient été constituées, et Ethan s'était retrouvé à coopérer avec Connor, Joshua, Robert et Daryl. Des hommes capables et efficaces, avec qui il ne craignait pas d'affronter l'inconnu. Il fallait à tout prix éviter que cette journée de nettoyage se termine de la même façon que ce qui s'était produit avec Abel. Rien qu'à ce souvenir, le jeune homme serrait les mâchoires. La perte de ses beaux-parents revenaient comme un écho dans sa tête, et il était encore loin d'être capable de la supporter. Une petite voix insidieuse lui soufflait que tout était de sa faute, qu'il avait manqué à son devoir le plus élémentaire. Il en était malade.
Avant de partir, l'agent fédéral avait hésité à emmener Gaia. De nature moins sauvage que Strife, elle aurait été un bon atout pour dénicher les rôdeurs, sans que le nombre de personnes dans la maison l'embête. Mais il avait renoncé, d'une part parce qu'il craignait qu'un malentendu débouche sur une blessure du berger allemand, et de l'autre parce que les deux chiens étaient un vrai réconfort pour Brooke et ses fils. Du coup, il se contenta de s'équiper de ses armes avant de suivre son groupe.

Lorsqu'ils arrivèrent devant la maison, ils se retrouvèrent naturellement face à une porte close. C'était fréquent, ils s'en rendaient compte durant les ravitaillements, les gens avaient tendance à protéger leur domicile lorsqu'ils le quittaient, en espérant y revenir un jour. Quoi de plus normal ? Et s'ils ne l'avaient pas quitté... Eh bien, ils se protégeaient de ce qui venait du dehors. Plutôt que de défoncer la porte, Connor proposa de chercher un double des clés. Ils passèrent donc les alentours et les décorations au peigne fin, jusqu'à ce que Joshua déniche le précieux doublon. La porte s'ouvrit bientôt en grinçant sur ses gonds. Par habitude, Ethan passa parmi les premiers, se retrouvant à l'intérieur. Il y avait une bonne luminosité, mais cela sentait le renfermé et une légère odeur de viande pourrie. Il progressa lentement dans le hall, couteau à la main, marquant un arrêt à chaque fois que la visibilité devenait mauvaise. Dans une cage, les restes de rongeurs morts de faim offraient un tableau sinistre. Le jeune homme s'arrêta finalement devant une porte derrière laquelle on entendait râler.

« Il y a quelque chose derrière cette porte. »

Prudemment, il mit la main sur la poignée, puis échangea un regard avec les autres. Puisqu'ils étaient prêts... il ouvrit la porte d'un coup. Un rôdeur lui tomba presque dans les bras, mais il se tenait prêt. Il fit un pas en arrière, l'accueillant comme pour l'étreindre, et sa lame trouva sans peine le chemin de sa tempe fragile. Il se débarrassait du cadavre lorsqu'un autre mort-vivant l'attaqua. De petite taille, il s'agissait d'un enfant qui le percuta dans les jambes par surprise, le faisant tomber à terre, la créature grimpant sur lui dans l'espoir de le mordre. Il allait avoir besoin d'un coup de main sur ce coup-là...