Un autre jour, un autre moment, j’aurais couru après Kassandra, mais aujourd’hui je ne pouvais pas, je n’en avais pas la force. Pourquoi ? Simplement parce que je n’en avais pas envie. J’avais cette détresse émotionnelle qui m’en empêchait. Je ne savais même plus comment j’étais. J’étais perdu avec moi-même dans cette pièce. Je venais en quelques secondes de passé de l’hilarité à la colère et maintenant c’était le désarroi et la tristesse.

Je retournais m’assoir sur ma chaise pour remettre ma chaussette et ma chaussure, même si la crème de Ludwig tachait ce n’était pas non plus ultra important c’était qu’une chaussette, j’en trouverais une autre paire et puis elle était déjà trouée de toute façon.

- Merci pour la crème, je n’ai pas pu le faire avant.

Je repensais alors à tout ce qui venait de se dérouler devant mes yeux Kassandra, son départ en colère. Je savais qu’elle était blessée et qu’elle était trop fière pour le montrer. J’étais en train d’y réfléchir alors que je reprenais mes fouilles trouvant une autre boite de conserve que je posais sur le plan travail à côté de l’autre. C’était en train de me ronger de l’intérieur cette histoire. J’essayais de me calmer et de reprendre une respiration régulière, mais j’en étais incapable, c’était en train de me bouffer de l’intérieur. Je commençais alors à crisser à voix haute sans vraiment m’en rendre compte.

- Je viens de m’en prendre à ma meilleure amie. Je vais la perdre c’est ça ? Pourquoi j’ai fait ça ? J’ai déjà perdu Abel, maintenant Kass. Elle va en parler à Dante et il me tournera le dos aussi ? Je vais me retrouver seule. Toute seule au milieu de tous ses couples…

Les larmes coulaient, j’étais vraiment ridicule, je m’étais promis de ne pas pleurer devant les autres et voilà que j’étais en larme. Je fis mine de rien tachant de continuer de chercher, mais je savais qu’il fallait que je trouve un moyen de m’éclipser si je voulais pleurer tranquillement…

    Le bas apparemment vide tout Coyotes, j'étais monté à l'étage avec John et Samuel qui ouvraient la marche, tandis que James était resté en bas, au cas où. Nous nous étions chacun dirigés vers une pièce différente et déjà quelques râles parvenaient à mes oreilles. Il ne devait pas y en avoir tant que cela. Entrant dans la pièce directement à ma droite, je fronçais les sourcils. Pas de mort en vue... et pourtant j'entendais clairement du bruit ; un de ces grattements reconnaissables entre mille, accompagné de grognements qui annonçaient clairement la couleur.

    Je ne mis pas longtemps à remarquer l'armoire dont les poignées avaient été nouées ensemble avec de la corde. Probablement qu'il devait y en avoir un là-dedans, un que quelqu'un avait enfermé là-dedans pour se protéger, ou pour n'importe quelle autre raison. Ne lâchant pas mon arme que je tenais fermement, j'approchais doucement du meuble, toquant une fois contre le bois jusqu'à entendre les grognements s'accentuer. Oui. Il y en avait bien un, juste un. Prudemment, je défis le nœud qui maintenait les deux battants fermés, avant de me reculer pour en laisser sortir le Coyote qui perdit son équilibre précaire en tombant au sol. Prêt à mettre fin à sa seconde vie, je m'arrêtais net au milieu de la pièce, paralysé. Un enfant. Il ne devait pas avoir plus de dix ans quand il a été tourné. Ses yeux laiteux et sans vie se fixèrent rapidement sur moi alors qu'il essayait tant bien que mal de se relever, prenant appui sur ses bras et ses jambes amaigries par la mort. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre que si les personnes qui l'avaient enfermé là-dedans étaient ses parents, ils n'avaient probablement pas pu se résoudre à l'achever.

    Serrant un peu plus fort mes doigts autour du manche de ma hache, je me rendis alors compte que mon corps refusait de se mouvoir, me retrouvant à regarder bêtement l'enfant qu'il s'était enfin relevé et commençait à s'approcher, bras tendus et bouche grande ouverte. Aucun enfant ne devrait avoir à vivre cela, aucun. Indéniablement, je repensais à Sven, à James... ils avaient certes depuis longtemps passé l'âge de ce garçonnet mais en tant que père, je ne pouvais que me remémorer ce que ç'avait fait de voir mon enfant de la sorte. Il n'était plus qu'à quelques pas de moi quand Samuel se rua dans la pièce, achevant ce que je n'avais pu faire.

« Alan merde qu'est-ce que t'attendais ? »

    Tournant la tête vers lui avant de replanter mon regard sur l'enfant désormais sans vie, je secouais la tête en soupirant, m'insultant intérieurement d'une telle faiblesse que je n'avais jusqu'alors pas perçu.

« Je n'en sais rien. »

    Ne pouvant retenir un énième soupire, je me dirigeais vers l'extérieur de la pièce, bien trop tendu et perdu pour penser à remercier Samuel qui n'en tint apparemment pas rigueur, se contentant de hocher la tête en me suivant