Blake était encore assise sur l'un des tabourets de cuisine de la maison commune lorsque la nuit tomba. Une fois le nettoyage terminé, Blake et Arthur avaient pris soin d'examiner chaque maison, afin de les attribuer de la manière la plus intelligente possible. A quelques détails près, tous les membres du camp se retrouvaient dans des maisons répondant à leurs besoins. Évidemment, trouver une chambre individuelle pour chaque personne seule s'avéra bien plus compliqué que pour loger les couples. Alors le groupe devrait faire des efforts. En regardant bien, même si tout le monde ne pouvait pas jouir d'une chambre individuelle, ils étaient quand même bien loin du style de vie qu'ils avaient vécu jusque là.

Le nez penché au dessus de son cahier, ses lunettes de vue calées sur son nez, Blake resta silencieuse en vérifiant une dernière fois la liste des attributions. Derrière elle et également à l'extérieur, le groupe s'activait pour emménager dans leur nouvelles maisons avec, sans doute, une once d'excitation quant à l'idée d'avoir un nouveau foyer rien que pour eux. Blake elle, n'éprouvait aucune impatience. Elle avait choisi sa maison certes. La bâtisse était grande, belle et bien aménagée mais...elle n'avait plus aucune famille a y installer. Elle savait déjà que lorsqu'elle rentrerait dans la maison, qu'elle fermerait la porte derrière elle, elle se retrouverait seule. Inspirant longuement, la blonde se redressa sur sa chaise et s'approcha un peu plus près de la table comme pour forcer son esprit à stopper le flux d'images de la famille Callaghan d'autrefois qu'il faisait passer devant ses yeux.

Un aboiement mit un terme à ses pensées. Khan, docilement allongé à ses pieds quelques secondes plus tôt, se trouvait désormais debout, la queue relevée, signalant à sa maîtresse qu'il était l'heure de sortir. Avec des gestes lents, la militaire retira ses lunettes et rangea ses affaires dans l'énorme sac à dos qu'elle traînait depuis le début de l'épidémie. Une fois celui-ci jeté sur son épaule, elle quitta la grande maison et découvrit l'allée. Leur nouveau camp. Les faibles lumières provenant des bougies qu'avaient installé les nouveaux habitants des lieux donnaient vie à l'endroit. Plantée là, à regarder les maisons, l'air envoyant virevolter ses longues mèches blondes, Blake prit deux minutes pour réaliser. Ils étaient enfin là, ils avaient réussi.

Ils avaient dû perdre bon nombre de personnes en route, le sacrifice n'avait pas été vain. Un instant son esprit dériva sur le chalet perdu en montagne ou ils avaient un temps pu souffler, la simple idée de se dire qu'elle aurait un peu plus d'intimité ici lui donnait du baume au coeur. Rien à foutre de se taper l'autre aigrie de Lauren dans la même maison. Elle en aurait presque été contente, tant la décompression à la simple idée de ne plus avoir à dormir dans un des camions prenait possession d'elle. Pourtant, à la différence des autres, elle ne prit pas la peine de ranger ses paquetages. Se contentant de jeter ses sac sur son lit, avant de tourner la tête vers Connor. Toi, j'te préviens. Tes soirées cochonnes, c'est dans la chambre de tes partenaires, pas ici. Ou je te brise les os. Et j'ai de la marge, t'en as 206.

Fallait pas déconner non plus. Elle l'imaginait déjà tenter de ramener une nana dans cette chambre. Même pas en rêve. Un rapide sourire éclaira son visage fatiguée par les récents événements, jetant son sweat shirt en boule dans un coin pour enfiler un pull qui n'était pas tâché du sang des rôdeurs qu'ils avaient dû achever, renfilant sa veste d'extérieur pour affronter le froid.
En silence, elle avait fait le tour du petit quartier seule, appréciant cette solitude qui lui permettait de souffler alors qu'elle souriait aux autres membres du groupe qu'elle croisait. Un instant, elle s'était arrêtée vers Kassandra. Pense à venir boire un café à la maison un jour. Dire une phrase aussi anodine lui arracha un nouveau sourire mélancolique, alors que son regard vert captait une autre tête blonde. Immédiatement, elle avait avancé vers Blake qui elle aussi semblait réaliser tout juste qu'ils étaient enfin arrivés. Blake... Elle attendit tout de même que la leader ne relève les yeux vers elle pour la serrer un court instant dans ses bras. Merci. Pour tout. On ne serait pas arrivés ici sans toi, et... je voulais que tu le saches.

Le mérite lui revenait. Ramenant une mèche rousse derrière son oreille en offrant un sourire timide à son mentor, Quinn baissa un instant le regard vers le sol.

C'était la fin du cauchemar. Et le début d'une nouvelle vie.

La fin de la matinée avait été compliquée comme le reste de la journée en réalité. Je ne savais plus ou j’étais, j’étais loin d’avoir les yeux en face des trous, mais qu’importe j’aurais tout le temps de parler à Kassandra plus tard. Je présenterais mes excuses et on pourrait trouver une solution ensemble loin de Ludwig tant qu’à faire. Mais je l’avais trouvé sympa et il avait toujours été adorable avec moi. J’avais encore plus besoin de me sentir apprécié que d’habitude et c’était sans doute pour ça que j’avais pris sa défense. Oui, j’étais en train de trouver Ludwig choupie, mais rien de bien méchant là-dedans, c’était juste comme ça.

Avant de retourner dans cette maison qui serait mienne en vue d’y passer la soirée, j’avais ressenti le besoin de me recueillir devant la tombe d’Abel. J’étais assise sur mes chevilles à regarder la terre qui recouvrait son corps. Je n’avais rien à déposer dessus, mais je devais me recueillir, j’avais besoin de réfléchir. J’avais laissé Elie dans la chambre que j’occupais avant de partir, elle dormait et je l’avais signalé à Dante avant de quitter l’endroit. Finalement, j’entendais des pas se rapprocher de moi, je me retournais et repérais sans grand mal Victoria qui venait dans ma direction. Je lui tendais alors les bras pour qu’elle vienne contre moi et la serrait avec amour. Je lui déposais un baiser sur la tempe avant de la lâcher. "Tu tiens le coup ?" Je n’allais pas lui demander si ça allait puisqu’évidement la réponse serait non, je voyais bien dans son regard qu’elle se posait la même question me concernant et je pouvais comprendre.

Je continuais de l’observer avant d’ajouter. "Ta chambre te plait ?" Je me relevais finalement tout en gardant mon regard dans sa direction. "Je ne sais pas, je te cherchais…" Un bref sourire apparu sur mon visage, oui j’étais triste, oui j’étais en deuil, mais cette gamine putain, elle était géniale. Je l’aimais comme ma fille et je n’étais pas prête à la laisser tomber c’était certain. Je glissais ma main dans la sienne pour retourner en direction de chez nous.

La maison était grande et j’avais déjà pu faire le tour pendant qu’on cherchait de la nourriture. Je restais un peu avec Victoria dans sa chambre avant de redescendre pour trouver Kassandra. Il fallait sans doute qu’on parle. Il ne me fallut pas beaucoup de temps pour la trouver.

- Je suis désolé pour tout à l’heure. J’ai été trop loin, mais je suis à cran, on est tous à cran. Je regrette tellement tout ça. Je ne veux pas qu’on reste fâché.

Je la regardais avec des yeux tristes, je n’avais absolument pas besoin de me forcer pour ça étant donné que c’était un véritable calvaire en ce moment dans ma vie. J’espérais juste qu’Elie ne se mettrait pas à pleurer et que je devrais m’éclipser en vitesse.

    La journée avait été relativement longue et, même si nous étions tous à bout après tout ce temps, nous étions tous bien conscients que ce serait la dernière étape avant de pouvoir enfin reposer corps et esprits. Accompagné de John, James et Samuel, nous avions nettoyé la maison la plus reculée, nous rendant amèrement compte qu’elle était inhabitable pour l’instant ; les meubles sans dessus dessous, les vitres brisées qui n’avaient pas épargné l’intérieur d’un hiver bien trop rude. Il faudrait probablement du temps avant que certains d’entre nous puissent s’installer ici et le temps nous ne l’avions pas dans l’immédiat, encore moins l’énergie. Le nettoyage terminé, j’avais enfin pu m’accorder cette cigarette dont j’avais eu tant besoin depuis l’inconvénient qui était survenu dans le premier logement.

    Ayant repris mes esprits, j’avais rejoint Christina qui déjà me donnait ses premières impressions sur ce nouvel endroit ; si sa voix était toujours relativement morne, porteuse de toutes les pertes que nous avions eu à encaisser, ses yeux étaient toutefois empreints d’un léger soulagement que je ne pouvais que comprendre. J’étais soulagé oui, mais je ne parvenais pas à réellement me réjouir, ne pouvant mettre de côté les souvenirs de ceux que nous avions perdu en route ; Edwin, Abel, Nara et Buzz… Soupirant bruyamment, je posais une main sur le bras de mon épouse, essayant pour la énième fois de faire fi de mes maux.

« Viens. »

    M’avançant vers la maison qui nous avait été attribuée, la deuxième en partant du portail, je poussais doucement la porte, ayant presque l’impression de rentrer comme un voleur dans un lieu qui ne m’appartenait pas ; comme quand nous y entrions pour chercher des vivres, n’importe quoi qui nous permettrait de survivre un peu plus longtemps. Mais ce n’était pas aussi temporaire que cela, c’était pour de bon, au moins pour quelques temps. Faisant quelques pas dans l’entrée, j’aperçus Ludwig un peu plus en avant dans la bâtisse, m’approchant alors de lui en essayant de lui adresser un petit sourire.

« Nous allons devoir cohabiter j'e… ça ne va pas ? »

    Fronçant les sourcils en percevant son air franchement à bout, je soupirais doucement en posant une main sur son épaule, levant la tête pour croiser son regard ; Voltaire, forcément. L’animal n’était toujours pas revenu et, si nous avions tous encaissé beaucoup de peine, il me sembla évident que c’était ce fait qui tracassait réellement le libraire.

« Il va revenir, ne t’en fais pas. »

    Probablement que mes mots ne changeraient rien et ne l’aideraient pas, mais qu’y avait-il d’autre à dire dans ces cas là ?